Tian Huai'en est un
homme simple et tranquille. Il passé la plus grande partie de sa vie sur le
petit bateau qu'il utilise pour faire traverser la rivière à qui souhaite
rejoindre l'autre rive. C'est le travail de sa vie bien qu'il n'accepte jamais
la moindre rétribution. Dans ce monde matérialiste, personne ne peut comprendre
à commencer par son fils, parti gagner sa vie à la ville après le décès de sa
mère. Lorsque ce fils reviendra s'occuper de son père âgé et fatigué, se posera
la question de la succession.
Le développement économique spectaculaire de la Chine au
cours de ces dernières années n’aura pas altéré la tradition rurale du pays,
suscitant un questionnement identitaire que pose avec justesse Le Ferry. Le film exploitera cette idée
à travers une dimension générationnelle et la relation entre l’homme de la
campagne Tian Huai'en et son fils citadin moderne.
Une centaine d’années
auparavant, les ancêtres pauvres de Tian Huai'en furent accueillis et aidés par
les habitants du village et en échange ils s’en acquittèrent en endossant la
tâche de faire traverser la rivière séparant le village du monde extérieur. Tian
Huai'en perpétue aujourd’hui cette tradition et chaque jour fait traverser la
rivière à quiconque souhaite passer à l’autre rive, payé en victuailles au
quotidien par les villageois. Son fils à préférer partir travailler à la ville
après le décès de sa mère mais le temps d’un congé va revenir aider son père.
Taiseux, travailleur et dévoué à sa tâche, Tian Huai'en est
un mystère pour son fils d’autant que le déclin physique rend les
allers-retours de plus en plus difficile. Shi Wei instaure une tonalité introspective
où l’on est happé par la beauté de ce décor naturel. Le quotidien fait de va et
vient entre ces deux rives nous baigne dans une lenteur envoutante magnifié par
le magnifique score de Yuanping Wang. L’intrigue est dépourvue de conflits et
de dialogues redondants pour exprimer ses idées, le rapprochement mutuel du
père et du fils se fait dans le silence, l’observation et l’apprentissage
humble que fera le fils comprenant peu à peu le sens de la tâche. C’est par l’effort
qu’il se déleste de l’urgence et du matérialisme de la ville notamment lorsqu’il
trouvera son propre rythme de navigation, ne s’épuisant plus et ne s’encombrant
pas des charges des voyageurs trop empressés.
C’est par cette promiscuité que
les personnages vont se rapprocher, le père suivant la tradition tout en ne l’imposant
pas à son fils tandis que ce dernier en comprend peu à peu le sens. C’est une
vraie invitation à la coexistence, le film ne s’engonçant pas dans l’ode
poussiéreux à un passé révolu tout en plaidant au maintien de cette Chine
campagnarde constituant l’essence du pays. Ainsi le beau final aura appris aux
deux visages du pays à se comprendre sans en privilégier un aspect. Le fils
retourne à la ville l’esprit chargé des souvenirs de ce clapotis d’eau, son
père ayant laissé une télévision s’inviter dans sa masure isolée.
Inédit en dvd français pour l'instant mais actuellement visible dans le cadre du Festival du film chinois se déroulant sur Paris et qui passera à partir de juin par Strasbourg, Lyon, Cannes, Biarritz, Marseille et La Réunion
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