Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 30 novembre 2012

Les Jeux de l'amour et de la guerre - The Americanization of Emily, Arthur Hiller (1964)


Pendant la guerre, le lieutenant Madison et ses amis ont pour talent de trouver tout et n'importe quoi, et donc d'aimer la bonne vie, sans jamais avoir combattu. Débarqué à Londres, l'officier américain tombe amoureux d'une veuve anglaise et se retrouve par hasard charger d'une dangereuse mission.

The Americanization of Emily est une satire des plus réussie et en avance sur son temps en cette année 1964 où les Etats-Unis s'engagent dans la Guerre du Vietnam bientôt fort contestée. Son propos est annonciateur des MASH, Qu'as tu fais à la guerre papa ? ou De l'or pour les brave mais avec une irrévérence se mariant à merveille à la comédie romantique. Le script de Paddy Chayefsky va d'ailleurs dans ce sens antimilitariste par rapport au roman éponyme de William Bradford Huie qui mettait plus en avant le thème de ces femmes anglaise se donnant par nécessité au officier américain de passage, signification du Americanization du titre original. Ce changement ajoute donc littéralement ce questionnement autour de lâcheté pour donner ce ton satirique au film alors que le livre est bien plus sérieux.

 Le film nous présente un drôle d'officier américain de passage à Londres, le lieutenant Madison (James Garner remplaçant William Holden initialement prévu alors que lui devait jouer le personnage finalement joué par Coburn). La rigueur, le sens de l'organisation et de l'improvisation, il possède bien toutes ses qualités là mais pas exactement développées sur les champs de bataille.

Il a trouvé la planque parfaite à l'abri des tirs en étant l'organisateur des déplacements de l'amiral William Jessup (Melvyn Douglas) pour lequel il pourvoit (ainsi qu'à d'autres gradés) bonne chair, alcool et jolies anglaise peu farouche en échange de quelques cadeaux. Avec son ami Bus (James Coburn) ils mènent ainsi la grande vie et n'ont aucun scrupule à soudoyer la communauté locale pour s'approprier des plaisirs dont le peuple anglais est privé depuis bien longtemps. Une attitude qui révolte Emily (Julie Andrews), la jolie veuve lui servant de chauffeur dans Londres et témoin de tous ses trafics. Contre toute attente, ces deux-là vont pourtant se trouver attiré l'un vers l'autre malgré tout ce qui les oppose.

Le scénario tord brillamment les clichés attendus à travers quelques dialogues et situations bien senties. L'américain arrogant se croyant en terrain conquis où qu'il aille est plus fragile et sensible qu'il n'y parait (superbe échange où il éteint le déni de la mère d'Emily) et l'innocente anglaise bien plus sexuée qu'on le pense. C'est même leur défauts respectif qui les lient, Emily étant au départ ravie de tomber dans les bras d'un lâche puisqu'elle elle a perdu mari, frère et père dans le conflit. L'image de l'anglaise droite et vertueuse est autant renforcée que malmené quand on découvrira que Julie Andrews a pour habitude de coucher régulièrement avec des soldats américains de passage.

Nuance pourtant, elle ne le fait pas contrairement à ses amies pour des avantages quelconques mais par pure compassion puisqu'il s'agit d'anciens blessés qu'elle a veillé et qui doivent retourner au front. De même la lâcheté de Madison répond effectivement à une pure couardise mais surtout à un mépris de l'image valeureuse de l'armée dont les vertus (courage, héroïsme, fraternité) alimentent au contraire la boucherie en incitant à s'engager et à perdre la vie pour des motifs dérisoires.

Les faits vont bientôt lui donner raisons quand par pur but politique, l'amiral Jessup se met en tête de produire un film filmant les marines le jour du Débarquement afin de maintenir le financement de son corps car le gouvernement n'a plus d'yeux désormais que pour l'aviation. Un concours de circonstances amène notre héros à devoir produire et filmer sur place le fameux film et il va bien sur tout faire pour échapper à cette mission suicide.

Le film évite toujours miraculeusement le cynisme grâce à ses ruptures de ton allant du grivois (le running gag de James Coburn surpris dans sa chambre avec une créature topless, les deux caméramans alcoolisés) au romantisme le plus prononcé à travers les scènes tendre entre une Julie Andrews diablement touchante et James Garner pathétique, attachant et finalement très humain dans ses peurs.

 Alors que l'on s'attend à un revirement faisant accéder Madison à une prise de conscience et un statut héroïque, le film se moque à nouveau de ce type de cliché en faisant évoluer le personnage rigolard et coureur de Coburn dans cette voie. Le fanatisme du drapeau et la folie qui en découle tourne à l'absurde génial quand les peurs de Madison s'avèrent nettement plus compréhensible. Cela sera l'occasion d'une impressionnante vision du Débarquement (même si ce grand moment est moqué à nouveau avec ce montage alterné où un soldat vomi dans son casque sa cuite de la veille pendant le grand discours galvanisant avant l'assaut), entre stock-shots d'époque et vraies séquences filmées (dont un mouvement de grue vertigineux partant de Coburn et Garner dans leur bateau pour s'élever sur la flotte en pleine mer) où les élans guerriers attendus sont détournés par un Madison plus préoccupé de survivre que de se battre.

La conclusion est d'une grande ironie puisque l'héroïsme est détourné et s'avère un mal nécessaire en tant qu'opium du peuple. Les personnalités s'inversent avec une belle tirade finale de Julie Andrews "fière" de la lâcheté de son homme qui lui se découvrent des principes en étant pris pour ce qu'il n'est pas. C'est l'individualité à travers cette lâcheté qui s'exprime, plus fort qu'un patriotisme rassembleur mais illusoire. Un propos risqué et exprimé de la plus belle des manières avec cette romance. Blake Edwards réunira d'ailleurs bien plus tard Julie Andrews et James Garner pour Victor, Victoria avec une égale réussite et irrévérence dans un autre genre.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Trésors Warner

4 commentaires:

  1. Ce film est la meilleure comédie anti-militariste que j'ai vue (MASH c'est provoquant à un autre niveau), Madison (J.Garner dans le rôle de sa vie ?) est fêté comme un héros alors que toute sa tactique (lucide sur l'absurdité du combat) durant le film aura été de ne pas le devenir !!
    Le scénario est du provocateur Paddy Chayefsky, on ne s'y trompe pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. D'ailleurs tous les acteurs principaux sont en pleine forme dans ce film, que ce soit James Coburn (très drôle), Julie (absolument rayonnante)ou Melvyyn! (vieux, mais ...Melvyyyn !quand même)

      Supprimer
    2. James Coburn qu'on trouvait déjà dans une grande comédie anti-militariste, Qu'as tu fait à la guerre papa de Blake Edwards, assez génial aussi !

      Supprimer
    3. Je suis souvent passée devant à la Fnac, et comme Blake fait partie de mes réalisateurs d'élection ...je crois que je vais craquer.

      Supprimer