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vendredi 31 juillet 2020

Sin Nombre - Cary Fukanaga (2009)


Au Honduras, la jeune Sayra décide d'émigrer aux États-Unis avec son père et son oncle. Au Salvador, Casper appartient à une mara, un gang d’Amérique centrale. À la suite d'un règlement de comptes, Casper prend la fuite. Sur le toit du train qui part vers le nord, Sayra et Casper se rencontrent. Il fuit son passé criminel, elle espère un avenir meilleur.

Globe-trotter invétéré avant de lancer sa carrière cinématographique, Cary Fukunaga va notamment au cours de ses séjours en Amérique Latine s’intéresser au sort des migrants et de leurs périlleux périples pour gagner la terre promise des Etats-Unis. Par extension cela l’amène à étudier le fonctionnement des maras, ces dangereux gangs qui s’enrichissent sur le dos des migrants en leur servant de passeur ou alors en les dépouillant durant leur voyage. Il aborde  le sujet dans son second court-métrage Victoria para chino (2005), plusieurs fois primé et qui lui permettra de passer à la vitesse supérieure avec le plus ambitieux Sin Nombre.

Le récit met justement en parallèle les destins de deux personnages vivotant dans cette prison des gangs pour Casper (Edgar Flores), ou aspirant à une liberté ténue à travers l’exil pour les Etats-Unis avec la jeune migrante Sayra (Paulina Gaitán). L’aliénation et la violence du groupe est saisie avec intensité au sein de la mara où votre identité, vos aspirations sont noyés au détriment d’un collectif aux préceptes barbares offrant peu de perspectives. Casper tout en s’y pliant a une échappatoire avec sa petite amie Martha Marlene (Diana García), mais cette tendre respiration va également lui être violemment arrachée. En s'opposant à la mara et en tuant le chef de sa frange locale, Casper devient un être en sursis attendant la mort que lui infligeront ses anciens acolytes. Cependant dans son action il a sauvé Sayra du viol, et offert à celle-ci une perspective autre que matérielle quand à ce futur si elle arrive à destination.

Fukanaga oscille entre rigueur documentaire et naturalisme poétique tout au long du film. Il s’est fortement documenté sur les rituels des gangs et a également fait le voyage en train aux côté de migrants, du Honduras au Texas. L’urgence et le sentiment de danger sont palpable dans la mise en scène, l’accalmie des divers points d’arrêts contrebalançant à peine le regard subjectif de ses voyageurs constamment aux aguets de la police des frontières, des gangs ou même de leur compagnons d’infortunes. Les grands espaces traversés installent une tonalité plus contemplative et introspective qui rapproche Casper et Sayra, l’affection de la seconde donnant au premier une volonté nouvelle de vivre, autrement. Les quelques interludes intimistes fonctionnent très bien et font exister les personnages à travers des échanges simples et sincères. 

Le futur possiblement radieux fonctionne par le départ et le voyage pour certains, tandis qu’il n’existe que par le surplace et la fange pour d’autres. C’est le cas du pourtant encore enfant Smiley (Kristyan Ferrer) dont nous observons la brutale initiation au mal en début de film. La réussite pour lui c’est d’être accepté par la mara, en réalisant l’assassinat de Casper pour elle. Alors que les traits et les attitudes de Casper s’adoucissent, on verra en parallèle le visage poupin et innocent de Smiley s’aguerrir au mal, au déploiement de la violence, aux codes des gangs. Tout cela jusqu’à une conclusion marquante et emblématique du mélange de résignation et d’espoir du film. Une première œuvre marquante et la naissance d’un talent qui confirmera bien vite les promesses par la suite. 

Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo

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