Si l'on se souvient surtout de Cottafavi pour ses péplums (La Vengeance d'Hercule (1960), Hercule à la conquête de l'Atlantide (1961), Messaline (1959)) et films historiques, il débuta dans un registre plus auteurisant et fut un maître du mélodrame comme le montre ce Fille d'amour. Le titre original Traviata '53 est plus parlant pour désigner ce qui est une adaptation contemporaine de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils. L'histoire bien connue de la courtisane entretenue tombant amoureuse d'un jeune homme sans le sou trouve donc son cadre dans l'aristocratie milanaise lorsque Carlo (Armando Francioli) croise la belle Rita (Barbara Laage). C'est réellement la puissance dramatique qu'apporte Cottafavi dans sa mise en scène et direction d'acteur qui donne toute sa force au récit qui déroule assez classiquement la célèbre trame de Dumas.
Le début badin et cruel (le mépris dont fait l'objet le modeste Carlo face aux fêtards nantis milanais) voit le jeune héros n'observer et aimer Rita que de loin, aux antipodes de son monde et de ses aspirations. L'abnégation même de Carlo n'est vue que comme une tocade et un simple désir physique pour Rita jusqu'à une magnifique scène de premier baiser où Cottafavi capture la surprise sur le visage de la courtisane : elle comprend qu'elle est réellement aimée et va alors rendre ce baiser avec sincérité. La scène de séduction bascule vers la scène d'amour par ce revirement subtil. C'est avec ce même sens visuel que le réalisateur illustre le dépit amoureux, notamment ce panoramique sur la figure défaite de Carlo alors que Rita lui ment sur la nuit passée avec son "bienfaiteur".
A l'inverse toute la dimension sordide du train de vie de Rita reste hors-champ pour son aspect sexuel, l'environnement luxueux suffisant à traduire les ressources desquelles il est issu. Cottafavi place ainsi toute la facette mélodramatique hors-champs, la famille pauvre de Rita à aider, l'insistance de son riche amant et la pression sociale de la simili mère maquerelle jouée par Gabrielle Dorziat en restant à des esquisses douloureuses dont le tourment ne se dévoile que par la magnifique prestation de Barbara Laage. On ressent une véritable pudeur de Cottafavi pour son héroïne sacrificielle, le déterminisme social s'avérant plus explicite côté masculin avec la famille de Carlo. Cette retenue se ressentira dans le final où la douleur de Carlo est saisie à distance à la manière d'un Naruse dans ses grandes scènes dramatiques, la réelle flamboyance ne passant dans un long travelling en train où Rita accepte sa déchéance. Une belle réussite à laquelle Cottafavi parvient à amener une approche personnelle à une œuvre si souvent adaptée.
Sorti en dvd zone 2 français chez René Chateau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire