A Brighton, La femme d'un propriétaire
de pub veut se débarrasser de son mari violent. Elle obtient l'aide d'un
jeune homme qui travaille dans une pharmacie ...
Robert Hamer avait eu sa première expérience en tant que réalisateur au sein de la Ealing avec Dead of Night (1945), mémorable film à sketch dont il signa Le miroir hanté, l'un des segments les plus terrifiants. Fort de cette réussite, Hamer est prêt à passer au long-métrage avec Pink String and Sealing Wax.
Le film adapte la pièce éponyme de Roland Pertwee sur un scénario de
Diana Morgan et Robert Hamer. On y retrouve déjà tous les éléments qui
feront la réussite des grands films à venir, que ce soit le cadre de
l'Angleterre Victorienne de Noblesse Oblige (1949), la veine intimiste de Il pleut toujours le dimanche
(1947) et bien sûr les préoccupations sociales qu'on trouvent dans les
deux œuvres. La solution criminelle et/ou la résignation des films
suivant à ce climat social oppressant trouvent déjà leurs expressions
dans Pink String and Sealing Wax.
Edward Sutton (Mervyn Johns) campe ainsi un pharmacien bigot et
tyrannique féru de droiture morale qui mène la vie dure à sa famille. Il
étouffe les premiers amours épistolaires de son fils David (Gordon
Jackson) et empêche les velléités artistiques de sa fille Victoria (Jean
Ireland) rêvant d'une carrière à l'opéra. Par son masque impassible, sa
raideur et son timbre glacial, Sutton incarne toute la rigueur
implacable de cette Angleterre Victorienne où il ne faut surtout pas
s'écarter de sa condition. Le film dépeint ainsi la manière dont les
protagonistes vont malgré tout chercher à assouvir leurs passions,
désirs et ambitions.
Hamer pas encore totalement soumis au cynisme de Noblesse oblige
offre encore une certaine tendresse et innocence à l'intrigue sur
l'aspirante chanteuse, la candeur de Jean Ireland et le charme simple de
son ascension donnant de beaux moments tel cette scène où elle charmera
une cantatrice en chantant dans la rue. C'est pourtant quand il plonge
dans la fange et la noirceur que le film marque. Le jeune David soigne
sa frustration en s'immergeant au sein de la populace d'une taverne et
va tomber amoureux de Pearl (Googie Withers) la femme du tenancier. Même
si tout reste sous-jacent, on devine bien le mélange douteux de
prostituée et d'escrocs en tout genre qui fréquente les lieux, Hamer ne
distinguant pas la fange.
Pearl femme adultère et jouée avec un vice
séducteur par Googie Withers (qui donne une veine plus noire à la femme
au foyer dépressive qu'elle jouera dans Il pleut toujours le dimanche)
est aussi peu recommandable que son époux (Garry Marsh) alcoolique qui
la bat pour punir ses aventures. La perte des repères moraux, la
violence et finalement le crime seront ainsi les seules solutions pour
aspirer à autre chose, Hamer tissant une tragédie progressive dans le
cadre apaisé et étouffant de Brighton. La photo de Stanley Pavey oscille d'ailleurs entre le chatoiement victorien des scènes de jours où les douleurs sont étouffées et la stylisation sombre des scènes nocturnes laissant les vices s'exprimer.
Les moments de cruautés sont
saisissants tant par leur approche inscrite dans le quotidien (Sutton
tourmentant ses enfants de versets religieux à réciter) que de violence
surprenante (le hors-champs lourd de sens où Googie empoisonne son mari)
où se dessine une spirale implacable. Il semble cependant que la
rigueur morale du producteur Michael Balcon ait pris le dessus cette
fois tant le final semble punir les perdus du récit et offrir une issue
inattendue aux opprimés. Le happy-end en forme de dépêche de presse fait
preuve de suffisamment de désinvolture pour ne pas faire tiquer,
l'ambiguïté et le désespoir des conclusions de Noblesse Oblige et Il pleut toujours le dimanche
permettant à Hamer d'exprimer son vrai point de vue par la suite. En
dépit de petites longueurs, un galop d'essai prometteur pour ce météore
du cinéma anglais que fut Robert Hamer.
Sorti en dvd zone 2 anglais et bluray chez Studiocanal, doté de sous-titres anglais
Extrait
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