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jeudi 28 juillet 2022

Black Moon - Louis Malle (1975)

Dans un monde où se déroule une guerre opposant les hommes aux femmes, une jeune fille trouve refuge dans un lieu secret, au hasard de ses pérégrinations, et y trouve une licorne ainsi que d'étranges personnages vivant à l'écart du monde.

Entre le scandale de la sortie de Lacombe Lucien (1974) et l’exil américain entamé avec La Petite (1978), Louis Malle signe cet inclassable Black Moon. Dès l’encart d’ouverture, Louis Malle nous avertit de nous délester de toute logique, de toute progression dramatique classique pour nous laisser porter par sa proposition. Le film est en effet une succession de bloc de scènes disparates et sans cohérence où l’on Lily (Cathryn Harrison), une jeune fille dans ses pérégrinations étranges. 

Dès lors libre au spectateur de projeter son interprétation dans un ensemble étrange, semblant à la fois paradoxalement hors du monde et du temps mais aussi très ancrés dans les soubresauts de la réalité de l’époque de sortie du film. On pense à une sorte de Alice aux pays des merveilles inversé et oppressant où Lily/Alice bascule dans l’ailleurs non pas en poursuivant le lapin blanc, mais en écrasant un blaireau en voiture ce qui annonce l’atmosphère morbide à suivre. Le climat guerrier rappelle en creux la guerre du Vietnam encore vivace dans les esprits, tandis que les exécutions sommaires de femmes par des armées d’hommes évoquent les âpres luttes féministes de l’époque confrontées au machisme. On ne peut cependant qu’extrapoler dans cette atmosphère cotonneuse et inquiétante, la photo Sven Nykvist Sven Nykvist façonnant un écrin de songe et de désolation dans les visions sépia-ocres d’une campagne désertique. Le réalisme se conjugue à la bizarrerie à travers les apparitions de phénomènes insaisissables, de créatures fantastiques comme une licorne.

L’arrivée de Lily dans une maison isolée poursuit cette logique d’Alice et de Lewis Carroll dévoyé. En guise de Reine de cœur, une grand-mère (Therese Giehse) tour à tour mourante puis énergique, clouée à son lit et partageant ses impressions en parlant à un poste de radio. Les ruptures de tons, les effets de montage, le travail sur la vitesse de l’image, tout concoure à nous faire ressentir les sentiments discordants de logique et d’étrangeté qui nous traversent lorsque nous rêvons – notamment les animaux parlants acceptés sans questionnements. Dès lors sous cette opacité apparente, on peut chercher un sens psychanalytique aux situations sans doute venus du passé de la jeune fille.

L’inquiétude puis l’affection qu’elle ressent pour la grand-mère traduit peut-être une relation familiale et conflictuelle passée, tout comme la relation ambiguë des deux hôtes interprétés par Joe Dallesandro et Alexandra Stewart. Tout reste latent, très (trop ?) opaque mais maintenant toujours un certain degré de fascination, notamment par la mise en scène de Louis Malle qui suscite un vrai vertige chez le spectateur avec à peine trois ou quatre décors. La dernière scène achève de nous laisser dans l’expectative, avec une Lily qui après avoir vu cet entourage disparaître semble accepter d’entrer dans l’âge adulte et est sexualisée explicitement à l’image, comme une femme et plus une adolescente. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Gaumont

 

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