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samedi 31 juillet 2021

L'Orchidée blanche - The Other Love, André de Toth (1947)


 Epuisée au terme d'une longue tournée mondiale, la célèbre concertiste Karen Duncan se voit admise dans un sanatorium suisse. Bien qu'atteinte de la tuberculose et sachant que la précédente patiente de la chambre 17 qu'elle occupe en est morte, elle ne continue pas moins à profiter des plaisirs de l'existence. Une attitude dangereuse que désapprouve le Dr Stanton.

L'Orchidée blanche est une curiosité dans la filmographie d'un André de Toth qu'on connaît plus dans un registre musclé que ce soit dans le film noir, le western ou le film de guerre. Il donne ici dans le mélo et plus précisément dans le Women Pictures à la Bette Davis ou Joan Crawford où il va diriger Barbara Stanwyck. Le postulat (adapté d'un roman de Erich Maria Remarque) est d'ailleurs voisin d'un des grands rôles de Bette Davis avec Victoire sur la nuit de Edmund Goulding (1939). Barbara Stanwyck incarne une jeune pianiste admise en sanatorium après une tournée harassante. Son médecin (David Niven) prévenant mais ferme la préserve du moindre effort et émotion forte, lui dissimulant le mal mortel dont elle souffre. 

L'intérêt du film est de, fort des appétences habituelles de de Toth, imprégner le récit d'une atmosphère plus inquiétante se rapprochant du thriller ou du film noir. Le but est d'adopter le point de vue de Karen (Barbara Stanwick) rongée par l'angoisse quant à son mal. Le sanatorium devient ainsi parfois un décor mystérieux et inquiétant, teinté de bruit étranges la nuit venue. Sous le confort apparent, la blancheur immaculée des espaces dissimule une aura de mort constante. On le ressent par les dialogues implicites éludant la mort d'anciens pensionnaires (les bruits nocturnes correspondant justement à l'évacuation des disparus), par la souffrance des malades que l'on éloigne du regard de Karen (les quintes de toux douloureuses réduites à des bruits hors-champs) et bien sûr le ton protecteur, étouffant et secret du Docteur Stanton (David Niven) cherchant à préserver le moral de sa patiente pour sa guérison. 

Tout cela crée un climat anxiogène où de Toth use d'une mise en scène oppressante pour traduire la fébrilité palpable de Karen. Cela amène même une forme d'ambiguïté dans sa relation avec Stanton où l'on ressent une issue amoureuse alors qu'il fait montre de la même fermeté et attention avec toute les patientes. Incertaine dans son rapport à cet environnement et ceux qu'elle y côtoie, Karen choisit l'échappatoire séduisant qu'est Paul Clermont (Richard Conte) dans un tourbillon de fête et d'alcool. Le film tient entièrement sur les épaules d'une formidable Barbara Stanwyck qui fait magnifiquement ressentir le désespoir sous les élans joyeux, le suicide en germe sous l'ivresse. C'est par elle que passe toute cette nuance d'émotions contradictoires dans un film intéressant mais manquant d'un certain lyrisme pour fonctionner complètement. 

André de Toth ne choisit pas vraiment entre une approche feutrée ou plus flamboyante l'ensemble parait un peu étriqué tant en termes de décor que d'ambiances. Le film fut en effet limité dans ses intentions à cause des problèmes financiers que rencontrait la compagnie Enterprise Productions. Le tournage dispendieux de Arc de Triomphe de Lewis Milestone (1948) obligea de Toth à tourner en studio plutôt que dans les Alpes suisse de l'histoire. Entre autres ennuis le tournage commença avec Robert Stack qui malade dû être remplacé par Richard Conte au bout de 15 jours, et un incendie brûla une partie de la bobine, éliminant ainsi des éléments qui auraient peut-être rendu l'ensemble plus fluide. Malgré ce côté bancal, le film reste un mélodrame plaisant notamment grâce à l'implication de son casting (David Niven très bon également). 

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis

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