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mercredi 22 juillet 2020

Love Story - Arthur Hiller (1970)

Oliver Barrett, IVe du nom (Ryan O'Neal), descend d’une grande lignée de diplômés de Harvard riches et éminents. Au départ, et sans doute pour sortir du moule de l’« Ivy League » (c’est-à-dire des plus grandes universités de l’est des États-Unis), il commence à sortir avec Jennifer Cavilleri (Ali MacGraw), une Américaine d’origine italienne, pauvre et catholique, étudiante en musique, à Radcliffe. Finalement, c'est le coup de foudre entre eux.

Love Story est le grand mélo romantique des années 70, dont l'immense et inattendu succès relança complètement la Paramount désormais sur les rails d'une glorieuse décennie (Le Parrain, Chinatown, Les Trois jours du condor). L'essor du Nouvel Hollywood avait pour un temps mis fin à une certaine veine romantique, à l'image d'un David Lean injustement étrillé par la critique et boudé par le public pour La Fille de Ryan (1970), jugé trop classique en ces heures de déconstruction et de modernisme. Du coup pourquoi et comment l'émotion prend-elle ainsi corps dans Love Story pour dépasser le zeitgeist du moment ? Tout d'abord il y a le scénario d'Erich Segal, finalement peu prolifique dans sa contribution au cinéma (10 scripts entre 1968 et 1992, Love Story restant de loin le plus célèbre), et qui à la ville était professeur et spécialiste de littérature classique grecque et latine. On retrouve de cela dans le talent à insérer dans un cadre contemporain et des situations anodines les accents de la grande tragédie mais dans une approche feutrée brillante. L'autre atout est le choix au premier abord incongru d’Arthur Hiller à la réalisation. Même s'il a montré son talent dans d'autres genres (Tobrouk, commando pour l'enfer (1967) film de guerre avec Rock Hudson et George Peppard) Hiller est alors essentiellement associé à la comédie et vient d'ailleurs de signer Escapade à New York pour la Paramount.

Cependant les meilleurs films d'Hiller prennent souvent des protagonistes instables pour les plonger dans un environnement dramatique qu'Hiller transcende par une approche comique et caustique. La tonalité dramatique délurée s'y ajoute à travers une figure féminine pour laquelle le héros un prêt à changer. C'est le cas du James Garner couard de Les Jeux de l'amour et de la guerre (1964) ou le George C. Scott surmené de L'Hôpital (1971), tous deux scénarisé par Paddy Chayefsky. Le Débarquement ou les urgences débordées d'un hôpital deviennent donc des obstacles à franchir pour gagner les cœurs respectifs de Julie Andrews et Diana Rigg dans ces deux films.

On n'en est pas si éloigné dans Love Story où le jeune Oliver Barrett (Ryan O'Neal) est écrasé par le poids de sa prestigieuse lignée, et des attentes qu'elle suscite chez son père (Ray Milland). Oliver Barrett va alors trouver l'apaisement à travers sa rencontre avec l'insouciante Jennifer Cavilleri (Ali MacGraw). Le cynisme et l'outrance de Paddy Chayefsky cèdent la place à la douceur d'Erich Segal pour Arthur Hiller qui inverse son approche pour insérer le drame dans la légèreté initiale. La note d'intention est claire dès la scène d'ouverture qui nous révèle que Jennifer est morte pour ensuite basculer en flashback sur la rencontre enjouée du couple. On retrouve en effet tout le Hiller léger dans le marivaudage sautillant, les dialogues piquants et la séduction amusée de Jenny et Oliver. Les sentiments à vifs d'Oliver se confrontent à l'espièglerie de Jenny, que Hiller traduit par un montage dynamique tant dans les échanges du couple (le gros plan magistral sur une Jenny à croquer avec ses lunettes qui incite implicitement Oliver à l'inviter prendre un café) que leurs différentes rencontres.

L'agitation et la logorrhée désordonnée est du côté d'Oliver dans leurs déambulations, et la distance rieuse de celui de Jenny. Hiller le traduit visuellement lors du match universitaire de hockey où Oliver se démène avec furie tandis que Jenny observe le spectacle amusée et se moque de lui. On n’est donc guère surpris de voir Oliver avouer abruptement ses sentiments quand la même révélation amène une magnifique émotion suspendue pour Jenny. Lors d'une promenade commune, soudain Hiller l'isole dans le cadre, lui fait prendre comme un mouvement de recul où elle regarde Oliver, et lui fait murmurer un simple I care qui laisse débuter la romance.

Tout l'équilibre du film est là, la fougue d'Oliver est atténuée par la sagesse de Jenny qui quant à elle sort de sa coquille. La tendresse et l'énergie déployée par Hiller pour capturer la complicité des personnages (les petits apartés tranches de vie muets où se déploie la ritournelle romantique de Francis Lai) confèrent au film un intérêt constant alors qu'il développe une trame assez convenue : le défi à sa famille nantie pour Oliver, les études, les petits boulots, le premier appartement. Toute emphase, euphorique comme dramatique, est ramenée à l'intimité du couple dont la confiance mutuelle fait tout surmonter. Une scène de mariage atypique scelle leur singularité, et la première vraie dispute se conclut par la phrase emblématique du film Love means never having to say you're sorry/L'amour, c'est n'avoir jamais à dire qu'on est désolé. On en oublierai presque la terrible sentence annoncée en préambule et le drame ne daigne s'insérer dans ce bonheur que lors des 25 dernières minutes. Hiller avait au départ monté l'annonce du médecin sur la maladie de Jenny en début de film avant de finalement la placer à la fin. Par ce choix il ne laisse pas deviner, mais comprendre ce que va perdre Oliver, l'amour de sa vie. L'harmonie formelle initiale se disloque alors, la silhouette d'Oliver se perdant dans la foule pour exprimer la confusion de son esprit, et surtout, le thème de Francis Lai est comme déconstruit, démarrant et s'arrêtant de façon minimaliste pour signifier cet amour condamné.

La pudeur de la confession (Jenny prenant les devants d'Oliver n'osant pas lui avouer), de la douloureuse attente puis de l'adieu final offrent un lent crescendo où mêmes étiolés par la peine, les caractères des personnages s'affirment. Oliver est le reflet de son cœur meurtri quand Jenny est calme et parvient à l'apaiser, notamment dans la scène miroir du match de hockey où il fait du patin à glace tandis qu'elle l'observe pensive, seule dans les gradins. Les accents de grands mélodrames se conjuguent à une approche intimiste feutrée qui font de Love Story un pur film de son époque (les effets de narration en flash-forwards) tout en ayant une dimension universelle. L'alchimie des deux acteurs y est pour beaucoup (notamment un Ryan O'Neal assez incroyable) et ils gagneront instantanément leurs galons de star.

La Paramount en achetant le script avait demandé à Erich Segal une novélisation devant précéder la sortie du film. Cet outil de promotion dépassera toutes les attentes en devenant un best-seller, créant une attente autour du film qui sera un des plus gros succès de l'année au box-office et nominé pour sept catégories au Oscars (Francis Lai remportera la meilleur musique). Pour les curieux une suite existe, toujours écrite par Erich Segal et qui sortira en 1978 sous le titre Oliver's Story où Ryan O'Neal reprend son rôle. Avec le temps victime de son succès un peu trop facilement rangé au rayon des mélos sirupeux (souvent et surtout par ceux qui ne l'ont pas vu) Love Story mérite encore toute l'attention.

Sorti en dvd zone 2 français chez Paramount 

2 commentaires:

  1. bonsoir Justin.Je fais partie de ceux qui ne l'ont jamais vu et je ne sais pas pourquoi..Au fait, bonne nouvelle "Stardust" de Michael Apted passe en ce moment sur le cable..

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    1. Bonne nouvelle pour Stardust, j'espère que "That'll be the day" passe en même temps ce serait l'idéal !

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