Ava Gardner écrivit à la fin de sa vie une autobiographie parue finalement à titre posthume qui s’avérait tout à la fois franche et frustrante. L’actrice y apportait un éclairage bienvenu sur son enfance difficile, ses débuts à Hollywood et rétablissait quelques vérités sur ses rapports aux hommes de sa vie dont un Howard Hughes qui malgré son empressement et leur amitié ne fut jamais son amant. L’ensemble pouvait cependant paraître un peu sage au vu du train de vie tumultueux d’Ava Gardner qui y conservait son gout du secret et surtout on pouvait être un peu frustré de l’évocation succincte voire absente de certaines collaborations artistiques fondamentales comme La Comtesse aux pieds nus de Joseph L. Mankiewicz.
Le récent livre d’Elizabeth Gouslan apporte ce qui manque un
peu aux souvenirs "officiels" d’Ava Gardner, de la verve et du style. Un côté mélancolique
et rieur accompagne ainsi la description de l’enfance d’Ava, benjamine choyée
car née après la mort accidentelle d’un frère qu’elle n’a pas connu et qu’elle
remplace dans le cœur de ses parents qui lui passent tout. Son caractère bien
trempé naît de cette enfance rurale dans le sud où vrai garçon manqué elle
s’acoquine aux vadrouilles et mauvais coups de son frère ainé et de ses
camarades, créant un fossé progressif entre ses manières « machos »
et le physique de rêve naissant qui s’affirme en grandissant.
Elizabeth Gouslan apporte à cette enfance pauvre le gout du grand mélodrame hollywoodien par ses visions à la Steinbeck, contrebalancé plus tard par le ton plein de panache façon dépêche Paris Match des frasques de la star arrivée au sommet. La démultiplication des amants, les fêtes arrosées et les tournages s’enchaînent dans un tourbillon pas forcément raccord avec la chronologie des évènements de la vie d’Ava mais bien dans l’esprit de ce train de vie allant à cent à l’heure. Cette schizophrénie dans le ton est le reflet de la personnalité, star hollywoodienne glamour fascinant les hommes en surface et femme timide et manquant de confiance en elle sous cette carapace.
Elizabeth Gouslan apporte à cette enfance pauvre le gout du grand mélodrame hollywoodien par ses visions à la Steinbeck, contrebalancé plus tard par le ton plein de panache façon dépêche Paris Match des frasques de la star arrivée au sommet. La démultiplication des amants, les fêtes arrosées et les tournages s’enchaînent dans un tourbillon pas forcément raccord avec la chronologie des évènements de la vie d’Ava mais bien dans l’esprit de ce train de vie allant à cent à l’heure. Cette schizophrénie dans le ton est le reflet de la personnalité, star hollywoodienne glamour fascinant les hommes en surface et femme timide et manquant de confiance en elle sous cette carapace.
L’auteur sait ralentir dans ce va et vient, notamment lorsqu’il est questions des grandes passions amoureuses d’Ava Gardner. Le ton cocasse amuse pour parler de l’union des contraires entre le petit et teigneux Mickey Rooney et Ava (avec une description d’un mariage arrangé à l’hollywoodienne assez glaçant dans le fond, typique du pouvoir des studios à l’époque), le dépit de celle douloureuse avec le musicien Artie Shaw qui la méprise et la plus belle, passionnée et réciproque avec le grand amour de sa vie Frank Sinatra. Inexpérimentée et victime dans son rapport au deux premiers, elle va trouver le partenaire idéal avec Sinatra mais désormais dévorée par son personnage fantasmatique de cinéma elle lui mènera la vie dure. Là encore la description de ce couple tumultueux est particulièrement bien dépeinte coups de griffes alternant avec réconciliation torrides dans une grande passion au rapport de force déséquilibré, Ava Gardner étant à cette époque au sommet de sa gloire quand Sinatra était au creux de la vague.
Elizabeth Gouslan fait plusieurs fois quelques rapprochements
judicieux entre les carrières d’Ava Gardner et Marylin Monroe (dont une
fascinante description d’une rencontre entre les deux). Parvenues d’un même
milieu modeste aux sommets hollywoodiens et icônes de leur temps, leurs rapports
à leur métier diffèrent grandement. Marylin c’est le talent à l’instinct et l’abandon
pur à son art quitte à se brûler les ailes quand Ava à l’inverse feint un
détachement et un simple intérêt pécuniaire pour sa carrière d’actrice. C’est
ce masque qui fascine justement chez Ava Gardner, la retenue et l’Under Play
crée le mystère dans les films noir, la rend inaccessible dans ses rôles de
divinités (Pandora, La Comtesse aux pieds nus) et rend les
éclats d’émotions d’autant plus forts quand ils se manifestent.
Les tournages mythiques de Pandora et La Comtesse aux
pieds nus sont justement narrés avec une grande justesse côté intime (la
naissance de la fascination pour l’Espagne d’Ava, les soubresauts de la
relation avec Sinatra qui divorcent enfin pour l’épouser) les parallèles plus
ou moins volontaire entretenus par les réalisateurs entre les personnages interprétés
et l’actrice notamment un Mankiewicz roublard et un peu vicieux qui place tous
les traumas et doutes d’Ava Gardner dans les dialogues de sa Maria Vargas.
Parmi les quelques reproches, on pourra regretter que le
côté sensationnel tire vers le graveleux (l’amitié entre Ava Gardner et Lana
Turner débouchant sur une supposée liaison lesbienne) et parfois un survol un
peu superficiel de la filmographie. Le western L’Etoile du destin plutôt bon sans être un chef d’œuvre se voit
qualifié de nanar sans autre forme de procès à se demander s’il a été revu
avant de décréter une telle sentence. On aurait aimé aussi avoir des chapitres
à la hauteur de ceux sur le Lewin et le Mankiewicz pour La Croisée des destins de Cukor et Le Dernier Rivage de Kramer qui reste parmi ses interprétations les
plus abouties mais un peu trop survolées. Les grands moments attendus sont bien
traités mais les plus connaisseurs auraient sans doute aimé plus d’approfondissement
sur des rôles et films moins célébrés justement. Bonne entrée en matière donc
pour qui s’intéresse à Ava, qui ne demande qu’à être complétée par soi-même en
découvrant la filmographie d’une des déesses de l’âge d’or hollywoodien.
Edité chez Robert Laffont
Edité chez Robert Laffont
Il m'est arrivé souvent de me dire que lire une biographie de cette actrice pourrait être intéressant, et ton article m'invite à prendre note illico presto de ce bouquin. Merci!
RépondreSupprimerCa se dévore tout seul c'est écrit avec un vrai brio narratif qui rend la lecture très agréable, dynamique et pleine d'humour (la tentative de séduction de John Huston est un grand moment^^). A part les petites réserves que j'ai émis sur la fin tu devrais te régaler !
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