Junichi, jeune homme
issu d'une famille pauvre de la ville très touristique de Karuizawa, est engagé
dans un restaurant huppé. Son objectif : s'élever dans la société. Mais à la
suite d'un malentendu, il est renvoyé. Il fait à cette occasion la connaissance
de Keiko, riche épouse solitaire, et de son fils de cinq ans. Sous son charme,
Junichi devient le tuteur de l'enfant...
Lorsque le studio Nikkatsu fait sa mue et oriente sa
production vers le genre dit Roman Porno, c’est pour répondre à la concurrence
de la télévision qui vide les salles en proposant ce que le petit écran ne peut
se permettre : l’érotisme. Le résultat dépassera les attentes, tant
artistiquement que commercialement. Les jeunes loups talentueux comme Masaru
Konuma, Noboru Tanaka ou Tatsumi Kumashiro y voient une opportunité de passé à
la mise en scène, bénéficier du savoir-faire des techniciens de la Nikkatsu
(formés à des productions plus « nobles » et apportant de fait une
facture plus classieuse qu’une production érotique indépendante) et apporter
une touche personnelle tout en se pliant aux contraintes du genre.
Les années
70 voient donc la sortie de classiques irrévérencieux et inventif comme Fleur Secrète (1974), La Vie secrète de Madame Yoshino (1976), La femme aux cheveux rouges (1979) ou encore La Véritable histoire d’Abe Sada (1975). La Nikkatsu se trouvera dans le
même genre d’impasse au début des années 80 lorsque c’est cette fois la
concurrence de la vidéo (et plus précisément l’AV vidéo) qui vient proposer une
offre plus corsée à domicile. La Nikkatsu oriente donc ses Roman Porno vers un
spectacle plus haut de gamme, plus grand public.
Lady Karuizawa une
des manifestations de ce changement. Le film est réalisé par Masaru Konuma qui
signa des fleurons du cinéma SM au début des années 70 avec Naomi Tani, et qui
doit donc aussi se réinventer avec ce paradigme de production différent. L’actrice
principale sera Miwa Takada qui eut son heure de gloire durant les années 60
avant de voir sa carrière décliner. Lady Karuizawa est le film de son grand
retour au cinéma après douze ans de hiatus et l’argument publicitaire repose notamment
sur le fait d’avoir une actrice de son standing dans un Roman Porno. C’est un
élément fondamental dans l’approche narrative et formelle de Masaru Konuma. Lady Karuizawa est une sorte de Le Rouge et le Noir japonais,
contemporain et érotique. Dans la ville provinciale touristique de Karuizawa,
le jeune Junichi (Takayuki Godai) suite à un concours de circonstances entre au
service de Keiko (Miwa Takada) riche épouse solitaire.
Konuma friand de
métaphore passe de l’hiver solitaire de la scène d’ouverture pour cette femme à
l’été synonyme d’épanouissement lorsqu’elle rencontrera Junichi – sans parler
de ce vase gelé qui se brise et symbolisant « l’ouverture »
de la femme. Le réalisateur sait sobrement faire monter la tension érotique
entre le jeune homme et la femme mûre, dans une attente à la fois intra et
extra-diégétique. Cette tension érotique fonctionne dans le fait de voir pour
la première fois nue une star comme Miwa Takada pour le spectateur japonais de
l’époque, et au sein du film le mélange de prestance aristocratique et de désir
vulnérable étouffé dans les attitudes de Keiko. Cela donne une superbe scène
comme ce rapprochement en forêt aux premières lueurs de l’aube (filmé en nuit
américaine bleutée ou alors en studio) où ce déchirement entre retenue et lâcher
prise fonctionne à plein.
On ressent cet abandon libérateur lorsque le verni craque
enfin avec la première étreinte entre Keiko et Junichi. Le filmage de Konuma
diffère grandement de celui adopté pour saisir les formes voluptueuses de Naomi
Tani. Cette dernière spécialiste du cinéma SM (et des adaptations du chantre
littéraire du genre au Japon, Oniraku Dan) libérait son désir avec une démesure
que Konuma saisissait avec excès et grandiloquence. Miwa Takada est une actrice
novice du cinéma érotique (ce sera même sa seule incursion dans ce registre), et cela joue en faveur du film et l’attitude timorée
du personnage qui s’enhardit progressivement, et également par son corps
séduisant dans sa « normalité » comparé à celui de Naomi Tani
intimidant de sensualité. Malheureusement l’intrigue se perd un peu par la
suite dans sa critique peu subtile de l’avilissement des bourgeois et une
intrigue criminelle poussive.
Tout cela était limpide dès le départ en mettant
en opposition les scènes d’amour conjugales contrainte et machistes avec l’époux
(Yoshio Tsuchiya) et le vrai abandon, plaisir qu’exprimait Keiko dans les bras
de Junichi. Néanmoins, on sent un Masaru Konuma ici nettement moins ambivalent
dans son féminisme (ses grands films hésitant toujours entre le plaisir d’humilier
la femme et la jubilation de la voir prendre sa revanche), correspondant sans
doute plus aux attentes du public (notamment la magistrale scène finale) en ce début des années 80. Pas le meilleur
Konuma mais une vraie œuvre intéressante.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant Films
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