Une étude approfondie,
à travers plus de 200 classiques modernes, qui se penche sur le phénomène du
teen-movie. Le film se concentre sur la période allant de 1995 à 2004 et
revisite des comédies telles que Clueless, Dangereuse Séduction ou encore
Lolita Malgré moi.
Charlie Lyne signe son premier film avec Beyond Clueless, captivant documentaire
qui étudie en profondeur les classiques modernes du teen movie. Le réalisateur
était auparavant critique cinéma, rédacteur au sein du blog Ultra Culture puis aussi chroniqueur
dans le Guardian. Ayant gardé un
attrait et une fascination pour les teen movie de son adolescence, Charlie Lyne
décide de consacrer un documentaire à cette passion après avoir hésité avec un
article qui aurait amené trop de recul et de hauteur pour un genre qu’il estime
sous-estimé. Grâce à la plateforme participative Kickstarter, il parviendra à
réunir le budget nécessaire à la production du film.
Premier choix fort, Charlie Lyne décide de n’évoquer que les
teen movie ayant traversé sa propre adolescence. Exit donc tout le premier âge
d’or du genre et la période 80’s vampirisée par les classiques de John Hughes (Breakfast Club (1984), Seize bougies pour Sam (1984), Une créature de rêve (1985)) mais aussi
les pionniers tel que La Fureur de vivre
(1955) ou American Graffiti (1973). L’étude
ira de Clueless (Amy Heckerling,
1995) à Lolita malgré moi (Mark
Waters, 2004), période où le teen movie connaîtra un second âge d’or, déployant
son imagerie dans des genres et tons bien plus variés : la relecture teen
de classiques littéraires (Emma de Jane Austen revisité dans Clueless, Les Liaisons dangereuses avec Cruel
Intentions (1999), Pygmalion dans
Elle est trop bien (1999)), le film
d’horreur avec Scream (1996) et ses
descendants, la satire et la comédie noire… Charlie Lyne n’articule pourtant
pas son documentaire sur un historique contemporain du teen movie, mais cherche
au contraire à évoquer tourments de l’adolescence par le prisme des différents
films évoqués.
Scindés en cinq chapitres, le film dissèque ainsi les
apparences et l’intime, les aspects extérieurs et le bouillonnement intérieur de
ces adolescents à travers les codes lycéens et la capacité de s’y intégrer - ou
pas. L’introduction offre un digest
parfait des réflexions à venir avec cette analyse de Dangereuse Alliance (1995) où un groupe d’adolescentes à la marge
prenaient leur revanche en devenant adeptes de la sorcellerie. Exclues des
cercles les plus populaires, les jeunes filles trouvaient une passion commune
avec leur don mais les élans amoureux allaient faire imploser le groupe jusqu’à
un final mémorable où le lien se défaisait. Celle qui avait su s’émanciper de
ses camarades (Robin Tunney) conservait ses pouvoirs dans une conclusion évoquant sa
capacité à s’éloigner des rives de l’adolescence et à grandir. Tout le
documentaire s’applique ainsi à disséquer les élans contraires du
teenager : s’intégrer à un groupe tout en se démarquant au sein de la
communauté lycéenne, le narcissisme et la haine de soi, la peur du sexe et son
attrait dans un corps changeant. Le lycée peut être un havre de paix que l’on a
peur de quitter, tout comme un enfer auquel on ne peut échapper.
Chaque extraits et films évoqué sont ainsi introduits pour
leur pertinence thématique plutôt que pour sa place dans l’histoire du cinéma,
Lyne ne hiérarchisant pas – le fameux Clueless
ne figure que dans de courts inserts finalement, tout comme les American Pie tandis que le
plus oublié La Main qui tue (2000) est
plusieurs fois évoqué. Le montage alterné montrera ainsi les passages obligés –
rentrée, fêtes, scène de piscines, bal de promo – pour illustrer comment
les adolescents s’inscrivent dans un moule et une manière de se comporter
(quaterback et autres sportifs adulés, pom pom girl à leur pied) qu’ils devront
transcender pour trouver leurs individualités.
The Faculty (Robert Rodriguez, 1998) ou Comportements Troublants (David Nutter, 1998) usent ainsi du
fantastique et du récit paranoïaque (The
Faculty revisitant L’Invasion des
profanateurs de sépultures) pour dépeindre cette uniformisation apparente. Lolita malgré moi et le plus méconnu Josie and the Pussycats (2001)
fonctionnent eux sur la satire, le premier usant de l’analogie animalière pour
dépeindre les communautés lycéennes et le second mettant leurs gouts musicaux
homogène sur le compte de message subliminaux les lobotomisant. La provocation
se dispute aussi à la pudibonderie moralisatrice dans The Girl Next door (2004) avec ce héros amoureux de sa voisine star
du X, témoin de l’attrait et de la peur du sexe existant à cet âge des
découvertes. Une peur née des transformations physiques d’alors brillamment illustrées
dans toutes leurs natures effrayantes via le mythe du loup garou dans Gingers Snaps (2001). L’adolescence
constitue donc à la fois une souffrance et un paradis perdu, un espace-temps dont il
faudra savoir s’échapper pour s’accomplir, état magnifiquement amené par la
référence au Spider-Man (2002) de Sam
Raimi.
La forme participe aussi grandement à l’attrait du film.
Portée par la voix-off habitée de Fairuza Balk (une des héroïnes de Dangereuse Alliance justement) les images
défilent dans un montage fluide portée par l’envoutant score electro-pop du
groupe Summer Camp. Les passages de films tout à fait différents parviennent alors à s’inscrire dans un ensemble cohérent où Charlie Lyne réussi à
retranscrire l’énergie, la nostalgie et la puissance évocatrice de cette
imagerie du teen movie.
Cette idée atteint cette plénitude dans le kaléidoscope
d’images qui conclut chaque chapitre, un tourbillon d’inserts sur les thèmes
abordés (torrents sensuel pour évoquer le sexe adolescent, ton funèbre pour
leurs gout de l’autodestruction…) provoquant un effet hypnotique que les nappes
de synthés et les beats renforcent. Le réalisateur dans sa dissection du genre
ne se sera jamais placé au-dessus en termes de ton et de références, les pépites
obscures (l’étrange Bubble Boy (2001)
avec Jake Gyllenhaal), côtoyant les films cultes (une bonne partie de la filmo
de Gregg Araki) et titres plus populaires. Une réussite offrant un regard
frais, incisif et passionnant du teen movie.
Sorti en dvd zone 2 français chez Blaq Out
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