Le « Sheba Queen », commandé par le capitaine Providence, est l’un des bateaux pirates les plus redoutés des caraïbes. Peu de gens savent que le capitaine Providence est une femme, Anne Providence (Jean Peters), élevée par Barbe Noire (Thomas Gomez), car elle laisse rarement ses victimes en vie. Alors qu’elle vient de s’emparer d’un navire anglais, elle découvre à son bord un prisonnier français, Pierre François LaRochelle (Louis Jourdan). Songeant un instant à l’exécuter comme le reste de l’équipage, elle finit par l’enrôler avec ses pirates.
En réalisant le flamboyant film d’aventure La Flèche et le Flambeau, Jacques
Tourneur avait montré un brio indéniable pour le genre et parvenait ainsi à
sortir des modestes productions RKO où il se fit connaître dans le fantastique
(La Féline, Vaudou, Angoisse) et le
film noir (Berlin Express, La Griffe du passé). Même si ses
dispositions avaient déjà pu être appréciées dans le western Le Passage du canyon (1946). Il remet donc le
couvert avec La Flibustière des Antilles,
librement inspirée de la vie de la femme pirate Anne Bonny. Celle-ci est une
figure légendaire de la piraterie, saluée pour avoir avec Mary Read avoir mené une
féroce bataille contre la marine anglaise alors que son capitaine Rackham cuvait
un excès de rhum.
Surprise des anglais en découvrant que des femmes étaient à
la manœuvre du combat qu’il venait de
gagner. Rackham fut pendu et les deux femmes emprisonnée, Mary Read mourant en
prison tandis que Anne Bonny parviendrait à s’échapper, alimentant sa légende
puisque nul ne sait ce qu’elle devint ensuite. Un mythe était cependant né,
perpétué par L'Histoire générale des plus
fameux pirates écrit par Daniel Defoe.
Le film de Jacques Tourneur adapte un court roman paru en
1946 de l’écrivain historique Herbert Saas Queen
Anne Of The Indies offrant une vision romancée de la vie d’Anne Bonny. Le
projet prévu dès 1948 s’enlise pourtant sérieusement malgré un premier script d’Herbert
Saas lui-même et hormis le personnage d’Anne il ne reste plus grand-chose du
livre dans le film. On peut par contre y voir une sorte de remake inversé du Pavillon Noir de Frank Borzage (1945) où
à la place d’un pirate homme vengeur tombant amoureux d’une noble qu’il a fait
prisonnier (Paul Henreid et Maureen
O'Hara) c’est cette fois Jean Peters/Anne Providence qui est séduite par le
raffiné et traître Louis Jourdan.
Ce changement enrichit profondément les thèmes du film,
reposant sur la trame solide du Borzage tout en offrant des réflexions passionnantes
sur la féminité, la dualité de ces femmes qui devant se montrer impitoyable
dans un monde d’hommes n’en était pas moins tiraillée par leurs émotions. Jean
Peters habitué aux rôles plus glamour en impose en capitaine typiquement
masculin. Véloce, teigneuse et impitoyable avec ses ennemis, elle s’avère
paradoxalement d’autant plus sexy par
cet écart entre ses attitudes bravaches et une sensualité dont elle n’a pas
conscience. La découverte de sa féminité au contact de Louis Jourdan (une fois
de plus dans un rôle de séducteur provoquant la perte de ses victimes) est très
intelligemment amenée, ainsi que son rapport à ses mentors masculins (Barbe
Noire, Dougal) la ramenant constamment à son comportement viril.
Trahie par Pierre-François (Louis Jourdan), Anne va connaître le terrible dépit de la femme trompée et user de sa stature de capitaine pour se venger, faisant passer son cœur avant la logique de l’équipage. Même à travers les actes vils auxquels elle va s’adonner, Jean Peters (remplaçant Susan Hayward initialement prévue) s’avère constamment touchante car guidée par les affres du dépit amoureux qu’elle découvre et qui lui sont doublement insupportables (fragilisant sa carapace insensible à ses yeux et à ceux de son équipage.
Tourneur parvient à manier ses questionnements avec une efficacité rare puisque en à peine plus d’une heure nous auront droit à un film d’aventure dépaysant et rondement mené (les grandes mythes de la piraterie défilent avec Barbe Noire, l’île de Tortuga) où les batailles navales épiques alternent avec les chassés-croisés amoureux. Jusqu’à ce final grandiose où Anne retrouve la compagne qui ne l’a jamais abandonnée, la mer.
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta
Ouf, on a donc échappé à Susan Hayward !
RépondreSupprimerJe plaisante. Je l'aime plutôt bien. Y compris dans ce nanar de Dick Powell où John Wayne fait Gengis Khan... Film qui a fini par tuer tout le monde car tourné dans l'Utah ( = les steppes de Mongolie) au moment d'essais nucléaires de l'armée américaine.
Mais Jean Peters est tellement "captivante" (dans tous les sens du terme) dans ce Tourneur ! Impossible d'imaginer quelqu'un d'autre.
Je me souviens de couleurs flamboyantes. Est-ce que le DVD les respecte ? Lisa Fremont
Susan Hayward aurait été excellente aussi dans ce registre sensible et à poigne en même temps mais c'est vrai que Jean Peters dégage vraiment quelque chose d'unique dans le film, son meilleur rôle. Et oui le dvd rend bien justice à ces couleurs flamboyante. La richesse du film en une durée si courte (1h18) m'épate toujours autant quand on pense que dans un registre voisin récemment un Pirate des Caraïbes prend 2h30 pour un fond bien moins passionnant (même si ça reste divertissant). La rigueur narrative ce n'est plus ce que c'était...
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