Fils de torero, Juan Gallardo rêve de gloire et d’endosser
l’illustre habit de lumières à l’image de son père mort dans l’arène.
Vivant pauvrement à Séville avec sa famille, il quitte la maison pour
faire carrière à Madrid dans la tauromachie. Après quelques années, il
réussit à se faire un nom auprès d’aficionados. Auréolé de gloire, il
retourne à Séville, retrouve sa famille et son amie d’enfance, Carmen.
Ils se déclarent leur amour et se marient. Réalisant de spectaculaires
corridas, Juan est maintenant à son apogée. Encensé par tous, il est
remarqué par la troublante séductrice Doña Sol, une superbe aristocrate
habituée au milieu mondain.
Arènes sanglantes
participe à la démarche hollywoodienne de réviser ses classiques les
plus spectaculaires du muet à l'aune du parlant. Rouben Mamoulian pour
son premier film à la Fox avait donné l'année précédente une relecture à
succès du Signe de Zorro de Fred Niblo avec Tyrone Power et
Linda Darnell. C'est donc tout naturellement que la même équipe est
reconduite à nouveau pour remaker Fred Niblo et sa première adaptation
du roman de Vicente Blasco Ibáñez en 1922. Mamoulian poursuit d'ailleurs
en plus réussi sa démarche du Signe de Zorro où il retardait
et limitait le spectaculaire pour s'attarder sur le contexte et les
sentiments qui guidaient les actions des personnages. Ainsi au départ Arènes sanglantes
avec son Technicolor flamboyant, son casting prestigieux et le faste de
ses décors semble verser dans une pure vision épique et romanesque de
ce monde de la tauromachie. Au contraire Mamoulian en contrepoint de ce
visuel pétaradant va proposer un film étonnement introspectif.
Cette
démarche ne se devine que progressivement tant le film donne dans le
portrait plein de panache de Juan Gallardo. L'intrépidité juvénile, le
panache et le charme de Juan marquent dès l'adolescence où il est déjà
sûr de son talent, de son destin et de ses amours avec Carmen (Linda
Darnell). Cette insouciance continue à rendre le personnage attachant
dans son ascension où le mépris des autres appuient sa détermination à
réussir, tout en nous amusant quand il se voit trop beau et trop vite
(hilarante scène où il se croit acclamé à la gare). Pourtant à bien y
regarder on constatera finalement la nature assez elliptique de la
réussite de Juan, les obstacles venant plus de son orgueil blessé que de
son réel apprentissage (et la sagesse possiblement acquise) pour
devenir un matador accompli. Juan est poseur et vaniteux alors qu'il
n'est rien (la scène où il arrive en maître dans son ancien quartier et
distribue les cadeaux) et accentuera ces traits de caractère une fois
parvenu au sommet, une nouvelle fois sans apprendre (il restera illettré
jusqu'au bout).
Le film ne traite pas d'une figure héroïque mais plutôt
de la faiblesse du caractère humain face à une adulation publique
versatile. Le journaliste joué par Laird Cregar méprisant ou adulant
Juan au gré des évènements représente bien cela mais c'est dans les
scènes de tauromachie que Mamoulian l'exprime le mieux. Les postures
martiales et l'attitude fière de Juan ont toute leur raison d'être dans
cet environnement grandiose, le découpage de Mamoulian soulignant autant
la grâce que le danger de tous les instants de la joute. Si Juan est
magnifié dans son élément, les inserts sur le public trahissent
l'hypocrisie du public plus grisé par la mort omniprésente que la
prouesse, Mamoulian l'exprimant autant par la beauté (l'admiratrice
jouée par Rita Hayworth) que le grotesque (ce spectateur dégustant son
steak en pleine joute). Le toréador ne vaut finalement pas mieux que la
viande de sa victime que se partagent les spectateurs après le
spectacle. Ce sera bientôt son tour d'être symboliquement dévoré.
Tyrone
Power si dominateur dans son arène est littéralement happé par le
luxueux et rococo gigantisme de la demeure de Doña Sol de Muire (Rita
Hayworth). Les scènes de séduction font preuve d'un raffinement aussi
forcé et factice que le sourire de Rita Hayworth qui s'est trouvé un
nouveau jouet. Tout cela contribue à rendre Juan étranger à son élément,
Mamoulian faisant subtilement passer la déchéance progressive de notre
héros. La déchéance morale se dévoile par un simple motif visuel (la
bague qui révèle son adultère) puis simplement en escamotant les scènes
de tauromachie qui n'ont plus lieux d'être.
La poursuite vaine de la
gloire et adrénaline de l'arène se révèlera aussi par ses victimes
collatérales présentes (le personnage de John Carradine reportant
toujours ses adieux pour le pire) ou future avec le trop ambitieux
Anthony Quinn. A l'inverse c'est lorsqu'il convoque magnifiquement
l'iconographie religieuse que Mamoulian humanise ses personnages (Linda Darnell en quasi figure de sainte),
Mamoulian reconnaissant l'inspiration de Velázquez dans les somptueuses
compositions de plan où Juan se recueille avant le combat, ou dans les
séquences d'agonie ou les toréadors adoptent des poses de martyrs. Alors
que la construction du récit s'avère finalement très classique dans son
rise and fall, c'est la finesse du traitement et de l'illustration du réalisateur qui rendent Arènes sanglantes si prenant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Opening
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Un film que j'ai découvert par hasard La mise en scène est en effet superbe, les acteurs aussi Le récit est à la fois caricatural et touchant Les scènes musicales sont de vraies réussites Au final une oeuvre (tiré d'un roman et remake de 1921 avec R. Valentino) qui traite d'une époque et d'un milieu peu montré au cinéma ... Trois étoiles !
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