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mardi 24 septembre 2019

Venez donc prendre le café... chez nous ! - Venga a prendere il caffè... da noi, Alberto Lattuada (1970)


Paronzini recherche un plan idéal pour contracter un mariage avantageux. Il le trouve grâce à trois vieilles filles, enrichies par l'héritage de leur père décédé. Invité à boire le café dans leur confortable villa, Paronzini épouse Fortunata, mais il est bientôt contraint de les satisfaire toutes les trois...


Alberto Lattuada fait une nouvelle fois montre de la brillante versatilité de son talent avec cette merveille de comédie italienne. Venga a prendere il caffè... da noi est une adaptation libre du roman La Spartizione de Piero Chiara paru en 1964. Lattuada y apporte cependant des modifications majeures qui en changent la portée. Le roman se situe à l’ère fasciste tandis que le cadre du film est contemporain, le héros vétéran de la Première Guerre Mondiale en devenant un de la Seconde. Plus globalement, la satire politique qu’offrait la période du roman devient plus nettement sociale avec le changement d’époque.

Lattuada confronte le machisme ordinaire des hommes comme des institutions avec leur époque plus libérée et livre un message sarcastique mais également féministe. Fortunata (Angela Goodwin), Tersilla (Francesca Romana Coluzzi) et Camilla (Checco Durante) sont trois vieilles filles fortunées et fraîchement orphelines de leur père. Chacune d’elle véhicule de manière pathologique un mélange de terreur et d’attirance pour les choses du sexe, leurs existences isolée à la fois sous le joug de leur père mais aussi dans cette ville provinciale du nord de l’Italie ne leur ayant pas permis de véritable contact avec les hommes. Cela fait d’elle des cibles de choix pour les coureurs de dot les plus divers et médiocres. Paronzini (Ugo Tognazzi) est l’un d’entre eux, vétéran de guerre blessé masquant sous une attitude vénérable un savant gout du calcul. Lattuada le caractérise de multiples maniérismes proprement ridicule supposés asseoir cette prétendue dignité à travers des aphorismes de pique-assiettes comme ses besoins primaires qu’il définit par les trois C : caresses, chaleur, commodité. 

Si pathétique que puisse paraître ce personnage de petit fonctionnaire fier de sa personne, cette présence masculine suffit à impressionner les trois sœurs dont il parvient à pénétrer le cercle.
A cette masculinité bourgeoise risible, Lattuada en ajoute une prolétaire tout aussi détestable avec le jeune voisin brocanteur en faillite qui espère se refaire en séduisant Tersilla qu’il surnomme son « Titien ». On s’amuse du plan d’action « militaire » de Paronzini repérant, traquant puis approchant ses proies, scrutant leurs failles pour mieux les séduire quand le voisin en appelle à une séduction et un appel aux bas-instincts plus agressifs. Les trois sœurs sont caractérisées dans leur rigidité par des éléments physiques et vestimentaires qui iront en s’estompant, se transformant. La sensualité de l’aînée Fortuna se révèle quand sa coiffe rigide révèle peu à peu une chevelure d’une impressionnante longueur qui se déploie lors de ses ébats avec Paronzini. 

Tersilla affiche une taille sculpturale et gauche dont la gêne s’efface avec la découverte des plaisirs de la chair tandis que les attitudes agitées de Camilla vont en s’apaisant dans les bras d’un homme. Les héroïnes sont tout d’abord soumises aux mœurs de leurs amants, que ce soit le rituel encore une fois militaire avec lequel Paronzini retire les chemises de nuits de ses maîtresse ou plus brut de décoffrage les assauts de chien en chaleur du brocanteur sur Tarsilla. Lattuada inverse le rapport de force par la composition de plan et la position des amants lors des scènes d’amour. Paronzini au fil des étreintes ne s’impose plus aux vieilles filles et c’est au contraire leur libido libérées qui semblent l’écraser. On l’observe dans des plans où les jambes et autres formes féminines enferment, écrasent Paronzini dans le cadre, le plaçant à son tour dans une posture de soumission.

Bien que furtive la charge contre l’église n’en est pas moins virulente avec une institution préférant masquer les apparences des moyens indignes (une lettre anonyme servant un guet-apens honteux) ou une façade qui constituerait une prison de plus pour les femmes. Les hommes chuteront par leur présomption machiste, le brocanteur trop sûr de sa séduction et Paronzini de ses capacités sexuelles menant la « campagne » de trop en cherchant à entreprendre la jeune et jolie domestique. C’est finalement lui qui sera vidé par la vigueur enfin libérée des figures féminines et en écho ironique, la scène finale répond à un leitmotiv visuel du film (Paronzoni paradant comme un coq en ville au bras des trois sœurs) où les sœurs trimballent la loque qu’est désormais Tognazzi en arborant enfin des tenues sexy de jeunes femmes de leur temps.

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

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