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samedi 10 mars 2018

Les Fiancés - I fidanzati, Ermanno Olmi (1963)


De longues fiançailles et la routine quotidienne ont fait de Jean un homme peu amoureux. Mais cet amour se revivifie lorsque Jean doit accomplir un stage d'ouvrier spécialisé loin de sa fiancée.

Les Fiancés vient conclure la trilogie que forment les premiers films d’Ermanno Olmi avec Le Temps s’est arrêté (1959) et Il Posto (1961). Chacun des films offrait un habile mariage entre le passif documentaire du réalisateur (dans le film d’entreprise au sein de la société Edison Volta) et le romanesque de son choix de la fiction, l’intime des protagonistes se confrontant au réalisme du monde de l’entreprise. Il Posto montrait justement le cadre et les codes de l’entreprise comme un obstacle à la romance possible de deux jeunes gens, le quotidien et la proximité professionnelle factice constituant un fossé inéluctable.

Les Fiancés tout en creusant le même sillon inverse cette construction. Ce sont à travers des éléments de l’intime que se crée cette fois cette distance. C’est dans un lieu de convivialité, une salle de bal, que s’illustre l’usure du couple formé par Giovanni (Carlo Cabrini) et Liliana (Anna Canzi). On observe la salle timidement s’animer, nos héros s’y immiscer presque anonymement et sans que les évènements ne les mettent particulièrement en avant. Silencieux lorsqu’ils sont attablés côte à côte, c’est au bras d’un(e) autre qu’il investisse la piste de danse. L’usure et l’habitude du couple est palpable avant que la narration en kaléidoscope nous fasse comprendre cette froideur. Giovanni a obtenu une promotion qui l’oblige à s’exiler de Milan à la Sicile pour 18 mois, prolongeant encore les déjà trop longues fiançailles avec Liliana. Le montage alterné oscille donc entre le ressentiment que suscite cette nouvelle pour Liliana, mais laisse éclater au grand jour la lassitude du couple figés par les habitudes. Ce montage sert ainsi à survoler et faire un comprendre un état de fait (Giovanni répondant qu’il n’est pas marié et n’a donc pas d’attache quand son patron l’interroge avant de lui proposer le poste), la séparation se faisant avec un relatif détachement. 

 Dès que Giovanni arrive en Sicile, la temporalité se transforme. L’environnement pesant, sauvage et inconnu sicilien dépayse et interroge tant dans le regard curieux de Giovanni que celui condescendant de ses collègues qui symbolise cette fameuse opposition nord/sud italienne. Le quotidien se fait plus long entre la monotonie du trajet et le travail à l’usine et la solitude guette lors des rares moments de temps libres. Olmi isole la silhouette de Giovanni dans les salles de repas d’hôtels, les méandres de la ville ou les modestes chambres de pensions. Il peut également le faire disparaître dans la nasse, que ce soit les scènes d’usine où il n’est qu’un maillon de la chaîne où le perdre dans une séquence festive qui le place ainsi à distance des mœurs locales. Les perspectives professionnelles semblent d’ailleurs bien moins intéressantes au détour de certains dialogues.

Livré à lui-même Giovanni a donc le temps de réfléchir à sa relation interrompue avec Liliana et enfin regretter son absence. Olmi laisse longuement se dérouler « l’errance » du personnage pour ne faire ressurgir le souvenir de Liliana qu’au détour d’une timide lettre qu’elle lui adresse au bout de plusieurs mois de séparation. Le réalisateur croise alors la narration elliptique du début du film et le naturalisme de la partie sicilienne pour créer une forme de dialogues à distance entre les fiancés. Le rapprochement se fait dans la manière de ressentir ce dialogue, d’abord dans une voix-off à la première personne du contenu des lettres puis carrément dans des champs contre champs onirique où les fiancés échangent enfin à cœur ouvert. 

La promiscuité et le quotidien avaient finis par faire de leur relation un objet sans but reposant sur l’habitude, la séparation est un choc qui va paradoxalement les rapprocher. Les images de bonheur et de mauvais moments passés entrecoupent où accompagnent cet échange, tous ces souvenirs signifiant ce qui les unit et le manque qu’ils ressentent chacun. Les dernières minutes sont d’une grande beauté formelle pour traduire cette émotion, Olmi entérinant pourtant cela dans un sobre et touchant échange téléphonique. Touchant et subtile, une magnifique réussite. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

 

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