À la suite de son
évasion, Nami, surnommée Sasori, est activement recherchée par la police. Elle
leur échappe dans le métro, après avoir coupé le bras d'un inspecteur, et
trouve refuge dans un quartier sordide, chez une prostituée.
La Tanière de la bête
est le troisième volet de la saga de La
Femme Scorpion et en constitue une forme de point final. La Toei exploitera
certes le filon pour trois épisodes supplémentaires (sans compter les
tentatives de reprise dans les années 90) mais cet épisode est le dernier à
réunir la charismatique Meiko Kaji - qui tournera néanmoins un quatrième volet
- et le réalisateur Shunya Ito qui forgèrent l’identité thématique et visuelle
de la série. La Femme Scorpion (1972)
était un pur film d’exploitation brutal et inventif qui faisait sonner le vent
d’une revanche féroce des femmes opprimées dans un Japon machiste. La suite Elle s’appelait Scorpion (1972) prenait
un tour plus surréaliste et sortait du cadre de la prison pour faire du monde
extérieur (et donc le Japon en son entier également un lieu de tourment
perpétuel pour les femmes. La Tanière de
la bête prend une direction encore différente. L’environnement carcéral du
premier volet st longuement absent, tout comme l’espace rural cauchemardesque
du second. A la place le film se déroule dans un milieu urbain qui se manifeste
dès la scène d’ouverture et sa course-poursuite dans le métro. Nami (Meiko
Kaji) désormais fugitive s’y défait brutalement d’un inspecteur (Mikio Narita)
en le mutilant.
Elle trouvera refuge dans un quartier sordide en se liant d’amitié
avec Yuki (Yayoi Watanabe), une prostituée. Shunya Ito délaisse dans un premier
temps les expérimentations formelles qui rendaient ludique et poétique les
épisodes précédents. A la place un ton austère qui dessine en parallèle le
dépit de Yuki et Nami. Yuki symbolise de la façon la plus cruelle la dimension
oppressée et sacrificielle de la femme à travers son métier de prostituée et
surtout de céder sexuellement à son frère attardé mentalement à son frère
victime d’un accident d’usine. Nami quant à elle semble désormais un être terne
et vide après n’avoir vécu que pour la vengeance. La détresse des héroïnes s’exprimera
par une attitude de plus en plus taciturne et glaciale pour Nami (Meiko Kaji ne
décrochant son premier mot qu’au bout de 20 minutes) et au contraire par une
vulnérabilité très expressive pour Yuki.
La monotonie de son job de couturière,
la solitude de sa chambre illustre le quotidien sans joie de Nami tandis que
les couleurs et l’excentricité du quartier des plaisirs accompagne la déchéance
de Yuki. C’est donc paradoxalement lorsque la menace ressurgit que la flamme
vitale va renaître chez les personnages. Comme dans les deux premiers films, l’absence
de solidarité féminine (la voisine trompée ou l’ancienne camarade de prison
devenue mère maquerelle impitoyable) comme la barbarie masculine sont sources
de tourments pour Nami. C’est dans cette adversité qu’elle peut redevenir
Sasori (Scorpion) et retrouver l’aura intimidante qui fait sa légende et terrifie ses adversaires.
Shunya Ito ne s’embarrasse plus d’un vague semblant de
réalisme dans ses péripéties pour faire de Nami une sorte de croquemitaine
omniscient et indestructible. Des astuces formelles oniriques servent d’ellipses
pour expliquer certains tours de force de Nami (un fondu enchaîné ou une vision
infrarouge faisant découvrir à la fois son évasion et les assassinats du
médecin avorteur, des acolytes proxénètes), la seule aura de celle-ci suffisant
à faire comprendre qu’elle s’en sortira toujours même dans une situation
critique – l’épisode des égouts enflammés. Du coup le vrai suspense est absent
rapport aux deux premiers films tendus et suffocant, mais pas l’émotion à
travers l’amitié de Nami (lui arrachant ses rares sourires) et Yuki retrouvant
une raison de s’accrocher à la vie en aidant son amie.
La dernière partie
rejoue donc le registre vengeur plus classique de la série mais sans la
jubilation initiale. Nami a finalement cessé d’exister pour son double Sasori
et semble comme condamnée à être agressée pour se rebeller en retour dans une
boucle éternelle. Une fois un antagoniste vaincu, elle disparait jusqu’à s’en
trouver un autre. Le jeu de plus en plus glacial de Meiko Kaji exprime bien l’abstraction
et la symbolique dans laquelle s’engonce le personnage et c’est la meilleure
façon de lui offrir sa sortie, iconique et tragique à la fois. Même si Meiko
Kaji tournera un quatrième volet plutôt réussi, on peut estimer que la vraie
belle conclusion de la saga réside dans cette Tanière de la bête.
Sorti en dvd zone 2 français chez Pathé
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