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mardi 7 juillet 2020

The Story of Woo Viet - Woo Yuet dik goo si, Ann Hui (1981)

Wu Yuet, un immigré vietnamien, arrive à Hong Kong où il doit retrouver une amie, Li Lap-quan. Il entame alors une vie précaire de clandestin. Sa fuite tourne vite au drame lorsque la jeune femme qu'il rencontre dans le camp de réfugiés est kidnappée par un proxénète philippin. Woo Viet se tourne alors vers un destin de tueur à gages.

The Story of Woo Viet est la pièce centrale de la "trilogie vietnamienne" d'Ann Hui, suivant le téléfilm Boy From Vietnam (1978) et précédant Boat People (1982) ce dernier étant sans doute son opus le plus connu en occident. Cette trilogie constitue le pan le plus personnel du début de filmographie d'Ann Hui où elle explore les conséquences de la Guerre du Vietnam et plus précisément le sort de millier de réfugiés venus chercher refuge à Hong Kong. The Story of Woo Viet se démarque des deux autres opus par sa veine polar et série B, quand Boy From Vietnam et Boat People étaient d'authentiques drames au style documentaire marqués. Ann Hui se plie en fait au passif de son héros Woo Viet (Chow Yun Fat), ancien soldat qui ne cessera d'être poursuivi par ce passé de violence.

La scène d'ouverture donne le ton lorsque sur un bateau de réfugié, une mère de famille constate le décès de son nourrisson et le jette à l'eau. Le migrant emmène toujours avec lui une part de son passé et de ses racines dont il devra se débarrasser s'il veut poursuivre sa route. Dans cette logique de série B, tout va donc très vite et tourne mal aussitôt dès les premier pas de Woo Viet à Hong Kong. Ann Hui dépeint certaines réalité à travers l'urgence et l'action, que ce soit les agents gouvernementaux assassinant les témoins gênants parmi migrants, les passeurs exploitant les espoirs des malheureux rêvant d'Amérique.

Chaque lien noué se doit d'être distendu pour avancer, pour nous ronger tel ce petit garçon que notre héros doit abandonner après l'avoir pris sous son aile, où cette bienfaitrice (Cora Miao) sans doute amoureuse qu'il doit laisser derrière lui. C'est précisément lorsqu'il s'arrête et tente de préserver ce rapport à ses origines que Woo Viet est pris au piège. Voulant sauver une compagne de voyage kidnappée par des proxénètes philippin, il va se trouver sous leur coupe afin de payer sa libération et un hypothétique départ pour les Etats-Unis. Ann Hui sans s'y attarder plus que cela donne cependant à voir quelques visions saisissantes des recoins sordides de Manille, ses maisons closes insalubres et ses bars miteux à la clientèle interlope. La mise en scène heurtée endosse cependant le point de vu d'un Woo Viet qui avance tête baissée, effectue les basses besognes du parrain local est se trouve déchiré face à sa morale personnelle. Il redevient le tueur indifférent du front, ce que tend à lui faire éviter son partenaire Sam (Lo Lieh) qui se grise dans l'alcool pour oublier sa propre perdition en ces lieux. La violence est sèche, les situations versent toujours vers l'issue la plus sanglante dans une atmosphère constamment dramatique et désespérée.

Les rares moments apaisés entretiennent l'illusion d'un bonheur inaccessible, que ce soit les scènes amoureuses entre Woo Viet et Shum Ching (Cherie Chung) ou alors les séquences épistolaire avec Cora Miao où la voix-off exprime naïvement ce qu'elle rêverait qu'il soit. Ann Hui construit plusieurs échos narratifs annonçant dès le départ l'issue funeste. Dans les premières scènes Woo Viet avoue à Cora Miao qu'il a cessé de lui écrire au front car il ne voulait pas qu'elle reçoive une lettre de lui alors qu'il était déjà mort. Ce geste désespéré l'aura paradoxalement conduit à s'accrocher et survivre alors que la correspondance idéalisée du film masque finalement les vraies désillusions du héros.

C'est d'ailleurs sur cette voix-off baignée d'amertume que qu'illustre l'autre écho tragique du film lorsque Woo Viet de nouveau migrant en mer doit à son tour se délester d'un être cher, d'un pan de son passé et de son cœur, et le laisser s'enfoncer dans l'eau. On suppose qu'un autre enfer l'attend (Sam refusant de partir car il devine un Chinatown tout aussi infernal dans une future destination) et le réfugié sait bien que regarder en arrière lui est interdit. Un thématique sur laquelle la réalisatrice reviendra sur un mode plus autobiographique dans le très beau Song of the Exile (1990).

Sorti en bluray français chez Spectrum Films 

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