L'anglais John Barratt visite la
France. En se baladant dans les rues du Mans, il croise son sosie. La
ressemblance entre les deux hommes est tellement extraordinaire qu'ils
passent ensemble une soirée bien arrosée. Le lendemain matin, Barratt se
réveille dégrisé dans une chambre d'hôtel, et s'aperçoit affolé qu'il a
été dépouillé de ses vêtements et de son identité. Il est devenu son
sosie : le Comte Jean de Gué. Son histoire est tellement invraisemblable
que personne ne veut y croire. Barratt se retrouve acculé à vivre la
vie d'un autre, une vie qui lui réserve quelques surprises...
Robert Hamer retrouvait Alec Guinness pour la quatrième fois avec The Scapegoat,
adaptation d'un roman de Daphné Du Maurier. On devine ce qui a pu
attirer le réalisateur et sa star dans le matériau original. Pour Alec
Guinness c'est l'occasion de se livrer à un nouvel exercice de
dédoublement entre le solitaire et humaniste John Barrat et séducteur et
égoïste Jean de Gué. Pour Robert Hamer il y a matière à scruter à la
manière de son Noblesse Oblige
(le cynisme en moins) la décadence de la haute société à travers cette
description d'une famille fort torturée de noble français. Le film pèche
par un vrai parti pris d'adaptation. Le roman de Daphné Du Maurier
plongeait une âme suicidaire au cœur d'une famille au penchant
autodestructeur et au lourd passé, et John Barrat reprenait gout à la
vie en endossant les responsabilités qui accablait son double car se
sentant enfin utile.
Le roman était une vraie étude de caractères où le
vide intérieur du héros suicidaire se nourrissait des maux de sa famille d'adoption
pour renaître en les guérissant. Robert Hamer reprend cette idée dans
le film mais avec un acteur aussi charismatique qu'Alec Guinness (à
l'insistance de Daphné Du Maurier alors que la production envisageait
Cary Grant) la lumière est bien plus placée sur lui que sur le défilé de
névrosés que constituait la famille dans le roman. Les protagonistes
sont réduits ou simplifiés, Bette Davis en matriarche morphinomane et la
jeune et pétillante Annabel Bartlett s'imposent donc mais ce choix
simplifient la portée de certains rebondissements qui suivent fidèlement
le roman dont il aurait fallu mieux assumer de s'éloigner.
L'autre
déséquilibre est d'avoir greffé une tonalité de thriller absente du
livre et qui surgit sans trop d'explication au début et la fin du film.
La rencontre entre John Barrat et son sosie Jean de Gué est introduite
dans une logique d suspense à travers les jeux d'ombres dans la filature
nocturne et l'attitude lus ouvertement inquiétante de Jean de Gué. La
confrontation finale sera nettement mieux gérée mais gâchée par un
épilogue un peu expédié. Du coup l'aspect social et humaniste du livre
est tout juste survolé et la volonté de thriller du film pas assez
appuyée. Les deux facettes auraient cependant pu fonctionner en laissant
plus la narration respirer quand tout file ici trop vite en 90 minutes à
peine qui ne laissent pas l'atmosphère s'installer. On peut sans doute
imputer cela à l'alcoolisme de plus en plus aggravé de Robert Hamer
parfois incapable de tourner et qui laissera le filmage de certaines
scènes à Alec Guinness.
Ce dernier sauve le film par son épatante double
performance. Lors de la première entrevue des sosies, il les
différencie par son jeu subtil notamment ce passage où la présence
penaude de John Barrat ne parvient pas à attirer l'attention d'un barman
quand le charismatique Jean de Gué s'impose d'un simple geste de la
main. Faute d'antagonistes consistant (le personnage de Blanche
passionnant dans le livre et pourtant incarné par l'excellente Pamela
Brown n'existe pas vraiment) l'argument du livre est inversé, la
bonhomie et bienveillance de l'imposteur transformant les membres de la
famille plutôt que les problèmes de cette dernière éveillant son
empathie. Pas inintéressant mais pas assez creusé pour convaincre,
dommage mais le livre se prêtait sans doute mieux à une adaptation en
feuilleton tv. Une adaptation plus récente a d'ailleurs été produite par
la BBC, à tenter éventuellement.
Sorti en dvd zone 1 (mais le disque est multizone) chez Warner dans la collection Warner Archives et sans sous-titres
On comprend un peu le problème avec cette bande annonce jouant essentiellement sur le suspense
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