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lundi 25 avril 2016

Le Convoi des braves - Wagon Master, John Ford (1950)

Dans les années 1870, deux jeunes maquignons acceptent de conduire un convoi de Mormons vers la vallée de San Juan dans l’Utah. C’est vers cette "Terre promise" qu’ils souhaitent se rendre avec leurs biens et leurs aspirations afin d’y fonder une nouvelle colonie. Au cours de leur odyssée, ils vont devoir affronter maintes péripéties, accueillir au sein de leur austère communauté une maigre troupe de pathétiques saltimbanques et affronter de cruels hors la loi.

Wagon Master est une des œuvres les plus attachantes de John Ford, et une de ses favorites dans sa filmographie. Le récit prend un motif bien connu du western à savoir l’épopée de pionniers vers la « Terre promise » dans cet Ouest abritant un refuge pour tout américain en quête d’enracinement. Cela aura donné nombre de grands classiques tel que Convoi de femmes (1951) de William A. Wellman entre autres. Nous suivrons ici un convoi de mormons cheminant à travers le désert pour rejoindre la vallée de San Juan dans l’Utah pour fonder une communauté prospère sur ces terres fertiles. Les embûches rencontrées font parties des figures récurrentes du genre, entre un climat hostile, des indiens navajos ou une horde de dangereux bandits avec les frères Clegg. Pourtant Ford semble comme désamorcer tout le potentiel d’action, d’épreuve et de tension inhérent à une telle odyssée pour proposer un récit apaisé, nonchalant et presque ennuyeux pour celui venu chercher les sensations précitées.

Ce n’est pas l’adversité qui liera les voyageurs mais bien leur capacité à s’accepter, à s’entraider les uns et les autres. La notion de collectif et de solidarité domine l’ensemble du récit et la caractérisation des personnages. Les deux maquignons incarnés par Ben Johnson et Harry Carey Jr. acceptent ainsi de conduire les mormons sans arrière-pensée et à la seule vue de la difficulté qui les attends sans leur aide. Ford escamote un élément qui aurait rendu cet altruisme plus crédible, les deux personnages jouant leurs revenus au poker dans la scène précédente. La perte de leur mise aurait justifié le bon geste mais au contraire ils gagnent et c’est de leur plein gré qu’il s’engage dans l’odyssée. Un tel stratagème aurait développé une forme d’individualisme pour les deux personnages alors que Ford fait reposer l’équilibre du convoi sur une harmonie qui coule de source, où chacun a choisi d’être là et prêt à s’y fondre. Le convoi est une entité aux personnalités contrastées néanmoins mais marchant toutes dans le même sens. 

Ford esquisse chacun des voyageur avec sa bonhomie coutumière notamment un Ward Bond déterminé et colérique mais là aussi toujours ramené à la raison quand il s’emporte, que ce soit par le révérend lorsque les jurons pleuvent ou tout simplement par les évènements tel cette invective injuste pour son cheval qui se cambre pour le protéger des sables mouvants. Les éléments extérieurs sont vites ramenés à la raison par le regard accusateur du collectif (le docteur usant de l’eau rare dans ce désert pour se raser) mais aussi par des sentiments naissants avec la romance s’esquissant entre Ben Johnson et Joanne Dru. Un Howard Hawks se serait régalé de l’opposition entre le convoyeur rustaud et la saltimbanque séductrice mais là aussi Ford ne s’y attarde pas. Les regards, attitudes et allusions font comprendre l’amour naissant, les difficultés à l’exprimer se dévoilent par un simple éloignement du collectif (Joanne Dru fuyant la demande en mariage de Ben Johnson) et son accomplissement passe par la seule image avec Joanne Dru et Ben Johnson côte à côte dans le charriot à la fin.

Un tel traitement aurait pu rendre l’ensemble austère mais John Ford déploie un lyrisme apaisé qui irrigue l’ensemble du film. Les magnifiques décors naturels n’écrasent jamais les voyageurs de leur majesté mais semble les accompagner, bien présents mais jamais oppressant ni hostile – voir la rapidité avec laquelle est réglée l’évocation de la soif. Le film reste constamment à hauteur d’hommes, l’imagerie grandiose ne s’invitant que pour célébrer ce collectif dans les somptueux plans d’ensemble où la communauté s’avance dans le décor sous une lumière diaphane en entonnant des chants traditionnels. Ford développe son traitement progressiste des indiens amorcé dans Le Massacre de Fort Apache (1948) ces derniers représentant ce type d’entité unie par excellence. Les Clegg, bandits en fuite qui vont intégrer le convoi sont définis bien plus sommairement dans leurs attitudes et allures dégénérées, une anomalie à châtier et à éliminer – avec la patience d’une maladie infectieuse, voir l’attente de l’isolement du collectif justement pour s’en débarrasser. Une œuvre passionnante, apaisée et d’une grande subtilité sous ses contours simples. 

Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse 

 

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