À Viareggio, en
Toscane, l'été touche à sa fin : Guendalina, jeune adolescente de quinze
ans, flirte avec Oberdan, le fils du maître-nageur, sans grande conviction et
surtout pour dissiper son ennui. Ses parents milliardaires s'apprêtent, quant à
eux, à divorcer...
Guendalina est un
film au premier abord plus léger dans l’œuvre d’Alberto Lattuada, dont les
précédents films oscillaient entre inspiration néoréaliste (Le Bandit (1946)), adaptation littéraire
prestigieuse (Le Manteau (1952) d’après
Nicolas Gogol) ou mélodrame flamboyant (Anna
(1951), le vénéneux La Louve de Calabre
(1953). Guendalina est loin d’être
mineur dans ce corpus puisqu’il s’agit d’un des premiers films italiens à s’intéresser
à l’éveil amoureux chez les adolescents, un sillon que creusera Lattuada dans
deux autres films, Les Adolescentes
(1960) et La Novice (1960). Il s’agit
initialement d’un scénario de Valerio Zurlini mais les producteurs lui
préfèreront Alberto Lattuada. On retrouve d’ailleurs malgré le registre plus
grave une trace de cela sur Été violent
(1959) de Valerio Zurlini, dans l’atmosphère de fin d’un monde et d’éveil
charnel de son héros. Tout cela est vu à une plus intime échelle dramatique et
une tonalité douce-amère dans Guendalina
par la grâce du traitement de Lattuada.
L’adolescent d’Été
violent est rattrapé par le contexte historique qui vient entraver sa
romance coupable, un postulat finalement proche de Guendalina. Notre héroïne (Jacqueline Sassard) va quant à elle voir
aussi le monde des adultes empêcher l’épanouissement de son premier amour à
cause de la séparation de ses parents Guido (Raf Vallone) et Francesca (Sylva
Koscina). Lors de la scène d’ouverture, Lattuada capture déjà par l’image ce
moment d’hésitation entre éveil érotique et candeur adolescente. On suit un
groupe de jeunes gens se promenant à vélo, et la caméra de Lattuada s’attarde
sur les courbes féminines des adolescentes, leurs jambes nues longilignes, la
manière dont leurs shorts serrés épousent leurs fesses sur la selle. Tout en
nous montrant cette sensualité naissante, le réalisateur montre pourtant le
groupe s’adonner à des jeux tout à fait enfantin où les garçons s’amusent à
décoiffer les filles tout en roulant.
On appuie cette idée dans la même
séquence lorsqu’ils viennent chercher Guendalina, puisque l’on découvrira une
séduisante et élancée jeune femme qui va pourtant demander comme l’enfant qu’elle
est encore la permission à sa mère de se joindre à ses camarades. La maturité
physique ne trouve pas écho dans les interactions bien innocentes des
adolescents tout au long de cette dernière journée d’été où ils iront à la
plage et danseront. La seule tentative d’un garçon trop entreprenant se verra d’ailleurs
sèchement repoussée par Guendalina. C’est inversement l’inconséquence des
adultes qui se répercute sur notre héroïne, par la frivolité de son père dont l’infidélité
est saisie en un regard, mais aussi par la gravité de la mère qui confesse ses
angoisses à sa fille idolâtrant plus que de raison ce père immature.
Le cocon familial fracturé prolonge donc le séjour de
Guendalina dans sa villégiature Toscane de Viarregio, où elle va se rapprocher
du seul camarade restant (et peu côtoyé jusque-là), le local Oberdan (Raf
Mattioli). Dans cette même logique d’observer les premières amours dans cet
équilibre entre attrait physique et marivaudage enfantin, les personnages se
fréquentent par dépit avant de se connaître et s’aimer réellement. Guendalina
forçant la joie de vivre au foyer dans l’espoir de réunir ses parents peut
ainsi laisser libre cours à son tempérament de chipie capricieuse au contact d’un
Oberdan agacé. Jacqueline Sassard dégage un charme certain, et exprime
habilement les fêlures que dissimule son entrain forcé. Même si ce n’est pas le
sujet central du film, c’est l’estompement de la différence de classe qui va
laisser naître la romance entre Guendalina et Oberdan. En début de film,
lorsque Oberdan de condition modeste ne peut rejoindre les autres en promenade
car il travaille, Guendalina est la première à couper court et inciter à
poursuivre sans lui. Lorsqu’il devient le seul compagnon de jeu, elle prend plus
explicitement conscience de la condition de celui-ci à travers les vas et vient
d’un objet (cet imperméable qui navigue entre elle et lui), et les ennuis qu’elle
lui cause notamment lors de la partie de chasse.
Cette conscience de leur
différence ne sera pas une cause de rupture mais au contraire de réunion. La
générosité de Guendalina lors de l’épisode du fusil de chasse avive enfin l’intérêt
d’Oberdan, et laisser voir les meilleurs côté de cette dernière. Lattuada
montre cette évolution par les attitudes plus naturelles du couple, des
dialogues laissant entrevoir l’empathie de Guendalina (ses regrets quant à la
nièce sourde d’Oberdan). Le plaisir d’être ensemble se ressent par les
déambulations insouciantes dans la langueur de l’été, tandis que l’intimité des
scènes d’intérieurs n’amorce pas de scènes sensuelles mais plutôt les
confessions. La famille désormais monoparentale et le souvenir du père disparu
pour Oberdan rejoint de façon différente les propres peurs de Guendalina dont
le foyer se disloque. L’écrin que tisse Lattuada dans ces instants là, les
contrechamps entre les personnages, l’expressivité sincère passant dans le jeu
des deux acteurs, tout contribue à instaurer une proximité touchante et sobrement érotique (le justaucorps et la danse de Guendalina dans sa chambre).
En opposition les adultes reportent leur sentiment d’insécurité
(les pilules que consomment Sylva Koscina) sur le couple juvénile en
soupçonnant des rapports intimes précoces. Quand les amours adolescentes
reposent encore sur une communion sincère et innocente, les unions adultes n’existent
plus que pour s’inscrire dans un carcan conformiste. Ce sera pourtant ces
dernières qui viendront briser l’élan de ce premier amour dans un déchirant
final où la norme hypocrite (Raf Vallone rangeant une certaine carte de visite
tout en souriant à son épouse) reprend le dessus. Guendalina est un beau et
poignant récit d’apprentissage, dans son versant le plus lumineux mais aussi
douloureux.
Ressortie en salle le 29 juillet
Ressortie en salle le 29 juillet
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