March Comes in Like a Lion - Sangatsu no raion, Hitoshi Yazaki (1991)
À Tokyo, Ice ramène son frère aîné amnésique
Haruo de l'hôpital pour s'occuper de lui. Il hésite à y aller jusqu'à ce
qu'Ice lui dise qu'elle est son amante. Il la suit. Combien de temps
avant que sa mémoire ne revienne ?
March Comes in Like a Lion est le second film tardif du réalisateur Hitoshi Yazaki après un inaugural Afternoon breezes (1981) où il explorait déjà le thème des amours refoulés et coupables.
Il évoque ici le tabou de l'amour fraternel incestueux dans un film très
étrange. Le récit s'ouvre sur une vision de photo polaroïd de Haruo
(Bang-ho Cho) et sa sœur Natsuko (Yoshiko Yura) enfants, accompagné d'un
texte succinct nous disant que depuis cette époque Natsuko est voue un
amour guère fraternel pour Haruo. Une ellipse nous amène à l'âge adulte
où Haruo est victime d'amnésie pour des raisons que nous ignorons.
C'est
l'opportunité pour Natsuko d'assouvir cette attirance taboue en faisant
sortir son frère de l'hôpital et lui faire croire qu'elle est sa petite
amie. Dès lors s'engage une narration flottante, dépourvue de vraies
péripéties autre que la relation trouble des personnages. Natsuko est
une jeune femme vivant dans les marges en se prostituant, paradoxalement
la romance interdite est le seul éclair dans un quotidien solitaire que
le réalisateur suit dans des déambulations tokyoïtes chargées de
spleen. Haruo est quant à lui un homme-enfant se laissant porter par les
évènements, en pleine redécouverte du monde qui l'entoure.
La première partie donne dans le quotidien romantique languissant,
accompagnant sur une bande-son assez entêtante les pérégrinations du
couple. Cette candeur est contrebalancée par les environnements assez
sordides donnant à voir justement un Japon loin de l'urbanité fière des
grandes villes, entre l'appartement insalubre du couple, les chantiers
sur lesquels travaille Haruo. Cette précarité entrecroisée au lien
fragile des personnage dessine déjà l'es ombres qui planent sur leur
relation. A mi-film, une rupture de ton intervient alors qu'après une
turpitude joyeuse, Haruo a cette phrase terrible : "Je me souviens". La
mémoire ne lui revient pas à ce moment-là mais néanmoins des bribes de
ses émotions passées semblent lui revenir. Dès lors la tension et la
culpabilité s'installent avec cette crainte pour Natsuko que Haruo se
souvienne et li reproche son mensonge. Hitoshi Yazaki multiplie les
idées formelles, notamment rattachées aux miroirs pour traduire la crise
identitaire d'Haruo et laissent flotter une ambiguïté qui restera
irrésolue jusqu'au bout. Et si Haruo à un certain stade de l'histoire
avait effectivement retrouvé la mémoire mais sans l'avouer à Natsuko
afin de préserver leur relation ?
Le doute existe grâce à la subtilité du
jeu des acteurs où la culpabilité possible se mélange à une réelle
passion dont ils ne peuvent se départir. Hitesho Yazaki fait passer tous
ces questionnements avec une sécheresse narrative prononcée, des
dialogues rares, la mise en scène et les différentes atmosphères
installées se chargeant d'orienter nos émotions contradictoires. Dans
cette idée, le tabou de la scène de sexe est absent dans la première
partie très naïve et chaste, et l'interdit charnel n'intervient qu'une
fois ce doute mémoriel installé pour rajouter au malaise dans le
filmage. La dernière scène est assez magistrale de ce point de vue,
franchissant un ultime interdit qui amènent les personnages à verser des
larmes que l'on ne saurait qualifier de joie, ou d'un autre sentiment
plus insaisissable. Un très joli film qui manie avec une rare nuance son
postulat provocateur.
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