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lundi 13 novembre 2017

Les Femmes des autres - La rimpatriata, Damiano Damiani (1963)


C’est le temps des souvenirs pour une bande d’amis qui se retrouvent après de nombreuses années de séparation. Tous approchent de la quarantaine et souhaitent, au cours d’une soirée, retrouver le goût de l’insouciance de leur jeunesse. Mais au fil des heures, les souvenirs plus ou moins heureux s’égrènent, apportant peu à peu une tension dramatique à cette réunion d’amis…

Les Femmes des autres est un des premiers films de Damiano Damiani dont la teneur plus intellectuelle en fait une œuvre assez étonnante dans une filmographie par la suite bien plus portée vers le cinéma de genre. Pourtant même dans ses œuvres plus ouvertement grand public, Damiani faisait preuve d’une conscience politique exacerbée comme le western Zapata El Chuncho (1966) ou le polar Confession d'un commissaire de police au procureur de la république (1971). Ici il va s’attacher à dépeindre la réunion d’un groupe d’amis milanais. Tous représente une réussite bourgeoise et arrivistes typique de cette génération post Deuxième Guerre Mondiale et ayant profité des largesses du boom économique. Alberto (Francisco Rabal), Sandrino (Riccardo Garrone), Nino (Riccardo Garrone) et Livio (Paul Guers) ont ainsi respectivement réussis dans le milieu des affaires, de l’industrie du bâtiment ou encore en tant que médecin prestigieux. Les retrouvailles sont donc sources de rires et de souvenirs graveleux mais tous sont hantés par le souvenir du plus brillant d’entre eux, Cesarino (Walter Chiari), celui qui n’a pas réussi et qu’ils ont abandonnés à son sort. Pris d’une impulsion, il décide d’aller le retrouver dans le cinéma qu’il gère dans un quartier populaire de Milan.

Tous le récit montrera le fossé séparant Cesarino de ses anciens amis, tant dans la réussite sociale que dans une noblesse de caractère jamais estompée. Lorsque le groupe décide de se lancer dans une soirée de drague en souvenir du bon vieux temps, la douce poésie de Cesarino fait tâche avec la lourdeur misogyne de ses compagnons. Tout comme au temps de leur jeunesse ces derniers héritaient de ses anciennes conquêtes, c’est l’observateur Cesarino qui les aiguille vers les clientes de son cinéma dont il a su voir gouts et manque affectifs mais systématiquement la balourdise du groupe vient gâcher les possibles rapprochements. Damiani scrute ces échecs avec amusement en croquant des figures farfelues comme cette blonde simplette ne pensant qu’à rentrer avant le couvre-feu de son frère. Parfois la brutalité de ces hommes aux mœurs d’un autre âge ressurgit comme durant une scène d’amour où Alberto se montre lourdement insistant pour coucher avec la douce Carla (Letícia Román). Par sa douceur de caractère et son empathie, Cesarino se montre attachant même quand il se lance dans un numéro de séduction téléphonique farfelu. Quand ses compagnons se croient tout permis par leur statut d’homme et leur réussite sociale, Cesarino se démarque toujours par sa nature rêveuse que savent voir les femmes sous la carapace séduisante.

Dans ce schéma le scénario réserve de sacrées surprise pour retourner le supposé échec social et intime de Cesarino à son avantage par rapport à ses amis nantis. Quand chacun se confiera sur ses difficultés matrimoniales (et qui dans un pur réflexe machiste garderont la « maman » à domicile pour aller chercher la « putain » dans les aventures de passages) le foyer libertaire de Cesarino s’avérera le plus équilibrés. Chacune des jeunes femmes embarquées dans la virée nocturne fini par voir le vrai visage de ces hommes méprisables, trouvant en Cesarino la vraie oreille attentive qui peut les aimer ou les guider vers celui qui les convient – la blonde naïve mise dans les bras du prolo écorché vif joué par Gastone Moschin. 

Finalement rien n’a changé, Cesarino domine ses camarades qui en dépit de leur réussites financière ne peuvent que le jalouser. On devine alors les motifs de la rupture passée, le trop doux Cesarino ne pouvant se confronter au cynisme de ses anciens amis. La noirceur du final voit donc le groupe se délecter des maux de Cesarino, victime de sa sensibilité à fleur de peau. Pas de place en ce monde pour les âmes plus vulnérable, même s'il semble que le vrai bonheur leur semble bien destiné. Une grande prestation de Walter Chiari, jamais aussi bon que dans cette normalité tranquille.

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo 

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