Rossignol, un jeune Français
arrive à Bombay, à la recherche de Xavier, un ami proche disparu depuis peu sur
place. Il part sur ses traces, voyageant à travers une Inde déroutante, se
rapprochant à chaque étape un peu plus de son ami.
Si la fresque Fort
Saganne (1984) avait permis à Alain Corneau de sortir du registre du polar,
c’est véritablement avec Nocturne Indien
qu’il pourrait montrer une autre facette de sa personnalité. Profondément
marqué par un voyage qu’il effectua en Inde, Corneau s’intéressait depuis
grandement à divers pan de cette culture, sans forcément envisager d’en tirer
un film. La donne change lorsqu’il découvrira le roman Nocturne Indien de d'Antonio Tabucchi paru en 1987.
Dans son adaptation, Corneau n’a pas la prétention de
retranscrire la réalité indienne mais cherche à capturer la perte de repères
que représente le contact avec l’Inde pour l’étranger. L’intrigue à la fois
simple et nébuleuse suit donc Rossignol (Jean-Hugues Anglade) à la recherche d’un
ami disparu en Inde. C’est un jeu de piste où l’objet insaisissable de la quête
compte moins que les diverses et mystérieuses rencontres que fera notre héros.
Corneau recherche le dépaysement par l’atmosphère et les sensations de
Rossignol plutôt que l’imagerie touristique attendue. Cela donne une dimension
contemplative, intimiste et solennelle où le réalisateur appuie par des plans
fixe figeant les personnages dans des tableaux vivants, Rossignol se fondant au
sein du décorum ou alors gardant son statut d’être de passage qui observe à
distance les soubresauts du quotidien indien.
Notre héros traverse le film comme dans un rêve, l’incongruité
et l’étrangeté des rencontres baignant dans les nuances subtiles de la photo d’Yves
Angelo où chaque échange sert la quête effective comme intérieure. Pour la
première il ne faut relever que les indices qui mènent Rossignol d’un lieu à un
autre et la seconde passe par des dialogues explorant sa nature profonde. Le
vieil homme dans le train démontre une profonde connaissance de la mystique
indienne sans pour autant avoir l’avoir traversé géographiquement, une
connexion culturelle se fait avec un érudit tandis que qu’une monstrueuse et
touchante voyante révèle la dualité présent/absent de Rossignol. Le personnage
apparait tour à tour candide et en pleine découverte puis étonnamment lucide
(la manière dont il comprend qu’un taxi l’emmène dans la mauvaise direction) et
assuré.
On s’égare entre le poursuivant et le poursuivi qui sont
peut-être une seule et même personne. Les accords de Frantz Schubert ((le 2e
mouvement du Quintette en U qui tourne en boucle) apportent un décalage
bienvenu aux environnements indien (notamment cet envoutant travelling vers une
statue de Shiva) et symbolise le moi intérieur de Rossignol, acteur et
spectateur de son aventure. L’épilogue appuie cela dans le récit qu’il fait de
son voyage à Clémentine Célarié, cette présence et le retour de la langue
française ramenant le personnage à sa nature de touriste (le film s’achevant à
la très visitée Goa). Corneau respecte l’ouvrage de Tabucchi en nous laissant
dans l’expectative et les multiples interprétations possibles. La prestation
habitée de Jean-Hugues Anglade (fortement marqué par l’expérience) n’est pas
pour rien dans le pouvoir de fascination du film qui autorise définitivement
Corneau à une plus grande versatilité (le célébré Tous les matins du monde qui
suivra le confirmera).
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
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