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dimanche 12 juillet 2020

L'Affaire Maurizius - Julien Duvivier (1954)

Fils du grand procureur Andergast (Charles Vanel), Etzel veut réviser le dossier Maurizius dont la condamnation repose sur des présomptions. Ce dossier a permis à son père, 18 ans auparavant, de se lancer dans une grande carrière, mais Etzel veut en avoir le cœur net.

L'Affaire Maurizius est une œuvre curieuse pour Julien Duvivier, partagée entre son sujet de film à thèse et le traitement stylisé du réalisateur. Le récit (adapté du roman éponyme de Jakob Wassermann) prend presque pour prétexte son thème initial de l'erreur judiciaire pour servir le caractère névrotique et obsessionnel des personnages. Dès la scène d'ouverture où le jeune Etzel (Jacques Chabassol) si féru de justice qu'il ira jusqu'à endosser seul la punition envisagée pour sa classe après un mauvais tour à un professeur. Il aura l'occasion de mettre en pratique cette droiture en enquêtant sur l'affaire Maurizius (Daniel Gélin), un homme condamné sans preuves concrètes par le propre père d'Etzel (Charles Vanel), un procureur dont la carrière s'est faite grâce à cette plaidoirie. La narration brillante multiplie les points de vue et enchâsse habilement les points de vue pour nous faire découvrir progressivement les tenants et aboutissants du dossier. C'est là que se révèle le projet de Duvivier avec une suite de personnages obsessionnels.

Tous partent d'une normalité où cette nature se dissimule avant de brutalement surgir et affecter leur allure physique. L'obsession du père de Maurizius (Denis d'Inès) est d'innocenter son fils et l'élégant homme vu en flashback laisse place au présent à un vieillard tremblant et rongé de remord. Waremme (Anton Walbrook), meilleur ami de Maurizius mais qui précipitera sa chute par un témoignage accablant, laisse également voir un visage passé séduisant avant que l'obsession amoureuse et ce même remord en fasse une figure inquiétante et excentrique (aux faux airs de Monsieur Hire d'ailleurs). Il en va de même pour Maurizius dont l'aveuglement sentimental ne lui fera pas deviner celle qui est la cause de ses malheurs, et qui le perdra par un même amour névrotique et coupable qu'elle préfèrera faire enfermer plutôt que de l'assumer.

Enfin Etzel quand il se rendra que les méandres complexes de la justice ne peuvent répondre à son idéal, aura une réaction hystérique qui inscrit sa quête dans une dimension plus pathologique que morale. Hormis le père de Maurizius, on constate d'ailleurs que le déséquilibre et l'obsession des personnages s'incarne dans la poursuite d'une femme (Eleonora Rossi Drago troublante) ou naît justement de l'absence de femme (Etzel qui a grandi sans mère ni affection). C'est paradoxalement la figure glaciale de procureur que joue Charles Vanel, moins soumise à ses émotions, qui fait preuve de recul et d'autocritique, cherchant à réparer son erreur de jugement initiale une fois le doute installé mais sans s'être morfondu pour autant.

Cette approche psychologique a pour défaut de parfois laisser le casting en roue libre pour exprimer ses névroses. La charge est donc un peu lourde notamment sur Waremme dont on suggère les penchants pédophiles (sans parler de l'atmosphère crypto-gay de ses scènes avec Etzel) et de manière générale exprime trop souvent leur obsession par le verbe plutôt que la suggestion d'un jeu plus sobre. Cela passe à peu près pour les acteurs aguerris mais le jeune Jacques Chabassol trop tendre n'est guère convaincant. Tout cela est rattrapé par la mise en scène de Duvivier qui déploie avec brio toute la noirceur qu'on lui connaît. L'approche opératique répond à cette veine psychanalytique notamment dans les scènes de procès où les arrière-plans noir font du tribunal (superbe décor de Max Douy) un espace mental abstrait.

L'atmosphère est étouffante, le studio se devinant même dans les scènes d'extérieurs (Etzel traqué dans les rues de Berne en début de film) où s'impose aussi cette chape de plomb. La photo tout en clair-obscur contrasté de Robert Lefebvre renforce la tonalité grandiloquente et torturée par sa manière de révéler les compositions de plan suggestive (le flashback sur Eleonora Rossi Drago dénudée), les contre-plongées déroutantes. Tout cela culmine dans une stupéfiante dernière scène où un personnage est littéralement écrasé par ce passé et cette obsession, dont tous les méandres s'illustre par une rétroprojection déformée derrière lui. L’effet n'est certes pas très subtil, mais il exprime de façon saisissante toute la détresse et l'impossibilité à vivre du personnage. Les menus défauts n'en font un Duvivier majeur (coincé entre le populaire Le Retour de Don Camillo (1953) et le chef d'œuvre romantique Marianne de ma jeunesse (1955)) mais néanmoins une vraie œuvre digne d'intérêt.

Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont 

1 commentaire:

  1. Très bonne analyse. Effectivement, le jeune Jacques Chabassol est vraiment le point noir du film. Certaines scènes sont gênantes tant il est mauvais.

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