Après vingt ans de vie commune, Amy et Jim Preston sont au bord de
la rupture. Jim ne supporte plus l'insouciance de sa femme, et prend une
maîtresse.
Une carrière d'habile mais impersonnel faiseur hollywoodien dans les 60's (Les Canons de Navarone (1961), Les Nerfs à vif (1962), Tarass Boulba
(1962)) puis de piteux yes-man d'un Charles Bronson sur le déclin dans
les 80's aura fait oublier les brillants débuts de Jack Lee Thomson au
sein du cinéma anglais des années 50. Durant cette période le
réalisateur signe une série de mélodrames sociaux progressistes dont le
l'un des fils rouge serait l'interrogation sur la condition féminine. The Weak and the Wicked (1954) dépeignait ainsi le quotidien de détenues, Yield to the Night
(1956) creusait le même sillon en dépeignant le destin d'une condamnée à
mort (les deux films tant notamment interprétés par Diane Dors) tandis
que No Trees in the Street (1958) s'attardait sur l'avant, cette fange et ces tentations qui pourraient conduire l'héroïne à se perdre. Woman on a dressing gown délaisse les jeunes filles perdues pour s'attarder sur la torpeur du couple.
Le
mariage d'Amy (Yvonne Mitchell) et Jim Preston (Anthony Quayle)
s'enlise ainsi après vingt ans de vie commune. Cela ne se ressentira pas
par le conflit mais par la médiocrité ambiante visible dès la scène
d'ouverture. Le domicile familial apparait ainsi désordonné, comme un
reflet de l'apparence négligée d'Amy arborant coiffure hirsute et robe
de chambre informe (d'où le titre du film) à longueur de journée. Amy
apparait comme une sorte de femme-enfant distraite et plus préoccupée
par ses émissions de musiques classiques à la radio plutôt que la tenue
de son foyer. Jack Lee Thomson n'accable pas son héroïne et fait au
contraire de ce désordre une sorte de manifestation inconsciente du
mal-être d'Amy qui s'oublie dans une dévotion aussi inconditionnelle que
maladroite envers son mari et son fils Brian (Andrew Ray).
Ainsi si
l'entrée en matière pourrait sembler machiste à dépeindre cette
maîtresse de maison indigne, l'attitude désinvolte de Jim soumettant
tacitement son épouse (pour son petit-déjeuner, pour lui recoudre un
bouton de chemise) alors qu'il se rend au travail donne une perspective
de la situation. Si Amy est dans le déni, Jim n'est que trop conscient
de la médiocrité de son existence et trouvera refuge dans les bras de
Georgie (Sylvia Syms), sa secrétaire plus jeune et follement amoureuse
de lui. De plus en plus pressé par Georgie de divorcer, Jim va
longuement hésiter et sa prise de décision va causer le chaos. Le
scénario de Ted Lewis (qui transposait là au cinéma son script
initialement tourné pour la télévision l'année précédente) se situe
durant cette journée où les masques tombent et l'équilibre habituel
vacille. Jack Lee Thomson film le foyer comme une prison à travers
différentes idées formelles.
Les barres du montant du lit conjugal
semble comme former des barreaux par es cadrages choisis, le capharnaüm
ambiant donne un sentiment d'encombrement permanent et claustrophobe et
surtout la dévotion empressée d'Amy rend l'atmosphère étouffante pour
Jim jamais dans les bonnes conditions pour faire son aveu fatal. La
scène où il se résigne à le faire témoigne de ces choix esthétiques de
Jack Lee Thomson, Jim étant filmé assis et de dos pour signifier sa
lâcheté et la douleur de l'aveu (lâché dans un soupir) tandis qu'Amy une
nouvelle fois s'agitait en tous sens et déblatérant à tout va comme
pour combler le vide - comme pour l'empêcher inconsciemment de prononcer
ces mots douloureux pour elle.
Le parallèle entre l'élégance, la beauté
et l'éducation de Georgie offre un parallèle cruel à Amy, l'amour
sincère de chacune tirant le héros vers le haut ou vers le bas, vers un
futur heureux et libéré ou vers un présent sinistre chargé de
responsabilité. Yvonne Mitchell se met à nu comme rarement, l'extrême
sensibilité de son personnage surmontant tout ce qu'il pourrait avoir de
caricatural. Aucune humiliation ne lui sera épargné, son allure
quelconque étant encore plus abîmée une fois la béquille de son couple
menacé dans une scène sa seule réponse sera de se faire belle et
d'arranger son appartement. Les éléments se liguent contre elle comme
une fatalité à sa médiocrité (la pluie gâchant sa coiffure, une table
fragile gâchant ses velléités d'ordre) et la font sombrer dans un
profond désespoir. Anthony Quayle est remarquable aussi en homme déchiré
dans ses aspirations et Sylvia Syms rend très touchante aussi cette
jeune femme tiraillée entre culpabilité et amour. Jack Lee
Thompson évite le piège du théâtre filmé malgré une intrigue se
déroulant pour l'essentiel dans un appartement exigu et explore si bien
sa problématique qu'aucune solution n'apparait réellement juste. Si la
conclusion paraitra sans doute très moralisatrice, le propos est plus
subtil puisque laissant apparaître comme partagées les raisons du
délitement du couple. En apparence la responsabilité incombe à la
négligence d'Amy mais plus concrètement c'est l'effacement de Jim qui
aura causé cette lente déchéance.
Le film offre un beau portrait de la
famille anglaise traditionnelle d'alors, où le non-dit domine dans les
maux/mots qui s'ignorent que dans la chaleur timidement retrouvée de la
scène finale. Dès lors impossible de réellement savoir si l'on a assisté
à un happy-end et si les choses pourraient réellement aller mieux pour
les protagonistes. Le film rencontrera un grand succès et sera auréolé
de nombreuses récompenses (meilleur film et Ourse d'argent de la
meilleur actrice pour Yvonne Mitchell au Festival de Berlin, un Golden
Globe du meilleur film en 1958) et est considéré par la critique
anglaise à la fois comme précurseur du kitchen sink drama et une sorte de pendant réaliste et plus cru du Désert Rouge (1964) d'Antonioni.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez StudioCanal et doté de sous-tires anglais
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