Le film se concentre
sur les conséquences de la Guerre du Golfe et plus particulièrement sur
l'incendie de 732 puits de pétroles koweïtiens par les forces irakiennes.
Utilisant une musique religieuse et une narration détachée, le documentaire
essaie de transporter le sujet barbare de la guerre dans une autre dimension,
poétique et méditative.
Avec Leçons de
ténèbres, Werner Herzog s’offre au sein de son œuvre documentaire une
polémique habituellement réservée à ses fictions les plus controversées.
Fasciné par les images de guerre tournant en boucle sur les écrans de
télévision lors de l’invasion irakienne du Koweït lors de la première Guerre du
Golfe, Herzog improvise un tournage sur les lieux après que les américains
aient fait place nette et les irakiens quitté le pays. Herzog construit un
véritable poème visuel funèbre où il offre des vues aériennes de paysages dévastés,
évoquant tour à tour un monde ancestral précédant l’humanité ou à l’inverse un
univers post-apocalyptique où la présence humaine n’est qu’un vestige, un
souvenir.
La grandiloquence est de mise avec l’usage de grandes
compositions classiques (Verdi, Schuber, Wagner, Mahler) qui ajoute encore à l’emphase
hypnotique de l’ensemble, à laquelle s’ajoute la voix-off d’Herzog qui déclame
des tirades poétiques sur cet horizon en désolation. C’est réellement fascinant
et provoque une sidération constante, notamment sur les vues de puits de
pétrole en flamme après les bombardements irakiens qui matérialise littéralement
l’imaginaire de fantasy d’un Tolkien en évoquant les description du Mordor dans
Le Seigneur des Anneaux. Cette dévastation de l’espace fait écho à
celle des êtres qui y vivent deux brefs entretiens avec des survivants ramène à
une dimension plus concrète l’esthétisation que l’on aurait pu reprocher au
filmage. Pourtant là encore l’image est plus parlante que les mots, que ce soit
ces instruments de torture sur une table, cette mère balbutiante dans le
souvenir de ses fils tué devant elle, cet autre mère racontant le drame de son
fils muet depuis les maltraitances des soldats irakiens (et surtout le visage
marqué du garçonnet)…
Herzog cherche l’équilibre entre les maux que suscitent la
guerre et la beauté dérangeante de ses conséquences sur l’environnement. Ce
sont des images qui méritent d’être capturées, immortalisées, aussi discutable
soit la démarche. Cette « esthétisation » du malheur ne sera pas
pardonnée à Herzog qui recevra un accueil houleux après la projection au
Festival de Berlin où le film fut présenté. Il n’en reste pas moins un des
films les plus représentatifs de la fascination d’Herzog pour la fin du monde,
avec Fata Morgana (1971) dont il
reprend la construction en treize chapitres.
Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine
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