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mercredi 21 décembre 2022

Anita - Longman Leung (2021)

Récit de la vie d'Anita Mui, légende de la cantopop décédée d'un cancer en 2003.

Anita est le biopic de Anita Mui, une des plus grandes stars de Hong Kong dans les années 80/90, qui triompha dans les charts musicaux en contribuant à l'essor de la cantopop, et également sur les écrans en tournant avec les plus grands réalisateurs de l'âge d'or du cinéma hongkongais. Disparue prématurément en 2003 d'un cancer alors qu'elle n'avait que 40 ans, Anita Mui est une vraie légende locale dont la mort conjointement à celle la même année de Leslie Cheung, son partenaire dans Rouge de Stanley Kwan (1987), marqua la fin d'une certaine idée dans l'industrie du divertissement hongkongais. Sa vie inspira officieusement de son vivant une série télé du nom de Forever Love Song diffusé à Hong Kong en 1998 (mais qui n'utilisait pas son nom) et une seconde après sa mort produite en Chine en 2007 intitulée Anita Mui Fei mais déjà là très édulcorée - pas de cancer et pas de suicide de Leslie Cheung. Le film est initié par le producteur Bill Kong, un de ses grands amis qui regretta toujours qu'elle ne put pas jouer dans Le Secret de poignards volants de Zhang Yimou (2004) qu'il produisait, et qui devait marquer le grand retour d'Anita Mui sur les écrans mais le destin en décida autrement. Ce biopic est donc une façon de lui rendre hommage, dans une déférence qui malheureusement dessert souvent le film mais qui lui offre aussi quelques moments de grâce.

Le souci du film est son manque de fil conducteur thématique, ou du moins s'il y en a un il est bien trop convenu et ne se démarque pas du commun des biopics. Le film s'ouvre sur Anita Mui enfant qui performe déjà avec sa sœur aînée Ann afin de subvenir aux besoins de sa famille. Cette entrée en matière anticipe à gros trait certains éléments à venir du film. Sa gentillesse et bienveillance (une réalité puisqu'elle s'engagea notoirement dans des actions caritatives à Hong Kong ce qui sera montré plus tard dans le film) sont soulignés quand elle arrive en retard sur scène car elle a aidé un petit garçon a attrapé son ballon coincé dans un arbre. Le charisme scénique en germe se devine également lors de la scène de concert et surtout, le flair commercial quand voyant le succès d'un bellâtre chantant en mandarin et anglais, elle apprend de sa propre initiative dès ses cinq ans une chanson anglaise phonétiquement sans maîtriser la langue. Le film suit chronologiquement son ascension, notamment le concours de chant télévisé New Talent Singing Awards qui en 1982 la fait exploser aux yeux du public et entraîne sa signature dans une maison de disque. L'absence de parti pris du film se révèle aussi dans cette séquence où les archives de la vraie Anita Mui viennent se substituer à celle de l'actrice Louise Wong, dans une vraie incapacité à proposer une vision personnelle de l'icône. 

Anita Mui fut souvent considérée comme la "Madonna de Hong Kong", innovant avec des tenues de scènes sexy et certains morceaux provocant comme Bad Girl, tube de 1985. C'est très superficiellement montré dans le film et assez maladroitement introduit. Plutôt que de mettre en valeur l'audace d'Anita Mui, ou au contraire montrer cette audace comme une contrainte de ses producteurs, on choisit de lier cela au chagrin d'amour qu'elle aurait eu avec l'idol japonais Goto Yuki (Ayumu Nakajima). Le nom est modifié pour le film mais il est inspiré du vrai idol Masahiko Kondō qui entretint effectivement une liaison avec une jeune Anita Mui. Le semblant de piquant possible est totalement édulcoré tant par leurs scènes communes insipides (production hongkongaise mais visant le marché chinois, la pudibonderie est de rigueur c'est à peine si les deux se tiennent la main) que par les motifs assez quelconques de ruptures (associer vie privée et vie publique c'est compliqué), alors que le passif de Masahiko Kondo est assez gratiné - il était fiancé au même moment à l'icône de la pop japonaise Akina Nakamori qui tenta de se suicider à cause de ses infidélités.

Le reste du film est à l'avenant. Tout est évoqué mais survolé, les tubes d'Anita Mui ponctuant certains moments-clés de sa vie, parfois méconnus mais qui donnent des suspensions clippesques plutôt que des moments de cinéma. Ainsi la confrontation d'Anita Mui avec un membre des triades auquel elle tient tête aurait pu révéler une certaine réalité de l'industrie hongkongaise d'alors, mais le film s'attarde sur l'exil de la star en Thaïlande pour échapper aux représailles du truand. La carrière cinématographique d'Anita Mui est résumée à Rouge dont une scène de tournage reproduit une image iconique mais on en reste à la vignette sans relief uniquement là pour jouer avec la connaissance/les attentes du public local qui connaît le film. Son amitié avec Leslie Cheung (Terrance Lau) est un des fils rouges du film même si le tempérament torturé de ce dernier est assez survolé. Leurs scènes communes donnent néanmoins des passages réussis comme ce concert en club à leurs débuts où l'aisance, la maîtrise et la connivence avec un public distrait d'Anita Mui se ressent dans le jeu de corps de Louise Wong et la mise en scène, quand un Leslie Cheung plus timoré peine à s'imposer. 

La promesse que se font ensuite les deux futures stars de triompher ensemble n'en est que plus jubilatoire, et triste puisqu'ils disparaîtront à quelques mois d'intervalles aussi. Autre élément qu'il ne fallait pas espérer voir ici non plus, le positionnement d'Anita Mui au moment des évènements de Tian'anmen, et la correspondance entre son retrait progressif et la rétrocession de 1997. Le film ne creuse que le sillon convenu des affres de la célébrité, de la solitude de l'artiste, mais sans les concrétiser plus spécifiquement à l'environnement de l'industrie de Hong Kong avec un grand public quasi absent hormis les séquences de concerts assez platement filmées. 

Ils faut attendre les 20 dernières minutes pour que la magie opère enfin, lors de l'ultime concert d'Anita Mui où affaiblie par le cancer qui devait l'emporter 45 jours plus tard, elle s'offre à son public en tenue de mariée et interprète Cherish When We Meet Again, tube de 1987 au titre et paroles lourds de sens. On a enfin le moment de grâce attendu et l'émotion fonctionne réellement. Pour le reste les moyens sont là dans les décors, la reconstitution, les costumes, la prestation de Louise Wong (étonnante de ressemblance avec son modèle) est louable mais c'est bien trop impersonnel (à l'image de la photo numérique sans aspérité de Anthony Pun) pour donner corps et cœur à la légende d'Anita Mui. Il existe un montage sous forme de série appelé Anita (Director's Cut) sous forme de 5 épisodes de 45 minutes usant de scènes du film et d'autres inédites, peut-être que le film est plus intéressant sous cette forme mais on en doute.

 Disponible sous-titré sur la plateforme Disney +

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