Le docteur Ferguson et sa femme Helen, en vacances dans un pays
d'Amérique latine, sont amenés de force au Palais présidentiel par des
militaires. Le chef d'État, nommé Raoul Farrago, est un dictateur. Il
est condamné à brève échéance par une tumeur au cerveau, à moins que
Ferguson ne tente une opération de la dernière chance. Le chirurgien
hésite, mais son sens du devoir le fait accepter.
Crisis est le premier film d'un Richard Brooks initialement écrivain puis scénariste remarqué (Les Tueurs de Robert Siodmak (194) bien qu'il ne soit pas crédité, Les Démons de la liberté de Jules Dassin (1947), Key Largo de John Huston (1948)) durant les années 40. Crisis
témoigne déjà d'une filmographie à venir placée sous le signe de
l'observation, du constat social et politique. Adaptant la nouvelle The Doubters de George Tabori, Richard Brooks anticipe le Viva Zapata!
d'Elia Kazan (1952) dans le regard hollywoodien sur les tumultes
politiques d'alors sur le continent sud-américain. Si le film de Kazan
est une fresque historique, celui de Richard Brooks tout en traitant
d'un pays d'Amérique latine jamais nommé évoque fortement l'Argentine
avec les époux Farrago qui renvoient à Juan et Eva Perron. L'imaginaire
inspiré du réel autorise dont la tonalité de fable et quelques
raccourcis sous le regard acéré de Brooks.
Cary Grant incarne
ainsi un médecin en voyage avec son épouse (Paula Raymond) dans la
poudrière d'un pays d'Amérique latine. Réquisitionné de force pour
opérer Raoul Farrago (José Ferrer) dictateur local souffrant d’une
tumeur au cerveau, le docteur Ferguson (Cary Grant) est ainsi confronté
aux contradictions du pays. La mégalomanie du dictateur est parfaitement
capturée dans la prestation de José Ferrer, détaché des réalités mais
paradoxalement très lucide sur le caractère profond de son peuple. Tout
en soulignant son autoritarisme guerrier, Richard Brooks glisse quelques
dialogues brillants où Farrago note l'inconséquence de sa population
qui tout en se plaignant de sa main de fer ne créerait que le chaos si
on leur apportait la liberté d'une démocratie. Cary Grant navigue donc
entre ce tyran et une révolution qui gronde et le supplie de ne pas
l'opérer.
Si le film manque clairement d'ampleur pour illustrer le
grondement ambiant (le peuple et les révolutionnaires confinés dans un
restaurant, l'insurrection finale réduite à deux ruelles), Richard
Brooks pose intelligemment tous les questionnements attendus, bien aidé
par la prestation solide de Cary Grant. Loin du pensum, le réalisateur
parvient même à saisir ces moments où le dictateur se confronte
symboliquement à sa propre vulnérabilité et faiblesse. Venu assister
avec des convives amusés aux répétitions qu'effectue Ferguson pour son
opération avec des assistants de fortune, Farrago perd de sa superbe et
pâlit en voyant comme son pouvoir ne tient qu'à un fil, celui de son
propre organisme.
Le final plus grossier s'avère néanmoins savamment
ironique et terriblement lucide sur l'exaltation et l'inconséquence de
la révolution, annonçant déjà le classique de Richard Brooks Les Professionnels (1966) - y compris dans la critique de l'impérialisme américain avec ici un influent agent d'une compagnie pétrolière.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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