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jeudi 16 octobre 2025

Dr. Wai - Mo him wong, Ching Siu-tung (1996)


Un écrivain de pulp transpose ses problèmes relationnels dans la nouvelle œuvre qu'il écrit. Celle-ci raconte l'histoire du Dr Wai, chargé de retrouver un parchemin magique capable d'influencer l'avenir de l'humanité.

Dr Wai est inventif et agréable film d’aventures mettant Jet Li en vedette et lui permettant d’explorer une autre facette de son jeu. Sa persona filmique est à ce stade totalement associée à sa mythique interprétation de Wong Fei-hung dans la saga Il était une fois en Chine. Son double rôle dans Dr Wai lui offre un terrain de jeu plus vaste que le stoïque maître d’art martiaux. D’un côté il y a le « roi des aventuriers », rieur, bondissant et sans peur face au danger, en pendant assumé de Tintin et Indiana Jones. De l’autre, il y a l’écrivain maladroit empêtré dans les problèmes sentimentaux, et totalement dépassé par les évènements. Ce registre loufoque méconnu de l’acteur (avec quelques exceptions comme Tai Chi Master de Yuen Woo-ping) lui sied à merveille et participe à l’inventivité du récit offrant une variante hongkongaise de Le Magnifique de Philippe de Broca (1973) avec son film dans le film et sa veine méta.

Les soubresauts de l’histoire ne sont pas circonscrits au seul Jet Li, mais aussi à son entourage, l’intrusion et les propres chassés-croisés amoureux de ses assistants (joué par Takeshi Kaneshiro et la délicieuse Charlie Young) faisant vriller la narration à travers leurs interventions dans le roman. Si les vas et vient entre réel et fiction ne sont pas si nombreux, les graines disséminées contaminent joyeusement le film d’aventures à plusieurs niveaux. Les désagréments du réel font basculer la personnalité des personnages de fiction, telle une Rosamund Kwan tour à tour amoureuse transie puis manipulatrice diabolique au gré de la relation avec son époux Jet Li. 

L’aspect décousu et les ruptures de ton que l’on peut parfois ressentir dans les films hongkongais sont totalement intégrés à la narration, que ce soit par les réactions incongrues, les répliques décalées, les scènes d’actions décomplexées. Les grands enjeux d’espionnage, de politique et de mystique (avec la recherche d’un artefact bouddhique aux pouvoirs surnaturels) du récit de fiction ne servent qu’à opposer et/ou réconcilier les déchirements conjugaux du réel dans un ensemble équilibré. Cela se ressent lorsque les deux niveaux de récit se croisent de façon plus inattendue comme lorsqu’une réaction ou dialogue d’un personnage de fiction fait explicitement référence à son alter-ego « réel » (Jet Li appelant son Rosamund Kwan « Monica », soit le prénom de l’épouse de l’écrivain).

Pour Ching Siu-tung, c’est l’occasion de s’émanciper de la tutelle de Tsui Hark tout en s’appuyant sur son héritage. L’alchimie Jet Li/Rosamund Kwan rappelle le meilleur du romanesque et vaudeville d’Il était une fois en Chine, l’espièglerie de Charlie Young ravive le souvenir de ses interprétations dans The Lovers (1994) et Dans la nuit des temps (1995), tandis que la relation mentor/élève de Jet Li et Takeshi Kaneshiro ravive les éclats de rires d’Il était une fois en Chine de nouveau. La dimension méta permet au réalisateur d’améliorer la copie de sa précédente incursion dans l’aventure pulp, la production FilmWorshop The Raid (1991), plaisante mais chaotique. 

La comédie s’entremêle au film d’action inventif et décomplexé durant quelques morceaux de bravoures mémorables : la destruction d’un décor par le déraillement d’une locomotive, les combats délirants voyant Jet Li la jouer Jackie Chan facétieux. Dr Wai est donc un excellent divertissement, en particulier dans son montage hongkongais reposant sur ce double niveau de lecture. L’accueil mitigé du film amènera les producteurs à en livrer un montage international éliminant les scènes contemporaines pour privilégier le film d’aventure classique sous lequel Jet Li retrouve sa stature classique de héros stoïque. Les deux versions ont leurs défenseurs, mais pour notre part le montage d’origine offre le récit le plus frais et cohérent – ruptures de ton font moins sens dans un film plus classique. 


 Sorti en bluray français chez HK Vidéo

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