Kozo et Takao, deux
ouvriers, s'amusent à violer la fille de leur patron. Leur vie va se
transformer au contact d'une "femme aux cheveux rouges", qu'ils
recueillent au bord de la route un jour de pluie. Elle s'installe chez Kozo, fasciné
par son franc-parler et son étrange personnalité. Ils se mettent en ménage mais
elle reste muette sur son passé.
Tatsumi Kumashiro signe à nouveau un pinku eiga captivant
placé sous le signe de l’insoumission et du féminisme. L’approche est ici plus
ténue et subtile que son Sayuri, stripteaseuse
(seul autre de ses films disponible en France) où le propos était plus
explicite dans la défiance de cette artiste envers les autorités dans ses
prestations provocatrices. Cette fois il s’agira de rompre le machisme le plus
brutal tapis dans les mœurs de la société japonaise par les sentiments. Kozo et
Takao sont deux ouvriers rustres qui ont pris l’habitude de partager leurs
conquêtes féminines, consentantes ou non comme le montre une cruelle scène d’ouverture
où ils abusent de la fille de leur patron. Une nouvelle victime semble s’offrir
à eux quand ils prendront en stop une mystérieuse femme aux cheveux rouges (Junko
Miyashita) qui va s’installer chez Kozo.
Dès la première étreinte le rapport parait déjà s’inverser.
La libido débordante de la femme dépasse le malheureux Kozo, tant par son désir
pressant que par la position récurrente qu’elle lui impose. La dimension
dominant/dominé établit dans le viol de la scène d’ouverture est brisée, la
femme imposant le tempo de son désir à l’homme et surtout l’assurance
signifiant son expérience des hommes quand la première victime était vierge.
Junko Miyashita excelle à incarner des figures féminines lascives et
dominatrices dans leur libido (notamment le fameux La Véritable histoire d’Abe Sada) s’émancipant par le sexe. C’est
ce qui se déroulera insidieusement ici, l’actrice (jamais nommé cette femme aux cheveux rouges devenant un étendard féminin symbolique) délivrant une prestation
subtile où son ascendant ne se ressent que progressivement dans le reflet que
renvoie Kozo.
La brute aperçue au début du récit s’adoucit, devient un amant
prévenant et même jaloux du passé mystérieux de la femme (tout juste devine-t-on
qu’elle est peut être mariée, a eu des enfants ou a été junkie) dont l’expression
du désir lui évoque ses amants passés invisibles. D’ailleurs l’ensemble des
rapports de couple du film témoigne de cette inversion, certain de manière plus
classique et risquée comme Takao devant prendre en charge sa petite amie
enceinte, torturée avec les junkies voisins du dessus et toujours par le sexe
avec les amis commerçant de Kozo où l’épouse gironde mène véritablement le jeu
en dépit des infidélité du mari.
La remise en question devra donc venir de l’homme, Kozo
devant choisir entre l’allégeance aux codes machistes où il ne se reconnait plus
(Takao désirant comme à leur habitude partager avec lui son amante aux cheveux
rouges e lui-même se rendant compte de son amour quand il sera incapable d'aller voir ailleurs) ou s’épanouir dans une relation de couple plus incarnée à travers cette
amante si entreprenante. Des questionnements passionnant que Tatsumi Kumashiro
amène par une imagerie détonante. Loin de la stylisation chichiteuse coutumière
du pinku eiga, Kumashiro offre une forme brute et sur le vif, ce ne sont pas
les mouvements de caméra qui font grimper artificiellement la sensualité mais
la capture sans fard du désir des protagonistes.
Les films de Kumashiro sentent
la sueur des pièces closes où les amants s’abandonnent longuement, le réalisateur
étant d’ailleurs réputé pour tourner sans se soucier des restrictions de la
censure japonaise comme l’interdiction de montrer les poils pubiens. Lorsque
celle-ci s’applique à ses films, il agrandit en guise de rébellion les cache noirs
grossiers altérant l’image (quand les caches habituels dissimulaient juste les
zones tabous). Une œuvre captivante se terminant évidemment dans un ultime
instant de frénésie érotique.
Sorti en dvd zone 2 français chez Zootrope/Culte Underground
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