C’est le temps des
souvenirs pour une bande d’amis qui se retrouvent après de nombreuses années de
séparation. Tous approchent de la quarantaine et souhaitent, au cours d’une
soirée, retrouver le goût de l’insouciance de leur jeunesse. Mais au fil des
heures, les souvenirs plus ou moins heureux s’égrènent, apportant peu à peu une
tension dramatique à cette réunion d’amis…
Les Femmes des autres
est un des premiers films de Damiano Damiani dont la teneur plus intellectuelle en fait une œuvre assez étonnante dans
une filmographie par la suite bien plus portée vers le cinéma de genre.
Pourtant même dans ses œuvres plus ouvertement grand public, Damiani faisait
preuve d’une conscience politique exacerbée comme le western Zapata El Chuncho (1966) ou le polar Confession d'un commissaire de police au procureur de la république (1971). Ici il va s’attacher à dépeindre la
réunion d’un groupe d’amis milanais. Tous représente une réussite bourgeoise et
arrivistes typique de cette génération post Deuxième Guerre Mondiale et ayant
profité des largesses du boom économique. Alberto (Francisco Rabal), Sandrino (Riccardo
Garrone), Nino (Riccardo Garrone) et Livio (Paul Guers) ont ainsi
respectivement réussis dans le milieu des affaires, de l’industrie du bâtiment
ou encore en tant que médecin prestigieux. Les retrouvailles sont donc sources
de rires et de souvenirs graveleux mais tous sont hantés par le souvenir du
plus brillant d’entre eux, Cesarino (Walter Chiari), celui qui n’a pas réussi
et qu’ils ont abandonnés à son sort. Pris d’une impulsion, il décide d’aller le
retrouver dans le cinéma qu’il gère dans un quartier populaire de Milan.
Tous le récit montrera le fossé séparant Cesarino de ses
anciens amis, tant dans la réussite sociale que dans une noblesse de caractère
jamais estompée. Lorsque le groupe décide de se lancer dans une soirée de
drague en souvenir du bon vieux temps, la douce poésie de Cesarino fait tâche
avec la lourdeur misogyne de ses compagnons. Tout comme au temps de leur
jeunesse ces derniers héritaient de ses anciennes conquêtes, c’est l’observateur
Cesarino qui les aiguille vers les clientes de son cinéma dont il a su voir
gouts et manque affectifs mais systématiquement la balourdise du groupe vient
gâcher les possibles rapprochements. Damiani scrute ces échecs avec amusement
en croquant des figures farfelues comme cette blonde simplette ne pensant qu’à
rentrer avant le couvre-feu de son frère. Parfois la brutalité de ces hommes
aux mœurs d’un autre âge ressurgit comme durant une scène d’amour où Alberto se
montre lourdement insistant pour coucher avec la douce Carla (Letícia Román).
Par sa douceur de caractère et son empathie, Cesarino se montre attachant même
quand il se lance dans un numéro de séduction téléphonique farfelu. Quand ses
compagnons se croient tout permis par leur statut d’homme et leur réussite
sociale, Cesarino se démarque toujours par sa nature rêveuse que savent voir
les femmes sous la carapace séduisante.
Dans ce schéma le scénario réserve de sacrées surprise pour
retourner le supposé échec social et intime de Cesarino à son avantage par
rapport à ses amis nantis. Quand chacun se confiera sur ses difficultés
matrimoniales (et qui dans un pur réflexe machiste garderont la « maman »
à domicile pour aller chercher la « putain » dans les aventures de
passages) le foyer libertaire de Cesarino s’avérera le plus équilibrés. Chacune
des jeunes femmes embarquées dans la virée nocturne fini par voir le vrai
visage de ces hommes méprisables, trouvant en Cesarino la vraie oreille
attentive qui peut les aimer ou les guider vers celui qui les convient – la blonde
naïve mise dans les bras du prolo écorché vif joué par Gastone Moschin.
Finalement rien n’a changé, Cesarino domine ses camarades qui en dépit de leur réussites
financière ne peuvent que le jalouser. On devine alors les motifs de la rupture
passée, le trop doux Cesarino ne pouvant se confronter au cynisme de ses
anciens amis. La noirceur du final voit donc le groupe se délecter des maux de
Cesarino, victime de sa sensibilité à fleur de peau. Pas de place en ce monde
pour les âmes plus vulnérable, même s'il semble que le vrai bonheur
leur semble bien destiné. Une grande prestation de Walter Chiari, jamais aussi
bon que dans cette normalité tranquille.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo
Extrait
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