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jeudi 8 septembre 2016

Till the End of Time - Edward Dmytryk (1946)

Cliff, William et Perry, trois marines, rentrent à la maison, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Blessés moralement ou physiquement, ils doivent réapprendre à vivre dans la vie civile. Jolie veuve d'un pilote, Pat Ruscomb, très perturbée par la disparition de son mari, s'intéresse à l'un d'eux, Cliff.

Les plus belles années de notre vie (1946) de William Wyler est le grand film multi oscarisé évoquant la difficile réinsertion des vétérans de la Deuxième Guerre Mondiale. Ce ne fut cependant pas le seul film hollywoodien à évoquer ce thème puisque de belles réussites comme Le Retour de Mervyn LeRoy (1948), Étranges Vacances de William Dieterle (1944) et donc ce Till the End of Time apportèrent chacun un regard sensible et complémentaire au classique de Wyler. Le film est l'adaptation du roman They Dream of Home de Niven Busch avec une trame voisine mais moins immédiatement démonstrative que Les plus belles années de notre vie dont le récit choral explorait tous les grands traumatismes possibles vécus par les vétérans.

Cliff Harper (Guy Madison) et William Tabeshaw (Robert Mitchum pas encore star mais qui crève l'écran de charisme), anciens marines et héros de guerre sont rendus à la vie civile en ouverture du film. Edward Dmytryk illustre avec une rigueur quasi documentaire tous le processus de cette "libération", accompagnée d'un entretien à la fois psychologique et professionnel, d'un calcul et d'une donation de la pension due à chacun des vétérans. Cette séquence permet d'apprendre les séquelles physiques de certains forcément visibles (la plaque de fer sous le crâne de Robert Mitchum), le passé et le futur possible vers lequel ils retournent (l'université d'ingénieur interrompue par la mobilisation pour Guy Madison) mais surtout de nous faire comprendre à quel point l'armée gère encore leur existence et le vide qu'il s'apprêtent à connaître en retrouvant un quotidien incertain.

La camaraderie avant la séparation puis le bonheur des retrouvailles avec la famille nous montre donc une entrée en matière joyeuse et insouciante. Tout le déroulement du film se proposera donc de ramener les personnages et plus particulièrement Cliff Harper à la peur du vide que constitue ce retour à la vie civile. Physique avenant et sourire désinvolte, Cliff sous ce masque voit tout son environnement lui rappeler que la vie s'est poursuivie dans son environnement pendant ses trois ans au front. Souhaitant surprendre ses parents par son arrivée, il les trouve sorti. Tentant d'enfiler une ancienne veste, il constate qu'elle est désormais trop grande pour lui et remet son uniforme. Même le fonctionnement de la radio familiale lui est inconnu et il va l'éteindre après avoir déclenché un son assourdissant. Harassé par cette journée de retour, il git les yeux baignés de larmes dans sa chambre et feint de dormir paisiblement lorsque ses parents viendront le voir.

Le malaise va s'étendre par son refus de reprendre sa vie en main et penser au futur à travers ses journées oisives où il erre et dépense sa pension en sortie. Le scénario est très subtil pour exprimer le fossé régnant entre Cliff et ses parents. Dmytryk s'arrête sur le visage choqué de la mère de Cliff lorsqu'elle entend son fils parti adolescent parler femmes et alcool dans la plus grande familiarité machiste de régiment avec Tabeshaw venu lui rendre visite. De même les des parents remontrances sur son existence sans but ne passe plus sur ce fils désormais devenu un homme.

Cliff est incité à reprendre le cours de sa vie par un entourage incapable d'entendre ce qu'il a vécu, chaque conversation où il essaie d'évoquer un souvenir du front douloureux étant interrompu par ses interlocuteurs. Cette approche s'avère d'autant plus intéressante par l'allure séduisante de Guy Madison et le fait que le personnage ne souffre d'aucune séquelle physiques ou traumatisme de guerre marqué. Même quand le film aborde frontalement cette facette, la faille sera toujours essentiellement psychologique. Le personnage de Mitchum dilapide sa pension en alcool et parties de carte sans concrétiser son projet d'acheter une ferme, et ce n'est que par la suite qu'on apprend les douleurs que lui causent sa plaquent dans le crâne.

De même le vétéran Perry (Bill Willliams) promis à une brillante carrière de boxeur préfère se lamenter sur ses jambes amputées plutôt que de se reprendre en main. Tout cela semblait surmontable au sein du corps de l'armée mais sans l'esprit collectif qui les soudait face au danger et aux pertes, qui les mettait tous sur un pied d'égalité et les guidait, les vétérans sont démunis face au monde normal et ses exigences. Dorothy McGuire offre également une très belle interprétation où elle donne à voir aussi la douleur de "l'après" pour les héroïnes du home front (sources de beaux mélodrames romantiques comme Depuis ton départ de John Cromwell (1944)) où après avoir été le doux souvenir du soldat avant la mobilisation, elle se retrouve veuve après son décès au front. Cherchant le visage du disparu dans tous les vétérans revenus aux pays, elle se donne à eux pour oublier sa solitude. La scène où elle avoue enfin sa détresse est un des plus beaux instants du film. Même les rencontres furtives proposent des pics d'émotions inattendus comme lorsque Cliff remarque dans un bar un vétéran pris de tremblements nerveux et qu'l va tenter de l'apaiser en lui parlant.

Toute la finesse d'observation de Dmytryk et sa remarquable direction d'acteur offre un intérêt constant au film où il laisse apparaître ses convictions politiques (qui lui couteront chers plus tard) dans une des dernières scènes où les héros sont sollicités par une association de vétéran raciste. Le contexte de l'armée sera ainsi abordé de manière bien moins solidaire dans son film suivant Feux croisés (1947) où il traitera de la question de l'antisémitisme. Une grande réussite qui ne mérite pas d'être autant restée dans l'ombre de Les Plus belles années de notre vie.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner 

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