Pages

jeudi 2 janvier 2020

First Love, le dernier Yakuza - Hatsukoi, Takashi Miike (2019)


Tokyo, la nuit. Leo, un jeune boxeur, rencontre son « premier amour », Monica, une callgirl toxicomane. Elle est involontairement impliquée dans un trafic de drogue. Toute la nuit, un policier corrompu, un yakuza, son ennemi juré et une tueuse envoyée par les triades chinoises, vont les poursuivre.

Un bon cru pour le toujours très inégal Takashi Miike qui nous emmène dans un joyeux jeu de massacre avec First Love. Le film est une sorte de voyage vers la pureté dans la progression de son intrigue et le développement de ses personnages, tous auréolés d’une faille physique et/ou morale : un jeune boxeur (Masakata Kubota) condamné par une tumeur au cerveau, une jeune femme prostituée (la star pop Becky pour son premier rôle au cinéma) pour rembourser les dettes de son père, un policer corrompu (Nao Omori), un dealer ou encore un jeune yakuza aux dents longues. Du fait que cette faille soit subie ou volontaire entraînera certaines interactions des protagonistes dans une folle nuit où le vol d’une cargaison de drogue va entraîner un féroce jeu de massacre.

Miike ose les hasards aussi incongrus que poétiques pour rapprocher le boxeur et la jeune prostituée mais toujours articulés par un motif dramatique tandis que ces mêmes jeux du destin enfoncent les figures négatives. On baigne dans la comédie noire façon frères Coen chez les yakuzas à la sauce Miike, avec toute cette galerie de personnages déjantés et stupides. Cette dimension grotesque permet de suivre avec un plaisir jubilatoire les méchants trop sûrs d’eux qui perdent pied, notamment Kase (Shota Sometani), le yakuza juvénile dont les atours glamour s’effondrent peu à peu pour le rendre de plus en plus pathétique. Les gags pleuvent dans des mises à morts grotesques et Miike ne réserve une forme d’épure qu’à son couple de héros juvéniles dont les maux se répondent. Leo le boxeur sort de sa torpeur et prend tous les risque pour la prostituée, car se sachant condamné quand cette dernière s’abandonne à ses divers oppresseurs jusqu’à l’arrivée de ce sauveur inattendu. 


Ce voyage vers la pureté porte le film à travers différentes strates. Le début nous montre des yakuzas contemporains, brutaux et sans scrupules face à la concurrence bien réelle des triades chinoises prenant le pas dans le monde du crime tokyoïte – le personnage du jeune yakuza ambitieux illustre cette situation. On revient pourtant à la figure chevaleresque du yakuza une fois que les aléas du récit nous auront débarrassé des brebis galeuses avec le personnage du chef yakuza fraîchement sorti de prison. Un dialogue sur son dégoût du trafic de drogue souligne cet idéalisme moral fantasmé du yakuza, tout comme son comportement final héroïque. Miike l’explicite dans une touche aussi référentielle que bis avec son affrontement au sabre avec un gangster chinois sabreur manchot. 

Cet élément achève de faire basculer le film dans le fantasme bis et surtout dans le conte moderne sanglant façon True Romance pour ce qui relève du couple de héros. Ainsi, non content d’échapper à la horde de criminels qui les traque, ils le font par une superbe idée de cinéma avec une cascade improbable filmée en séquence d’animation. Miike aura beau jouer les cyniques détachés en justifiant son choix par le manque de cascadeurs japonais aptes à réaliser la prouesse en live (et dans le film, un dialogue décalé sur la qualité des autos japonaises) on sent bien que cette fuite définitive du réel est là pour sauver les personnages par la magie du cinéma. Le meilleur film de son auteur depuis bien longtemps, une belle surprise !

En salle 

1 commentaire: