Ted Hutchens, attaché à l'ambassade américaine à
Londres, s'éprend d'Anna, la fille d'Anton Szobeck, un diplomate
soviétique. Leurs chancelleries respectives les espionnent, soupçonnant
l'un et l'autre de trahir leur pays.
Anthony Asquith signe un mélodrame poignant avec ce beau The Young Lovers. L'ombre de la grande romance du cinéma anglais Brève Rencontre
de David Lean (1945), plane sur le film à travers plusieurs éléments.
Dans le classique de David Lean, l'ombre d'une société anglaise
inquisitrice façonnait une romance ardente et essentiellement intérieure
reposant sur le regret pour son couple illégitime. Dix ans plus tard The Young Lovers
étend cette problématique à une échelle plus vaste avec cet amour
impossible sur fond de Guerre Froide entre Ted Hutchens (David Knight)
attaché à l'ambassade américaine à Londres et Anna (Odile Versois) fille
de diplomate russe. Le contexte politique et la dimension d'espionnage
sont volontairement peu fouillés et sommaire, ne sert que de contrepoint
oppressant à la romance entre Ted et Anna. Tout au long du film,
Anthony Asquith s'applique à façonner une forme de monde intérieur pour
ses amants, d'abord épanoui et simple cocon face à l'environnement
londonien solitaire pour eux puis face à leurs chancellerie qui les
épient et empêchent de s'aimer.
Les premières minutes sont à ce titre magnifique de romanesque purement
formel. Le montage alterné capture ainsi les personnages dans leur
isolement, silhouettes solitaires perdues dans l'urbanité londonienne
foisonnante (pour Ted) ou désertique (pour Anna) tous deux en chemin
pour assister à une représentation du Lac des Cygnes.
Leur émotion commune face au ballet les réunis, Asquith par un léger
panoramique accompagnant le regard de Ted quittant la scène pour
s'attarder sur le visage en larmes de sa voisine (le lac des cygnes
ayant un lien douloureux à son passé comme on l'apprendra). Les deux
séquences suivantes poursuivent cette idée, d'abord en établissant la
communication entre eux dans le hall vide du théâtre, puis le verre
échangé en tête à tête dans un pub. Asquith les isole du monde qui les
entoure par ce jeu sur l'espace, soit en se focalisant sur leur visage
et sentiments changeant, soit en estompant littéralement l'extérieur
avec un premier baiser mis valeur par un travelling avant qui rend
presque abstrait l'arrière-plan du joueur d'accordéon dans le bar. Tout
le film sera pour les amoureux une poursuite de ce moment, de récréer
cet espace intime commun malgré l'opposition des blocs qui les dépasse.
Dès lors Anthony Asquith alterne la froideur des étouffantes diplomaties
américaines et russes avec une vraie flamboyance visuelle et sensualité
explicite des héros. La continuité avec Brève Rencontre
opère avec à nouveau un leitmotiv musical romanesque tout au long du
récit (Le lac des cygnes pour le film d'Asquith, le concerto pour piano
n° 2 de Rachmaninov chez Lean) mais Asquith inverse l'esthétique
intimiste claustrophobe de son modèle, porté par la jeunesse et la
fougue de ses personnages loin de la résignation des adultes usés de
David Lean et Noel Coward. Le point central de cette approche sera
l'union charnelle des amoureux dans l'appartement de Ted, renforcée par
l'intrusion momentanée d'éléments extérieur (quand l'intrus suffisait à
refroidir les semblants d'élans physique dans une scène voisine dans Brève rencontre)
et l'horizon s'étendant littéralement pour eux avec cette pleine lune
accompagnant leur étreinte. Un des aspects passionnant du film est le
regard suspicieux des diplomaties sur l'union et la manière dont il
s'exprime.
Si chacun des héros est épié par ses pairs, chez les russes
les masques tombent vite et le déchirement est filial pour Anna face un
père (David Kossoff) qui a toujours tout sacrifié à la cause même si
cela devait faire souffrir sa famille. Pour Anna cet amour est ainsi une
émancipation et une manière d'exprimer à son père ce que sa carrière a
coûtée à sa vie personnelle, le tout dans une grande finesse dénuée de
manichéisme. A l'inverse la pure paranoïa règne chez les américains qui
épient le faux pas potentiel de Ted, interprétant sous cet angle les
manifestations d'amour à distance entre lui et Anna (ce poème
téléphonique décrypté comme un code secret). Sur tous ces points le film
constitue un beau précurseur du superbe et trop méconnu The Tamarind Seeds
de Blake Edwards (1974), tout aussi romantique mais plus virtuose et ironique
dans sa vision des jeux d'espions (la phrase finale d'Anna est presque la note d'intention du film de Blake Edwards).
Dès lors le suspense final fonctionne comme une parfaite illustration de
cette opposition. La fougue, le mouvement perpétuel et les grands
espaces déployant au fil de la fuite des fugitifs (toujours avec cet
isolement suspendu comme les retrouvailles dans le train) fonctionnent à
l'inverse des intérieurs figés, des mines taciturnes et immobiles des
poursuivants qui ne peuvent suivre le rythme. C'est la force des
sentiments qui décloisonne symboliquement (les inserts sur les flots de
vagues durant la scène d'amour) puis concrètement cet espace et ouvre
l'horizon des personnages. Un superbe œuvre romantique portée de plus
par deux interprètes habité, en particulier la française Odile Versois
dont la belle photo de Jack Asher n'a de cesse de mettre en valeur le
moindre frémissement.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez ITV et sans sous-titres anglais
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