Contraint de renoncer
à une carrière de boxeur qu'il avait un temps envisagée, un jeune homme,
Michel, se fait engager comme secrétaire et garde du corps d'un vieux banquier,
Dieudonné Ferchaux, contraint de quitter précipitamment la France pour fuir la
justice. À New York puis à La Nouvelle-Orléans, les deux hommes apprendront à
mieux se connaître tout en jouant au chat et à la souris.
L’Aîné des Ferchaux
est la troisième et dernière collaboration entre Jean-Pierre Melville et
Jean-Paul Belmondo après les réussites de Léon Morin, prêtre (1961) et Le Doulos
(1962). C’est de loin le moins bon des trois pour diverses raisons. Melville
destinait cette adaptation du roman éponyme de Simenon à Alain Delon et Spencer
Tracy. Le premier refusa tandis que le second déjà très malade ne put être
assuré. Jean-Pierre Belmondo et Charles Vanel les remplacent donc avec brio,
formant un duo fascinant de bout en bout. Melville conserve le postulat de
Simenon mais modifie un peu le background, les interactions des personnages
ainsi que le cadre du récit. Le richissime Dieudonné Ferchaux n’est donc plus
accusé d’avoir assassiné trois indigènes au temps des colonies mais durant la
guerre. L’interprétation roublarde de Vanel et sa manière désinvolte d’évoquer les
faits au début du film suffit cependant à faire planer une aura trouble sur le
personnage.
Par contre la rencontre et l’association entre Ferchaux et le jeune
Michel (Jean-Paul Belmondo) est plus abrupte dans le film, se faisant dans l’urgence
suite à une petite annonce. Cela est intéressant dans l’effet miroir entre le
vieux loup Ferchaux abandonnant son frère cadet à la justice et quittant sa vie
sans un regard en arrière (ce qui donne une idée de la façon dont il a réussi
en affaire), et le jeune loup Michel qui lui par ambition se montre tout aussi
indifférent pour sa fiancée Lina (Malvina Silberberg) qu’il abandonne
également. Cela change cependant la dynamique du roman où Michel était déjà le
secrétaire de Ferchaux et un admirateur de sa réussite, ce qui facilitera sa
fuite avec lui. Le film aurait pu compenser cela en développant réellement le
rapprochement entre Ferchaux et Michel sur la route, ce qui rendrait d’autant
plus forte leur rupture.
Cela fonctionne dans l’excellente première partie du film où
les personnages se reconnaissent dans le côté « rien à perdre ». L’Aîné des Ferchaux est le dernier film
de Melville où sa fascination pour les Etats-Unis se fait aussi explicite. Par
la suite les éléments anglo-saxons vont se fondre sous forme de motifs, de
gimmick et de références esthétiques dans l’univers froid et stylisé de
Melville. Cependant ici comme dans Deux
hommes dans Manhattan (1959) mais sans le même charme, le réalisateur tente
de donner l’illusion qu’une partie de l’intrigue se déroule réellement aux
Etats-Unis. La dimension d’errance existentielle et sans but aurait été
renforcée par l’imagerie des grands espaces américains. Hélas ici les
extérieurs urbains où n’apparaissent jamais les personnages, les inserts et
stock-shots de Louisiane, les rétroprojections qu’on distingue lors des scènes
de voiture voiture, les intérieurs du cru (bar, chambre d’hôtel) où se
devine le studio (les Studios Jenner propriétés de Melville justement)
trahissent à chaque instant l’illusion. Dans les univers épurés et abstraits de
Le Samourai (1967) ou Un Flic (1972) cette facticité s’accepte
naturellement mais ici l’intérêt de placer l’intrigue aux Etats-Unis apparait
discutable. Parfois la suspension d’incrédulité fonctionne (l'autoroute l'Esterel
transformée en Route 66 en la bordant de voitures américaines) mais c’est rare.
Le problème majeur du film est cependant narratif. Pouvant
parfois se montrer particulièrement cruel et odieux envers ses collaborateurs
sur un tournage, Melville avait cette fois fait du malheureux Charles Vanel son
souffre-douleur qu’il rudoyait plus qu’à son tour. Excédé par cette attitude,
un jour où Melville était allé trop loin, Belmondo le secoua sévèremen et quitta le tournage avec Vanel pour ne plus revenir. Une partie du film
repose donc sur des rustines à la fois formelles et narratives pour terminer l'histoire malgré l’absence des deux stars. Le rythme dans la seconde partie est des plus laborieux, des sous-intrigues sont oubliées en route (les agents du
FBI qui filent Ferchaux), certains artifices grossiers (la doublure de Belmondo
arpentant la Louisiane de dos) faisant perdre le fil et l’intérêt de l’ensemble.
C’est bien dommage tant l’alchimie entre Belmondo et Vanel fonctionne mais le
résultat en restera aux promesses non tenues pour l’essentiel.
Sorti en dvd zone 2 français chez René Chateau
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