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vendredi 3 octobre 2025

Egoist - Egoisuto, Daishi Matsunaga (2025)

Kōsuke travaille pour un magazine de mode. Très soucieux de son apparence, il embauche Ryūta comme coach sportif. Au fil des entraînements, une romance s’installe entre les deux hommes. Mais Ryūta décide de mettre brusquement fin à leur relation et disparaît…

Egoist est le second film que consacre le réalisateur Daishi Matsunaga consacre au sujet de l’homosexualité, après l’inaugural Pyuupiru 2001-2008 (2010). Constatant que la représentation des gays n’avait guère évolué depuis ce premier essai, il a ressenti le besoin d’aborder à nouveau le sujet avec cette adaptation du roman éponyme de Makoto Takayama. Un des intérêts du film est d’aborder deux formes d’homosexualité, celle d’une certaine norme sociale et économique à travers le personnage de Kosuke (Ryohei Suzuki), et celle d’une marge reposant sur les mêmes points mais inversés avec Ryuta (Hio Miyazawa). Kosuke, travaillant dans le milieu de la mode, physique élancé et au style vestimentaire élégant, appartement cossu, s’oppose ainsi au frêle Ryuta, ses jobs précaires, vivant toujours avec sa mère.

Si la tension érotique entre eux est biaisée par les conditions de leur rencontre (Ryuta engagé comme coach sportif de Kozuke, prétexte à une immédiate proximité physique), ce n’est pas sur ce point que se jouera la bascule vers la naissance d’un sentiment amoureux. Après une séance sportive, Ryuta se renseigne puis renonce faute de moyens à acheter des sushis à sa mère. C’est une préoccupation qu’aurait rêvé avoir Kozuke, qui a perdu sa mère très jeune, et il est sobrement touché par cette attention filiale contrariée. Daishi Matsunaga illustre la façon dont le confort matériel permet d’assumer son orientation sexuelle à travers le quotidien de Kozuke, ses sorties entre amis, leurs discussions libres et leurs facéties. Il s’est, comme il l’explicitera durant un dialogue intérieur, façonné une armure glamour et un physiquement attrayant, et vit dans un vase-clos social et communautaire dont il ne sort que lors de ses rares visites à son père.

A l’inverse, le monde de Ryuta restera longtemps plus secret et invisible, la précarité de sa condition ne lui autorise pas le temps et le loisir de construire une identité gay qu’il ne vit qu’à la marge. C’est par le biais professionnel officiel que se noue le lien avec Kozuke, est par la voie plus sous-terraine de la prostitution qu’il boucle ses fins de mois. Le dénuement force Ryuta à la retenue et l’introversion, le confort place Kozuke dans une prison dorée, mais tout deux se rejoignent dans leur solitude. La connexion « maternelle » est ce qui signe un premier intérêt et rapprochement entre eux (lorsque Kozuke paie et offre les fameux sushis lors d’une seconde rencontre), avant l’intense rapprochement charnel filmé de manière frontale et gracieuse par Matsunaga.

L’amour, le vrai, se déploie en les sortant chacun de leur impasse, l’insouciance du nanti pour Kozuke, et l’avilissement pécuniaire pour Ryuta. Une dignité renaît chez chacun d’eux en exposant son humanité, celle de l’aide désintéressée de l’être aimé pour l’un, et la sagesse ainsi que la reconnaissance de l’accepter pour l’autre. Les deux acteurs sont très bons et expriment une alchimie constante, à laquelle le réalisateur prête autant d’attention durant les scènes de sexe que lors d’un quotidien où l’amour passe par les silences, les regards et les non-dits – notamment Ryohei Suzuki qui joue de sa persona de héros d’action et de son allure imposante pour exposer une poignante vulnérabilité. Malgré un relatif cliché d’interrompre la plénitude d’une romance gay par le drame dans la fiction, le socle de l’amour des deux hommes le surmonte par cette curiosité initiale de celle qui manque tant à Kozuke et qui est source de tous les efforts de Ryuta, la mère.

Ainsi le long épilogue dévoile le vrai propos d’Egoist, lorsque les liens filiaux transcendent les liens biologiques, et que l’aimé disparu parvient encore à s’incarner dans ce qu’il avait de plus proche. La dernière partie et le très beau personnage de mère (Sawako Agawa) déploient une émotion plus inattendue, élargissant le spectre d’un amour ne se voulant pas que qu’attaché à l’orientation sexuelle, mais à quelque chose de plus vaste et universel.

En salle le 8 octobre

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