Pierre (Michel Piccoli), architecte
d'une quarantaine d'années, est victime d'un accident de voiture. Éjecté
du véhicule, dans le coma, au bord de la route, il revoit son passé et
les deux femmes qui comptent dans sa vie, Catherine (Léa Massari) dont
il est séparé et avec qui il a eu un fils, et Hélène (Romy Schneider),
avec qui sa relation amoureuse est à un tournant...
Avant
Les Choses de la vie les premiers films de Claude Sautet n'étaient guère représentatifs de sa personnalité, entre la grosse comédie
Bonjour Sourire (1955) qu'il reniera par la suite, et les pourtant efficaces collaborations avec Lino Ventura avec le polar
Classe tout risques (1960) et le film d'aventure
L'Arme à gauche
(1965). Peu satisfait de ces films qui ne lui ressemblent pas, Sautet
abandonne donc la réalisation pendant quatre ans pour mieux officier dans
l'ombre et contribuer aux scripts des films de ses amis avec
La Vie de Château (1965) de Jean-Paul Rappeneau ou
Le Diable par la queue
(1969) de Philippe de Broca pour l'officiel puisque cette activité de
script doctor courant sur toute sa carrière ne fut pas forcément
créditée à chaque fois. C'est avec
Les Choses de la vie
qu'il se réinvente, le succès du film lui permettant enfin de creuser
ce sillon personnel qui donnera tous ses grands classiques des années 70
que sont
César et Rosalie,
Vincent, François, Paul... et les autres ,
Max et les ferrailleurs,
Mado...
En
adaptant le roman éponyme de Paul Guimard, Claude Sautet développe tous
les grands thèmes de ses films suivants, le manque de communication
dans le couple et surtout la figure masculine incapable d'extérioriser
ses émotions. Ces questionnements seront plus approfondis dans les
œuvres à venir, et c'est justement cette approche tout en esquisses qui
fait tout le prix des
Choses de la vie.
Le film est traversé par le poids du souvenir et de l'inéluctable.
La
fatalité est exprimée d'emblée avec les images de cette foule inquiète
et curieuse observant la carcasse calcinée d'une voiture dont on ne voit
pas encore l'occupant gisant à terre. Tout semble déjà joué lors de ce
générique rembobinant le terrible accident et ramenant le blessé à sa
vie paisible quelques jours plus tôt. Pierre (Michel Piccoli) coule des
jours heureux avec sa nouvelle compagne Hélène (Romy Schneider) mais n'a
jamais vraiment oublié Catherine (Lea Massari), sa première épouse.
Cette hésitation pas encore résolue fragilise le couple lorsque Pierre
va tergiverser alors qu'ils préparent un départ définitif à l'étranger.
Saute distille subtilement les éléments reconstituant le puzzle de la
personnalité de son héros, que ce soit une conversation où on devine les
liens intact entre Catherine et Pierre ou encore l'égo de ce dernier
qui fait volte-face en découvrant (ou se souvenant) sur un détail qu'un
ami est désormais l'amant de son ex. C'est ce même égo et cette
carapace qui va l'amener à faire preuve d'une révoltante froideur envers
Hélène, qui à l'opposé est un livre ouvert pour exprimer ses sentiments
et est éperdument amoureuse de lui. Romy Schneider est absolument
magnifique avec ce personnage tout en abandon, bouleversant sans un mot
le temps d'une scène où elle ressurgit de l'entrée de son immeuble pour
observer Piccoli parti sans un mot ni un regard après une dispute.
La
narration est entrecoupée d'inserts de l'accident (très impressionnant)
jetant un voile funeste sur toute les erreurs commise par Piccoli et
qui ne pourront être réparées. Des souvenirs en flashback interviennent
également du point de vue de notre héros, symbole de son dilemme puisque
alternant entre les images estivales de son bonheur avec Lea Massari
sur l'île de Ré et le romantisme plus flamboyant des moments avec Romy
Schneider avec une première rencontre fabuleuse où d'une voix perdue
dans une pièce sa présence se concrétise par son regard bleu magnétique
envahissant soudain l'écran.
Après avoir adopté une certaine hauteur de
point de vue, Sautet fait enfin se rejoindre les deux temporalités du
récit et plonge totalement dans l'intime en faisant partager les ultime
pensées d'un Michel Piccoli mourant et qui l'ignore. Les flashbacks se
mue en hallucinations synonyme de mort, la voix-off déterminée de Pierre
dénote avec le délabrement de son corps, se raccrochant à la vie pour
déchirer cette horrible lettre qu'il n'aurait jamais dû écrire. Michel
Piccoli est extraordinaire, ne dévoilant sa fragilité qu'une fois seul
(magnifique moment de mélancolie quand de nuit en voiture son regard
trahi les regrets de son attitude, émotion suspendue appuyée par les
notes de Philippe Sarde) ou totalement démuni et vulnérable après
l'accident.
Sautet offre de belles idées narratives et visuelles pour
traduire la confusion de Pierre : la fougère du sol où il git se
confondant avec une autre traversée en souvenir avec Romy Schneider, la
voix-off de Piccoli de plus en plus erratique, les détails qui
transforment les flashbacks en rêveries du condamné. Rien n'est
excessivement appuyé, la narration progresse à l'image du maelstrom et
de la confusion de souvenirs qui assaillissent Piccoli et exprime ainsi
ce qu'est
Les Choses de la vie, un long et ultime songe teinté de regrets éternels.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire