Une jeune employée de
bureau, Ann Walton, ne cesse de fuir, tel un être traqué. Violée, à la veille
de son mariage, elle sillonne les routes sans but précis. Une entorse à la
cheville la cloue bientôt au sol et lui fait perdre connaissance. Elle est alors
recueillie par un pasteur, Bruce Ferguson, qui tente de lui redonner goût à la
vie.
Ida Lupino est une des rares femmes à être passée à la
réalisation durant l’âge d’or Hollywoodien. Déjà actrice en vue, elle s’intéresse
aux aléas de la production et de la réalisation et va ainsi monter sa compagnie
The Filmmakers au sein de laquelle elle pourra lancer des projets de son choix.
C’est lorsque le réalisateur d’un des films de la compagnie doit quitter le
tournage pour raison de santé que Lupino le remplace à la mise en scène et
signe son premier long-métrage Avant de t'aimer (1949). Sa carrière est
lancée et elle alternera sujet sociaux engagé et féministes avec des pépites du
film noir comme Le Voyage de la peur
(1953). C’est dans la première voie que s’inscrit Outrage qui traite
frontalement de la question du viol et de la reconstruction après un tel
traumatisme.
Le passif film noir d’Ida Lupino lui sert à amener
brusquement le drame après un début de film idyllique où l’on fait connaissance
avec la jeune Ann Walton (Mala Powers), son bonheur simple et les préparatifs
de mariage avec son fiancé Jim (Robert Clarke). L’horreur s’invite sans
prévenir un soir où Ann a fait quelques heures supplémentaires au bureau. L’environnement
bienveillant et lumineux du jour laisse place à un dédale urbain étouffant,
ténébreux et expressionniste à travers la photo stylisée d’Archie Stout. L’atmosphère
suffocante réduit les espaces, allongent les ombres, et rapproche
inexorablement la malheureuse proie Ann de son impitoyable prédateur, avant qu’il
commette l’irréparable en hors-champs.
Dès lors notre héroïne ne vivra plus que dans la peur. Peur
du contact d’un homme en qui elle verra toujours un agresseur potentiel, peur
du regard compatissant, inquisiteur ou honteux de son entourage qui la ramène
sans cesse à l’horreur qu’elle a subie. Le seul choix est de fuir, loin de cet
environnement et de cette identité qu’elle n’associe plus qu’à ce drame. Mais
la distance géographique ne suffit pas à éloigner une douleur profondément
intime. Mala Powers est formidable d’intensité par son jeu fébrile et à fleur
de peau. On ressent vraiment cette terreur constante du monde extérieur, à la
fois par la menace potentielle d’une nouvelle agression, mais surtout (et c’est
bien le plus triste) par l’opprobre et la honte qui rejaillit injustement sur
la victime et la fait paradoxalement se sentir honteuse.
Ida Lupino filme avec patience et douceur le retour à la vie
de son héroïne, aidée par la bienveillance du pasteur Ferguson (Tod Andrews).
On sent d’ailleurs ce regard féminin par l’absence de conventions du récit.
Tout concours à un rapprochement et une romance naissante entre Ann et son
bienfaiteur. Ce serait pourtant une nouvelle fois faire reposer son salut dans
les bras d’un homme, et c’est bien par elle-même qu’Ann doit se reconstruire et
reprendre sa vie en main. Lorsque l’histoire arrive au point où cette
convention sentimentale doit se concrétiser, tout cela est désamorcé même si
les sentiments réciproques de chacun sont plus ou moins décelables. Ferguson
est d’ailleurs assez intelligemment caractérisé, un homme doux et bienveillant
apte à réhabiliter son sexe aux yeux d’Ann, mais également (ou du moins se
forçant à être) désintéressé, sa profession religieuse n’étant jamais un
élément ostentatoire et mis en avant. Il s’agit avant tout d’un être charitable
souhaitant aider les autres. Une œuvre passionnante donc qui aborde avec sensibilité et
concision un sujet difficile.
Ressort en salle en ce moment
Bonjour Justin, cela fait un bail que j'aimerais découvrir ce film, sais-tu s'il existe une édition dvd sous-titrée(en anglais ??)ou si une sortie est prévue chez un gentil éditeur français ??
RépondreSupprimerVu la ressortie en salle restaurée on peut s'attendre d'ici quelques mois à une belle ressortie dvd et/ou bluray. En attendant je n'ai pas trouvé d'édition française ou anglaise pour celui-là ! Mais la copie va circuler et peut-être une projection par chez toi !
SupprimerNon, "Outrage" n'est pas prévu au programme du ciné Art & Essai de Pau... qui projette majoritairement des films récents, what a shame !!
RépondreSupprimer