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mardi 27 décembre 2022

Histoires de fantômes chinois 3 - Sien lui yau wan III: Dou dou dou, Ching Siu-tung (1991)

Fong et son maître s'arrêtent au temple Lan Jou pour passer la nuit. Ce temple est le repaire du démon Lao-lau qui se nourrit de l'énergie vitale des hommes. Alors que son maître part combattre les démons, Fong rencontre Lotus, un fantôme à la solde de Lao-lau.

Histoire de fantômes chinois (1987) et Histoires de fantômes chinois 2 (1990) avaient constitués des dates fondamentales pour le cinéma hongkongais. Le premier volet est vraiment la porte d’entrée du public occidental au cinéma hongkongais, et le film qui équilibre la volonté de Tsui Hark et de sa compagnie Film Workshop de poser un pont entre la tradition culturelle et cinéphile locale (le film est l’adaptation d’un conte traditionnel chinois, mais aussi le remake d’un classique du cinéma local, The Enchanting Shadow de Li Hang-Hsiang (1960) et une modernité de la forme convoquant effets de style et effets spéciaux spectaculaires à l’occidentale. 

Les deux films reflétaient aussi une angoisse latente à l’approche de la rétrocession, le premier film par sa romance tragique symbolisant le pont impossible entre Hong Kong et la Chine, et le second par sa noirceur reflétant les peurs au lendemain des évènements de Tian'anmen. Ce troisième et dernier film fait preuve d’un apaisement voire d’une résignation qui prend la forme d’un quasi-remake du premier volet. A la fin de ce dernier la malédiction avait été scellée pour cent ans et un siècle plus tard la boucle peut se répéter. C’est une sorte de sentiment d’inéluctable et de redite qui contraste avec le romantisme tragique du premier film, ainsi qu’avec la rage et l’atmosphère oppressante du second. La destinée/rétrocession est ce qu’elle est, il faut l’accepter car l’on ne peut rien y changer.

Ching Siu-tung semble avoir les mains plus libres ici que sur les précédents puisque son omnipotent producteur est entretemps repassé à la réalisation. Donc si le fond est moins riche, la forme est peut-être ici la plus aboutie de la trilogie, atténuant le sentiment de redite par le chatoiement visuel. On rejoue donc la comédie de l’innocent passant une nuit dans un temple maudit, et tombant sous le charme d’une charmante femme fantôme sous le joug d’un démon. Tony Leung Chiu-wai remplace Leslie Cheung tandis que Joey Wong reprend son rôle ainsi que tout le casting de spectres de 1987. Histoire de fantômes chinois 2 traitait de l’impossibilité de retrouver la candeur du premier film par son retour au réel (du film et du contexte politique), le troisième film assume cette redite mais en entretenant une certaine distance. 

L’effet de surprise n’a plus cours après deux films et Ching Siu-tung n’essaie même pas de reproduire les atmosphères réellement horrifiques des précédents, la connivence est de mise avec le spectateur qui attends de voir la comédie se rejouer. Cela impact aussi la romance entre Fong (Tony Leung Chiu-wai) et la fantôme Lotus (Joey Wong) qui, sans parler de parodie, est dénuée de la ferveur et du romantisme profondément premier degré du premier film. Fong semble bien plus maître de ses sens que Leslie Cheung face aux charmes de Lotus, et surtout bien moins effrayé par la perspective de se trouver confronter à un fantôme. Sans cette tension et flamme passée, l’érotisme troublant du premier film s’estompe pour n’être ici que source de comédie. On peut parler d’affection, de sollicitude plus que de romance entre Fong et Lotus, loin de l’intensité Leslie Cheung/Joey Wong et donc impossible d’avoir des séquences aussi iconiques et habitées que le baiser dans l’eau du bain du premier film.

Histoire de fantômes chinois 3 est une redite en mode mineur qui éblouit avant tout en tant que livre d’images. Les effets spéciaux sont soignés et offre des moments virevoltants et spectaculaires pour le bestiaire démoniaque, les démonstrations de pouvoir du taoïste joué par Jacky Cheung notamment un final impressionnant. Tout le charmant côté bricolé des précédents s’atténue par un soin plus grand, un « confort » de la forme et du récit qui rend l’ensemble attachant mais ne nous bouscule plus comme avant. La bande-originale de James Wong représente bien cela avec des thèmes et chansons recyclant avant tout ceux des deux films d’avant. La romance n’est plus aussi ardente, vibrante, l’ombre de la malédiction ne nourrit plus que les morceaux de bravoures mais plus la terrible peur de la séparation pour les amoureux.

Il y a une perte d’innocence, une acceptation que tout se rejoue sans la terreur d’une issue funeste alors qu’Histoire de fantômes chinois avait dans le fond, la forme et le ton toute l’ardeur des premières fois. On sent que la saga rentre dans le rang avec une volonté claire d’exportation en Asie et en Occident qui n’autorise plus l’inattendu. Il n’en reste pas moins un film plaisant mais à détacher clairement de l’intensité du diptyque initial. Fort heureusement Tsui Hark retrouvera cette flamme romantique dans ses propres réalisations revisitant les contes chinois à cette même période, les merveilleux Green Snake (1993) et The Lovers (1994).

Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo


 

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