Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Barton, caporal pendant la Seconde Guerre
mondiale, tombe amoureux d'une veuve, refuse de retourner au front et se
déguise sous les traits de sa sœur, « Kathy ». Barton prend plaisir à
ses nouveaux atours et se laisse séduire par un sergent.
The Triple Echo
est la premier film cinéma de Michael Apted après des débuts remarqués à
la télévision tant dans la fiction que le documentaire, notamment la
série de portraits Up. Le style austère et réaliste développé à la télévision sert particulièrement le trouble que provoque The Triple Echo,
adapté d'une nouvelle de Herbert Ernest Bates. C'est en effet la
retenue du film qui parvient à exprimer de manière subtile la confusion
du genre et de l'identité sexuelle, qui anticipe là des films comme Tootsie de Sydney Pollack (1982) ou The Crying Game
de Neil Jordan (1992). Le genre peut être associé à la seule notion
biologique et des organes sexuels que la nature nous a conférés, mais il
peut intervenir une dichotomie si l'individu ressent une autre identité
que celle à laquelle le renvoie son corps.
Le regard des autres peut du
coup soit conforter l'individu dans le genre que son corps biologique
évoque, soit au contraire le troubler et entraîner un mal-être. C'est
dans ce regard extérieur que repose toute la problématique du film.
Alice (Glenda Jackson), jeune femme isolée dans sa ferme alors que son
mari est prisonnier de guerre au Japon, nous apparaît ainsi délestée de
ce regard extérieur. Michael Apted la filme sans une once de glamour,
sans souligner sa féminité mais met plutôt en avant ses aptitudes de
survie dans cette isolation notamment sa dextérité au tir qui lui permet
de s'alimenter du nombreux gibier alentour.
Dès que le caporal
Barton (Brian Deacon) entre en scène la donner change. On reste dans une
forme de zone grise tant que leur relation reste amicale mais, lorsque
Barton doit retourner au front, la nouvelle solitude imminente va
susciter le désir chez Alice d'à nouveau ressentir un regard masculin
sur elle. Ainsi elle va abandonner pour la première fois sa tenue
stricte de fermière pour une robe, une coiffure et globalement une
allure féminine destiné à séduire Barton. Ils deviennent logiquement
amants dans la foulée mais la menace du retour au front plane toujours.
Barton va alors déserter et se travestir en femme pour demeurer auprès
d'Alice, passant pour sa sœur - une mue d'ailleurs progressive où Barton qui son uniforme pour les habits du mari absent, avant de s'habiller en femme. Michael Apted par la seule confusion des
genres qu'entraîne ce changement de tenue vestimentaire fait ainsi
progressivement basculer leur relation. Alice retrouve ses vertus
"viriles" en rudoyant son amant trop nonchalant à se prêter aux travaux
fermiers.
Les dialogues machistes sont explicites et viennent bien du
personnage féminin pour tancer le masculin "émasculé", tel ce cinglant Ce n'est pas parce que tu es habillé en femme que tu dois te comporter comme tel.
Alors que la première partie du film instaurait une zone grise où la
masculinité de Barton ravivait la féminité éteinte d'Alice (notamment
lorsqu'il apportait des compétences associées symboliquement à l'homme
comme réparer le moteur de son tracteur), cette zone grise existe
désormais pour inverser les rôles. Certains sursauts font retrouver de
sa prestance à Barton lorsqu'il abattra le chien malade d'Alice émue et
incapable de le faire. Le langage corporel lors des scènes de couples
(amour comme dispute) sème également la confusion dans la notion de
dominant/dominé, tandis que Barton semble étonnamment à l'aise et
séduisant dans ses robes, son visage androgyne et ses cheveux longs.
Tout
ce fragile équilibre est brisé avec l'arrivée du Sergent (Oliver Reed),
incarnation grossière du mâle alpha priapique. Le fait de ne pas lui
attribuer de nom, de le réduire à son grade et à son allure de gorille
en rut suffit et exprimer la métaphore masculiniste que représente
Sergent. Oliver Reed (capable par ailleurs de superbement incarner la
vulnérabilité comme dans Love de Ken Russell déjà face à Glenda Jackson)
est excellent dans l'interprétation de cette virilité agressive dans
tout ce qu'elle a de menaçant (mais que là encore il a pu interpréter de
façon comique dans Take a girl like you(1969)). Quand la femme Alice va repousser cet être vulgaire, la femme
travestie Barton va se trouver attirée par lui.
Michael Apted laisse
planer l'ambiguïté sur le fait que sa tenue féminine ait éveillée des
désirs inconnus ou avivé des désirs refoulés (la vérité se situant sans
doute entre les deux) et fait planer un trouble fascinant lors des
tentatives de séduction balourde de Sergent et de la réaction coquette
et amusée de Barton, quand Alice ressent une jalousie tout aussi
paradoxale. La conclusion où les masques tombent (lors d'une scène de
bal où le malaise est à son comble) chacun est brutalement ramené à son
identité/genre, même si Apted excellent dans un final ouvert à
l'interprétation. Le radical geste final d'Alice est-il une preuve
d'amour féminine, où une manifestation de froideur masculine (qui
renvoie à son refus d'abattre son chien précédemment) ? Beau galop
d'essai de Michael Apted dont la sécheresse formelle sert parfaitement
le récit.
Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais chez Indicator et doté de sous-titres anglais
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