Un fils d'ouvrier de
la province lombarde passe, en compagnie d'une vingtaine d'autres candidats, le
concours d'entrée d'une grande entreprise milanaise. Garçon de courses, puis
aide-concierge, il prend ensuite, à la faveur du décès de son titulaire, un
obscur poste d'employé de bureau. Il s'enferme alors dans la solitude et la
grisaille de la vie bureaucratique.
Second film d’Ermano Olmi, L’Emploi endosse une dimension autobiographique et annonce les
thématiques et protagonistes types de sa filmographie à venir. Olmi débute dans
le documentaire dont il signe une quarantaine de productions industrielles dans
l’entreprise Edisonvolta où il travaille. L’entreprise se situe à Milan, grande
ville de Lombardie l’ayant amené à s’extraire de sa banlieue de Treviglio. Ce
parcours fait figure de note d’intention dans le texte qui introduit le film :
Pour les gens qui
vivent dans les petites villes et village de Lombardie, Milan signifie surtout
un emploi.
Après Le temps s'est
arrêté (1959) où il suivait un vieil ouvrier et un étudiant, Olmi s’applique à nouveau à dépeindre des
travailleurs dans leurs environnement mais cette fois en se rattachant à une
expérience plus personnelle. Au départ c’est le fossé entre la banlieue et la
grande ville de Milan qui parle, de par le milieu modeste jurant avec le luxe
de la ville, le cadre mortifère s’opposant à l’agitation urbaine, la distance
pour passer de l’un à l’autre avec ce long trajet en train à côtoyer la faune
matinale des travailleurs pour le jeune Domenico (Alessandro Panseri). Notre
héros est en route pour postuler dans une grande entreprise milanaise où parmi
d’autres candidats, il va passer une série d’examen. La dimension morne du
milieu professionnel asse déjà par le cadre austère mais aussi les tests
rébarbatifs qui annoncent les tâches ennuyeuses qui suivront l’embauche. Dans
cette sinistrose, Olmi accorde pourtant une merveilleuse respiration à Domenico
avec les moments partagés avec Antonietta (Loredana Detto) une autre candidate.
Durant la pause de midi puis sur le chemin du retour, échanges complices,
découvertes de l’autre et exploration de cette immense Milan.
Le cadre aliénant de l’entreprise va pourtant étouffer cette
romance naissante. Ce sera d’abord le lieu de la déception pour Domenico plus
enjoué à l’idée de retrouver Antonietta (montant les marches plutôt que prendre
l’ascenseur durant une scène) que par le la perspective de son premier jour d’embauche.
Cet allant vire peu à peu à la mélancolie, Olmi montrant Domenico s’éteindre
quand les entrelacs de l’entreprise rendent Antonietta d’abord invisible, puis
inaccessible. La segmentation la rattache à un cercle qui l’oblige à l’observer
de loin en compagnie d’autres hommes de l’entreprise, puis façonne un fossé « social »
quand il la revoie et qu’elle est dactylo alors qu’il n’occupe qu’un poste de
coursier. Il n’y a pas de réel rejet mais la construction même du monde
professionnel est une conséquence de cette distance. Olmi crée d’ailleurs
quelques apartés où il capture la solitude d’employés anonymes dans leur
quotidien pour rendre cette mélancolie plus universelle et renforcer la
dimension du final.
Le ton du film est très particulier, mortifère par son
austérité, ses plans fixe et ses cadrages emprisonnant les
employés/personnages. Parallèlement se dégage une drolerie, des moments
absurdes et kafkaïens qui annoncent le Playtime
de Jacques Tati (1967). Mais tout cela s’inscrit dans la veine documentaire d’Olmi
qui trouve le ton juste entre réalisme, mélancolie et humour à froid. Tous ces
penchants s’articulent au mieux durant la séquence de la fête d’entreprise où
Domenico espère en vain rencontrer Antonietta, sombre dans la déprime avant de
se laisser aller à la festivité ambiante avec l’énergie du désespoir. Le final
ramène douloureusement au statut de pion gravissant les échiquiers de la petite
ambition ordinaire et condamné à l’ennui. Une réussite singulière qui sera
récompensé du Prix de la Critique internationale au Festival de Venise en 1961.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
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