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vendredi 25 février 2022

Traitement de choc - Alain Jessua (1973)


 Helene Masson soigne une déception sentimentale dans un institut de thalassothérapie appartenant au docteur Devillers. Elle s'aperçoit peu à peu que le personnel de service de l'institut, composé de jeunes Portugais, a un comportement pour le moins bizarre. De plus le Docteur Devillers fait de bien étranges expériences dans son établissement...

Alain Jessua réalise une très pertinente satire avec Traitement de choc où se rencontrent l’hédonisme des années 70 et le cynisme baigné de capitalisme à venir des années 80. C’est le souvenir de longues journées d’ennuis lors d’une cure de repos où il aura laissé voguer son imagination qui inspire au réalisateur sa trame retorse. Hélène (Annie Girardot) chef d’entreprise souffrant d’une perte de confiance l’âge avançant et suite à une rupture sentimentale, décide de suivre la cure du mystérieux docteur Devilers (Alain Delon) réputé pour donner une seconde jeunesse à ses patients.

Bande-son baignée de rythmes et chœurs brésiliens, imagerie carte postale servant une langueur de tous les instants, corps nus et décomplexés, tout concoure à servir cette ambiance hédoniste où Hélène et ses voisins de cure retrouvent couleurs et énergie. Pourtant progressivement le malaise s’installe dans l’addiction qui semble ressortir de ce traitement dont on ne connaît pas la teneur, ceux n’ayant plus le moyen de le poursuivre étant exclus et sombrant dans la folie autodestructrice. Le film sort dans un contexte où l’élan d’une société libertaire est encore très prononcé, mais où ces idéaux servent finalement un individualisme se rapprochant du capitalisme le plus froid. 

Tous les patients de l’institut sont de riches notables qui, songeant avant tout à leur bien-être, ignorent ou font mine d’ignorer les conséquences de leurs corps vivifiés. La symbolique est parfois un peu lourde (les ouvrages et images de sacrifices tribaux ornant la bibliothèque du docteur Devilers) mais l’idée de nantis dont le confort se construit sur l’exploitation des autres trouve une résonnance très forte dans ce cadre vacancier. Le mystère plane tout en laissant craindre le pire avec ces domestiques portugais interchangeables tombant comme des mouches. Jessua fustige la capacité des sociétés occidentales à détourner le regard du pire tant que les agréments de leur quotidien se maintiennent.

Il fait montre aussi d’une vraie préoccupation écologique dans sa satire dont la finalité rejoint celle de son contemporain Soleil Vert de Richard Fleischer sorti la même année. Ce sont des problématiques qui commencent à imprégner l’opinion et la force du film est de ne pas se réfugier dans un cadre de SF alarmiste pour nous faire regarder droit dans les yeux notre égoïsme par la proximité de cet environnement de repos. Tant que l’on reste dans cet entre-deux de tension et d’atmosphère étrange (bien aidé par un Alain Delon beaucoup trop solaire et souriant pour être honnête), le film fonctionne. Ce sera moins évident quand il faudra accélérer le rythme, introduire les grandes révélations dans l’action et le suspense. C’est filmé assez laborieusement (la confrontation entre Girardot et Delon dans le laboratoire) et la conclusion laisse un petit goût d’inachevé où le malaise ambiant ne trouve pas de vraie apothéose. Il n’en reste pas moins un film singulier et intéressant qui sera d’ailleurs un vrai succès public. 


 Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal

 

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