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samedi 14 janvier 2017

All night long - Basil Dearden (1962)

Rod Hamilton (Richard Attenborough), un riche promoteur fan de jazz, organise une soirée pour le premier anniversaire de mariage d’Aurelius Rex (Paul Harris), célèbre musicien de jazz, et sa femme Delia (Marti Stevens), une chanteuse de jazz retirée du circuit. Un batteur ambitieux Johnnie Cousin (Patrick McGoohan) veut absolument se servir du nom de Delia pour fonder son propre groupe. Mais cette dernière refuse. Il va alors tout faire pour détruire le couple.

Basil Dearden signe une nouvelle réussite magistrale avec ce All Night Long qui propose une transposition contemporaine d'Othello de Shakespeare. Cette adaptation libre se déroule dans le milieu du jazz londonien des 60's et va y rejouer la même tragédie de jalousie, ambition et pouvoir. L'enjeu de la manipulation de Johnnie Cousin/Iago (Patrick McGoohan) est de monter son propre groupe de jazz mais il ne pourra entrer dans le circuit qu'en ayant Delia/Desdemone (Marti Stevens) comme chanteuse mais celle-ci est retirée depuis qu'elle a épousée le pianiste Aurelius/Othello (Paul Harris). Le soir où se fête le premier anniversaire de mariage d'Aurelius et Delia, Johnnie va ainsi multiplier les fourberies pour diviser les époux et assouvir ses ambitions.

Etonnement l'aspect racial reste très sous-jacent (alors qu'il était plus explicite chez Shakespeare, mais on sent qu'il guide en partie la jalousie d'Aurelius) alors que c'est une thématique récurrente chez Basil Dearden mais néanmoins on retrouve cette mixité amoureuse absente du reste de la production anglaise d'alors. Le connaisseur de la pièce en reconnaîtra à quelques ellipses près le déroulement et c'est dans le jeu sur la musicalité des images et la dimension théâtrale que Dearden s'approprie le film. On a trois décors principaux avec la salle de concert, et deux pièces plus isolées. Les manipulations des espaces intimes trouvent leurs conséquences dans celui collectif de la salle de concert. Dearden joue sur le verbe et la nature de mauvais génie de Johnnie que Dearden traduit au fil de son empire sur Aurelius dont il stimule la jalousie.

Le visage défait et colérique d'Aurelius s'impose donc en gros plan tandis que celui semant le fiel de Johnnie s'expose en arrière-plan par un jeu de focale et profondeur de champ. Dans la salle de concert, les suspicions et rancœurs s'expriment à l'inverse par la distance synonyme d'incompréhension. L'esprit tourmenté Aurelius observe de loin et avec une rage grandissante les échanges de Delia avec son vieil ami et manager Cass (Keith Michell) qu'ils soupçonnent d'être amants. Patrick McGoohan est parfait de duplicité, glissant la petite phrase et remarque innocente qui sèmera plus tard la discorde, affichant un regard constamment ambigu. Le scénario ajoute des éléments plus contemporains pour rejouer les péripéties de la pièce, notamment lorsque Johnnie fait fumer de la marijuana à Cass pour le monter contre leur producteur.

C'est la musique qui fera constamment grimper la tension au fil de l'intrigue. Une démonstration virtuose de bongos déclenche un montage saccadé entre l'instrument et les jeux de regards, plus tard le désir de tous les protagonistes masculins pour Delia s'exprimera par des inserts sur ces mêmes regards brûlants quand elle reprendra son emploi de chanteuse pour un instant. Mieux encore, un moment supposé intensément romantique scelle la défiance des époux lorsque Delia entonnera un langoureux All night long à Aurelius qui ne pense pas en être le destinataire. Dearden use de cette musicalité jazzy dans ses mouvements de caméra fluides qui participent à exprimer le drame en cours, la différence se ressentant avec le début du film où il se faisait l'illustrateur plus neutre du groupe dont il mettait en avant les aptitudes - les amateurs de jazz reconnaîtront Dave Brubeck et son groupe apparaissant en personne, et au passage Patrick McGoohan pas doublé s'avère un très bon batteur.

La tension monte ainsi peu à peu pour aboutir à 20 dernières minutes d'anthologie. La violence explose définitivement, Dearden joue habilement de la théâtralité pour accentuer la dramaturgie (tonnerre et éclairs venant appuyer la conviction d'Aurelius d'être trompé) et se débarrasse de la rigueur géométrique initiale pour donner dans les cadrages baroques dont la démesure sert de révélateur. La brutalité fulgurante et sauvage d'Aurelius est un véritable choc que seule l'échappée à l'extérieur de de nid de tension saura calmer. D'ailleurs l'ouverture percutante stylisée sur fond de jazz enlevé et l'errance finale réconciliatrice montrent à nouveau que Dearden n'a pas d'égal pour filmer l'urbanité londonienne.

Sorti en dvd zone 2 et BR anglais dot de sous-titres anglais chez Network
 

2 commentaires:

  1. bonjour, Trés bon film, en effet.Nous avions je crois échangé sur Dearden.
    Un cinéaste qui m'intéresse toujours autant.

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    1. Oui tout à fait on en avait déjà parlé, j'en découvre pas mal en ce moment tous ses polars des années 50/60 sont vraiment de haut vol et mériteraient d'être édité en France. A part le film à sketch Au cour de la nuit, Dearden reste injustement méconnu ici.

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