Rod Hamilton (Richard Attenborough), un riche promoteur fan de jazz,
organise une soirée pour le premier anniversaire de mariage d’Aurelius
Rex (Paul Harris), célèbre musicien de jazz, et sa femme Delia (Marti
Stevens), une chanteuse de jazz retirée du circuit. Un batteur ambitieux
Johnnie Cousin (Patrick McGoohan) veut absolument se servir du nom de
Delia pour fonder son propre groupe. Mais cette dernière refuse. Il va
alors tout faire pour détruire le couple.
Basil Dearden signe une nouvelle réussite magistrale avec ce All Night Long qui propose une transposition contemporaine d'Othello
de Shakespeare. Cette adaptation libre se déroule dans le milieu du
jazz londonien des 60's et va y rejouer la même tragédie de jalousie,
ambition et pouvoir. L'enjeu de la manipulation de Johnnie Cousin/Iago
(Patrick McGoohan) est de monter son propre groupe de jazz mais il ne
pourra entrer dans le circuit qu'en ayant Delia/Desdemone (Marti
Stevens) comme chanteuse mais celle-ci est retirée depuis qu'elle a
épousée le pianiste Aurelius/Othello (Paul Harris). Le soir où se fête
le premier anniversaire de mariage d'Aurelius et Delia, Johnnie va ainsi
multiplier les fourberies pour diviser les époux et assouvir ses
ambitions.
Etonnement l'aspect racial reste très sous-jacent
(alors qu'il était plus explicite chez Shakespeare, mais on sent qu'il
guide en partie la jalousie d'Aurelius) alors que c'est une thématique
récurrente chez Basil Dearden mais néanmoins on retrouve cette mixité
amoureuse absente du reste de la production anglaise d'alors. Le
connaisseur de la pièce en reconnaîtra à quelques ellipses près le
déroulement et c'est dans le jeu sur la musicalité des images et la
dimension théâtrale que Dearden s'approprie le film. On a trois décors
principaux avec la salle de concert, et deux pièces plus isolées. Les
manipulations des espaces intimes trouvent leurs conséquences dans celui
collectif de la salle de concert. Dearden joue sur le verbe et la
nature de mauvais génie de Johnnie que Dearden traduit au fil de son
empire sur Aurelius dont il stimule la jalousie.
Le visage défait et
colérique d'Aurelius s'impose donc en gros plan tandis que celui semant
le fiel de Johnnie s'expose en arrière-plan par un jeu de focale et
profondeur de champ. Dans la salle de concert, les suspicions et
rancœurs s'expriment à l'inverse par la distance synonyme
d'incompréhension. L'esprit tourmenté Aurelius observe de loin et avec
une rage grandissante les échanges de Delia avec son vieil ami et
manager Cass (Keith Michell) qu'ils soupçonnent d'être amants. Patrick
McGoohan est parfait de duplicité, glissant la petite phrase et remarque
innocente qui sèmera plus tard la discorde, affichant un regard
constamment ambigu. Le scénario ajoute des éléments plus contemporains
pour rejouer les péripéties de la pièce, notamment lorsque Johnnie fait
fumer de la marijuana à Cass pour le monter contre leur producteur.
C'est
la musique qui fera constamment grimper la tension au fil de
l'intrigue. Une démonstration virtuose de bongos déclenche un montage
saccadé entre l'instrument et les jeux de regards, plus tard le désir de
tous les protagonistes masculins pour Delia s'exprimera par des inserts
sur ces mêmes regards brûlants quand elle reprendra son emploi de
chanteuse pour un instant. Mieux encore, un moment supposé intensément
romantique scelle la défiance des époux lorsque Delia entonnera un
langoureux All night long à Aurelius qui ne pense pas en être
le destinataire. Dearden use de cette musicalité jazzy dans ses
mouvements de caméra fluides qui participent à exprimer le drame en
cours, la différence se ressentant avec le début du film où il se
faisait l'illustrateur plus neutre du groupe dont il mettait en avant
les aptitudes - les amateurs de jazz reconnaîtront Dave Brubeck et son
groupe apparaissant en personne, et au passage Patrick McGoohan pas
doublé s'avère un très bon batteur.
La tension monte ainsi peu à peu
pour aboutir à 20 dernières minutes d'anthologie. La violence explose
définitivement, Dearden joue habilement de la théâtralité pour accentuer
la dramaturgie (tonnerre et éclairs venant appuyer la conviction
d'Aurelius d'être trompé) et se débarrasse de la rigueur géométrique
initiale pour donner dans les cadrages baroques dont la démesure sert de
révélateur. La brutalité fulgurante et sauvage d'Aurelius est un
véritable choc que seule l'échappée à l'extérieur de de nid de tension
saura calmer. D'ailleurs l'ouverture percutante stylisée sur fond de
jazz enlevé et l'errance finale réconciliatrice montrent à nouveau que
Dearden n'a pas d'égal pour filmer l'urbanité londonienne.
Sorti en dvd zone 2 et BR anglais dot de sous-titres anglais chez Network
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bonjour, Trés bon film, en effet.Nous avions je crois échangé sur Dearden.
RépondreSupprimerUn cinéaste qui m'intéresse toujours autant.
Oui tout à fait on en avait déjà parlé, j'en découvre pas mal en ce moment tous ses polars des années 50/60 sont vraiment de haut vol et mériteraient d'être édité en France. A part le film à sketch Au cour de la nuit, Dearden reste injustement méconnu ici.
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