Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 3 mai 2015

Beyond Clueless - Charlie Lyne (2014)

Une étude approfondie, à travers plus de 200 classiques modernes, qui se penche sur le phénomène du teen-movie. Le film se concentre sur la période allant de 1995 à 2004 et revisite des comédies telles que Clueless, Dangereuse Séduction ou encore Lolita Malgré moi.

Charlie Lyne signe son premier film avec Beyond Clueless, captivant documentaire qui étudie en profondeur les classiques modernes du teen movie. Le réalisateur était auparavant critique cinéma, rédacteur au sein du blog Ultra Culture puis aussi chroniqueur dans le Guardian. Ayant gardé un attrait et une fascination pour les teen movie de son adolescence, Charlie Lyne décide de consacrer un documentaire à cette passion après avoir hésité avec un article qui aurait amené trop de recul et de hauteur pour un genre qu’il estime sous-estimé. Grâce à la plateforme participative Kickstarter, il parviendra à réunir le budget nécessaire à la production du film.

Premier choix fort, Charlie Lyne décide de n’évoquer que les teen movie ayant traversé sa propre adolescence. Exit donc tout le premier âge d’or du genre et la période 80’s vampirisée par les classiques de John Hughes (Breakfast Club (1984), Seize bougies pour Sam (1984), Une créature de rêve (1985)) mais aussi les pionniers tel que La Fureur de vivre (1955) ou American Graffiti (1973). L’étude ira de Clueless (Amy Heckerling, 1995) à Lolita malgré moi (Mark Waters, 2004), période où le teen movie connaîtra un second âge d’or, déployant son imagerie dans des genres et tons bien plus variés : la relecture teen de classiques littéraires (Emma de Jane Austen revisité dans Clueless, Les Liaisons dangereuses avec Cruel Intentions (1999), Pygmalion dans Elle est trop bien (1999)), le film d’horreur avec Scream (1996) et ses descendants, la satire et la comédie noire… Charlie Lyne n’articule pourtant pas son documentaire sur un historique contemporain du teen movie, mais cherche au contraire à évoquer tourments de l’adolescence par le prisme des différents films évoqués.

Scindés en cinq chapitres, le film dissèque ainsi les apparences et l’intime, les aspects extérieurs et le bouillonnement intérieur de ces adolescents à travers les codes lycéens et la capacité de s’y intégrer - ou pas. L’introduction offre un digest parfait des réflexions à venir avec cette analyse de Dangereuse Alliance (1995) où un groupe d’adolescentes à la marge prenaient leur revanche en devenant adeptes de la sorcellerie. Exclues des cercles les plus populaires, les jeunes filles trouvaient une passion commune avec leur don mais les élans amoureux allaient faire imploser le groupe jusqu’à un final mémorable où le lien se défaisait. Celle qui avait su s’émanciper de ses camarades (Robin Tunney) conservait ses pouvoirs dans une conclusion évoquant sa capacité à s’éloigner des rives de l’adolescence et à grandir. Tout le documentaire s’applique ainsi à disséquer les élans contraires du teenager : s’intégrer à un groupe tout en se démarquant au sein de la communauté lycéenne, le narcissisme et la haine de soi, la peur du sexe et son attrait dans un corps changeant. Le lycée peut être un havre de paix que l’on a peur de quitter, tout comme un enfer auquel on ne peut échapper.

Chaque extraits et films évoqué sont ainsi introduits pour leur pertinence thématique plutôt que pour sa place dans l’histoire du cinéma, Lyne ne hiérarchisant pas – le fameux Clueless ne figure que dans de courts inserts finalement, tout comme les American Pie tandis que le plus oublié La Main qui tue (2000) est plusieurs fois évoqué. Le montage alterné montrera ainsi les passages obligés – rentrée, fêtes, scène de piscines, bal de promo – pour illustrer comment les adolescents s’inscrivent dans un moule et une manière de se comporter (quaterback et autres sportifs adulés, pom pom girl à leur pied) qu’ils devront transcender pour trouver leurs individualités.  

The Faculty (Robert Rodriguez, 1998) ou Comportements Troublants (David Nutter, 1998) usent ainsi du fantastique et du récit paranoïaque (The Faculty revisitant L’Invasion des profanateurs de sépultures) pour dépeindre cette uniformisation apparente. Lolita malgré moi et le plus méconnu Josie and the Pussycats (2001) fonctionnent eux sur la satire, le premier usant de l’analogie animalière pour dépeindre les communautés lycéennes et le second mettant leurs gouts musicaux homogène sur le compte de message subliminaux les lobotomisant. La provocation se dispute aussi à la pudibonderie moralisatrice dans The Girl Next door (2004) avec ce héros amoureux de sa voisine star du X, témoin de l’attrait et de la peur du sexe existant à cet âge des découvertes. Une peur née des transformations physiques d’alors brillamment illustrées dans toutes leurs natures effrayantes via le mythe du loup garou dans Gingers Snaps (2001). L’adolescence constitue donc à la fois une souffrance et un paradis perdu, un espace-temps dont il faudra savoir s’échapper pour s’accomplir, état magnifiquement amené par la référence au Spider-Man (2002) de Sam Raimi.

La forme participe aussi grandement à l’attrait du film. Portée par la voix-off habitée de Fairuza Balk (une des héroïnes de Dangereuse Alliance justement) les images défilent dans un montage fluide portée par l’envoutant score electro-pop du groupe Summer Camp. Les passages de films tout à fait différents parviennent alors à s’inscrire dans un ensemble cohérent où Charlie Lyne réussi à retranscrire l’énergie, la nostalgie et la puissance évocatrice de cette imagerie du teen movie. 

Cette idée atteint cette plénitude dans le kaléidoscope d’images qui conclut chaque chapitre, un tourbillon d’inserts sur les thèmes abordés (torrents sensuel pour évoquer le sexe adolescent, ton funèbre pour leurs gout de l’autodestruction…) provoquant un effet hypnotique que les nappes de synthés et les beats renforcent. Le réalisateur dans sa dissection du genre ne se sera jamais placé au-dessus en termes de ton et de références, les pépites obscures (l’étrange Bubble Boy (2001) avec Jake Gyllenhaal), côtoyant les films cultes (une bonne partie de la filmo de Gregg Araki) et titres plus populaires. Une réussite offrant un regard frais, incisif et passionnant du teen movie. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Blaq Out


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