Divorcée, mère d'un adolescent, Marie a
décidé de ne pas garder l'enfant qu'elle attend de Serge, dont elle
souhaite se détacher. Parallèlement à ses propres difficultés, on
découvre les soucis et les drames de ses amis - tel le suicide de
Jérôme, menacé de licenciement.
Marie se rapprochera de son ex-mari
Le temps d'une remarquable série de films (
Les Choses de la vie,
Vincent, François, Paul... et les autres,
César et Rosalie,
Mado),
Claude Sautet s'était fait le grand peintre de la psychologie
masculine. Il explora ainsi sous toutes ses formes les travers d'un
certain type d'homme, quarantenaire et souffrant des mêmes maux : coincé
entre le machisme qu'on leur avait inculqué et une sensibilité qu'il
n'arrivait pas à exprimer, indécis, aussi déterminé professionnellement
que faible sentimentalement.
Le cycle démarrait dans une flamboyance
romantique totale, tragique ou optimiste (
Les Choses de la vie,
César et Rosalie) pour virer vers une résignation presque sans issue (
Vincent, François, Paul... et les autres et surtout
Mado).
Les femmes, toujours en retrait n'en constituaient pas moins des
personnages fort et excellemment écrit mais n'étaient jamais
complètement au centre de l'intrigue, plutôt les enjeux de la révolution
que les hommes étaient prêt à faire pour gagner leur cœur.
Avec
Une histoire simple,
Sautet opte donc enfin pour le récit au féminin à travers le regard de
celle qui lui a inspiré ces plus beaux personnages de femmes, Romy
Schneider. A l'inverse des hommes, les femmes apparaissent chez Sautet
comme des êtres plus assurés, déterminés et donc soumis à l'inconsistance
du sexe opposé. Le film s'ouvre d'ailleurs sur un choix fort de son
héroïne Mary (Romy Schneider), avorter de l'enfant de l'homme avec qui
elle vit (Claude Brasseur) car elle ne l'aime plus et va le quitter. Une
décision incompréhensible pour l'éconduit puisqu'elle ne le quitte pas
pour un autre et que "ça ne se fait pas de quitter quelqu'un comme ça".
Il ne saura d'ailleurs réagir réellement (et violemment) à cette rupture
que quand il pensera que Marie voyait un autre homme.
Le script oppose
ainsi la modernité du personnage de Romy Schneider dont les choix de vie
(vivre seule, avorter le film étant d'ailleurs un des premiers à en
faire un ressort dramatique alors que la loi Weil n'est en place que
depuis 3 ans) se détachent d'une vision masculine dépassée mais également féminine plus rangée lors d'une remarquable scène où le point de vue des amies diffèrent (Sautet capture d'ailleurs ses groupes féminins dans le quotidien avec la même sensibilité et naturel que les hommes dans les films précédents). Marie choisit de vivre seule quand son ex-mari est en
concubinage car ne supportant plus cette solitude, le personnage d'Eve
Darlan vit des aventures sans lendemain avec aplomb s'opposant à la
détresse et la repentance là encore de son ex-mari qui l'a pourtant
quitté le premier.
Pour Sautet, l'homme est figé dans des
certitudes dépassées quand la femme semble constamment capable de se
réinventer. On retrouve ici les figures masculines typiques de Sautet
avec ses hommes imposants et assurés dans les hautes responsabilités de
leur carrière. Tous sont pourtant des faibles que ce soit le gouailleur
et speedé Claude Brasseur et surtout le tragique personnage de Jérôme
(Roger Pigaut) dépressif et aussi angoissé à la perspective de perdre
son travail que de le conserver. On suit ainsi une Romy Schneider qui
fait son chemin, suit ses instincts en se moquant des codes établit
(l'entrevue avec sa mère la préférant avec un homme qu'elle n'aime pas
que seule) et illustrant ainsi une forme d'émancipation féminine forte
dans la société française.
Là encore Sautet se montre d'une rare finesse
puisque s'il fait renouer Marie avec son ex-mari, l'enjeu du film ne
repose pas sur cette réunion (voir l'absence totale de dramatisation
lors de l'ultime entrevue entre Bruno Crémer et Romy Schneider). Une
telle conclusion contredirait le propos de l'ensemble en suggérant que
la femme se doit d'avoir un "protecteur" par la force des choses, quand
bien même tous se seront montrés faible tout au long de l'intrigue.
Au
contraire, le film laisse notre héroïne dans une situation "indigne"
mais qu'elle assume complètement, enceinte à nouveau et célibataire. Une
facette signifiée par une magnifique image finale avec une Romy
Schneider radieuse et prenant le soleil, libre et sans attache,
maîtresse de son destin. Une belle vision progressiste portée par Sautet
et une performance d'une grande justesse de Romy Schneider qui lui
vaudra son second César dans ce sommet de leur collaboration.
Sorti en dvd chez Universal
Extrait
Je l'ai vu dernièrement, et sans doute même revu car une scène ou deux me sont revenues en mémoire. Voilà un des films les plus réussis de Claude Sautet, qui signe ici malheureusement sa dernière collaboration avec cette merveilleuse actrice que fut Romy Schneider. Il lui avait promis un film pour ses 40 ans, ce qui fut fait. Et un prochain pour ses 45 ans, mais la vie en a décidé autrement. Ce film, en apparence assez simple, m'a en tout cas énormément touchée, et ce pour de multiples raisons. L'expressivité du visage de Romy n'étant sans doute pas étranger non plus à cette implication émotionnelle que j'ai ressentie, arrivant facilement à me projeter dans tout ce qu'elle laissait transparaître à demi-mot. La direction des autres acteurs est également impeccable, je crois que je n'ai d'ailleurs jamais vu Claude Brasseur aussi bon dans un autre film que celui-ci. Maintenant j'aurais aimé que les femmes portent en elles cette force que Claude Sautet pense faire défaut aux hommes, mais je n'en suis pas si convaincue que cela non plus ;-)
RépondreSupprimerEt oui un vrai destin tragique pour Romy Schneider, je ne savais pas pour la promesse d'un rôle pour ses 45 ans... Celui-ci est sans doute son plus beau rôle chez le réalisateur surtout en la plaçant au centre de l'intrigue à travers ce récit d'émancipation. Sinon pour la volonté des femmes même si il reste des avancées à faire le seul fait que les actes de Romy Schneider dans le film paraissent moins "hors-norme" aujourd'hui, ça prouve une certaines force quand même ;-)
RépondreSupprimerJ'apprécie ton optimisme Justin, même si cette liberté et cette indépendance ont aussi un certain coût, tout en reconnaissant bien volontiers leur importance. Le cinéma n'est d'ailleurs pas en reste pour nous en parler, je pense notamment à Une mère de Christine Carrière, La Tête haute de Emmanuelle Bercot ou encore Mommy de Xavier Dolan, pour ne citer que ces derniers. Des films qui traitent à leur manière de l'absence du père et de ses conséquences sur les relations mère-fils. Je me demande quel aurait été le point de vue de Claude Sautet à ce sujet ;-)
SupprimerOui c'est sûr qu'il y a un équilibre fragile entre ce que l'on gagne en liberté individuelle pour les femmes et la manière dont ça affecte la cellule familiale "traditionnelle" mais heureusement tous les enfants ayant grandis sans père n'ont pas le destin des personnages tragiques de ces films.
SupprimerBien évidemment, mais je constate autour de moi que ce n'est tout de même pas évident pour beaucoup de femmes, qui se retrouvent bien seules avec un bas salaire et des enfants à élever, et qui n'ont souvent plus le soutien du père pour toutes sortes de raisons, comme leur insolvabilité financière par exemple. Mais on s'éloigne du film.
SupprimerPour y revenir, je ne sais pas si tu l'as également ressenti mais j'ai cru percevoir une certaine angoisse de la part du réalisateur à la fin du film, comme si l'homme aurait dorénavant beaucoup plus de mal à trouver sa place auprès de ces femmes qui s'émancipent à plusieurs niveaux. Un final aux allures quasi matriarcales d'ailleurs.
Oui de manière général tout au long du film les hommes gèrent beaucoup moins bien l'absence de femmes "au quotidien" dans leurs vie que l'inverse, avec l'exemple de Claude Brasseur qui ne comprend pas d'être quitté tout simplement, pour personne d'autre. Et oui le final (la dernière rencontre ave Bruno Crémer et la dernière image sur Romy Schneider) signe une sorte de triomphe du matriarcat. Après les conséquences étaient moins perceptible vu le peu d'exemples de ce type mais c'est vrai qu'il aurait été intéressant de voir Sautet s'intéresser à ce thème, surtout dans cette veine progressiste qui s'amorce sur ce film.
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