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vendredi 17 juillet 2020

Leçons de ténèbres - Lektionen in Finsternis, Werner Herzog (1992)


Le film se concentre sur les conséquences de la Guerre du Golfe et plus particulièrement sur l'incendie de 732 puits de pétroles koweïtiens par les forces irakiennes. Utilisant une musique religieuse et une narration détachée, le documentaire essaie de transporter le sujet barbare de la guerre dans une autre dimension, poétique et méditative.

Avec Leçons de ténèbres, Werner Herzog s’offre au sein de son œuvre documentaire une polémique habituellement réservée à ses fictions les plus controversées. Fasciné par les images de guerre tournant en boucle sur les écrans de télévision lors de l’invasion irakienne du Koweït lors de la première Guerre du Golfe, Herzog improvise un tournage sur les lieux après que les américains aient fait place nette et les irakiens quitté le pays. Herzog construit un véritable poème visuel funèbre où il offre des vues aériennes de paysages dévastés, évoquant tour à tour un monde ancestral précédant l’humanité ou à l’inverse un univers post-apocalyptique où la présence humaine n’est qu’un vestige, un souvenir.

La grandiloquence est de mise avec l’usage de grandes compositions classiques (Verdi, Schuber, Wagner, Mahler) qui ajoute encore à l’emphase hypnotique de l’ensemble, à laquelle s’ajoute la voix-off d’Herzog qui déclame des tirades poétiques sur cet horizon en désolation. C’est réellement fascinant et provoque une sidération constante, notamment sur les vues de puits de pétrole en flamme après les bombardements irakiens qui matérialise littéralement l’imaginaire de fantasy d’un Tolkien en évoquant les description du Mordor dans Le Seigneur des Anneaux. Cette dévastation de l’espace fait écho à celle des êtres qui y vivent deux brefs entretiens avec des survivants ramène à une dimension plus concrète l’esthétisation que l’on aurait pu reprocher au filmage. Pourtant là encore l’image est plus parlante que les mots, que ce soit ces instruments de torture sur une table, cette mère balbutiante dans le souvenir de ses fils tué devant elle, cet autre mère racontant le drame de son fils muet depuis les maltraitances des soldats irakiens (et surtout le visage marqué du garçonnet)…

Herzog cherche l’équilibre entre les maux que suscitent la guerre et la beauté dérangeante de ses conséquences sur l’environnement. Ce sont des images qui méritent d’être capturées, immortalisées, aussi discutable soit la démarche. Cette « esthétisation » du malheur ne sera pas pardonnée à Herzog qui recevra un accueil houleux après la projection au Festival de Berlin où le film fut présenté. Il n’en reste pas moins un des films les plus représentatifs de la fascination d’Herzog pour la fin du monde, avec Fata Morgana (1971) dont il reprend la construction en treize chapitres.

Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine

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