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lundi 13 février 2023

Court-circuit - By Candlelight, James Whale (1933)


 Lors d'un voyage en train en Europe, le majordome d'un noble, Josef, est pris pour son employeur, le prince Alfred von Romer, par une belle femme, Marie. Il ne fera rien pour la désillusionner et lorsque le vrai prince arrive, il est pris pour son serviteur...

S’il est passé à la postérité pour ses incursions dans le fantastique (Frankenstein (1931), L’Homme invisible (1933), La Fiancée de Frankenstein (1935)), le registre de James Whale est bien plus vaste comme le montre Court-circuit, bel exercice de comédie romantique sophistiquée à la Lubitsch. Comme chez ce dernier l’inspiration est européenne avec l’adaptation d’une pièce autrichienne de Karl Farkas et Siegfried Geyer. On retrouve également la dimension de classe ainsi que l’observation des mœurs dissolues de la haute société européenne. On va ici observer un jeu amusant de quiproquos, mimétisme et envie se jouant entre maître et domestique. Joseph (Paul Lukas) et le majordome prévenant et dévoué du Prince Alfred von Rommer (Nils Asther) dont il est l’observateur/complice des méthodes de séduction envers ses multiples conquêtes féminines. Cela a développé chez le domestique un certain snobisme pour ses propres aventures amoureuses où il vise plus haut que les gouvernantes et les soubrettes de son milieu.

L’imperfection et la maladresse de Joseph à reproduire l’assurance de son maître  face à une supposée noble le prenant pour un prince aurait pu signifier un message condescendant mais il ‘en sera rien. La mécanique bien huilée de la séduction du prince constitue un rituel dont sa conquête du même statut social n’est pas dupe, notamment le cadeau de cette boite à cigarette qu’ils savent bien tout deux qu’il sera refusé. La romance sincère n’a rien à voir dans l’affaire, il s’agit d’un plaisir hédoniste et éphémère destiné à pimenter un quotidien oisif. Joseph est au contraire tremblant et maladroit dès qu’il tente de réitérer la gestuelle et les bon mot du prince, d’abord intimidé en pensant que Marie (Elissa Landi) est une noble, puis par les vrais sentiments qu’il développe pour elle. Tout le travail de redite, de mimétisme et jeux de rôles vise à exprimer l’humanité des subalternes incapables de jouer tandis que le même marivaudage se redessine chez les nantis avec quelques variations amusées (les deux maris trompés venant demander des comptes au prince). 

Un des éléments intéressant du film est de ne pas créer de schisme cruel entre les classes sociales ; mais plutôt une complicité. Si Joseph sait prendre les devants dans les attitudes, le timing et les bons mots pour aider son maître à conclure, ce dernier s’amuse grandement au moment de lui rendre la pareille et d’inverser les rôles. James Whale excelle une fois le dispositif établit à le dérégler pour justement illustrer la variation qui se forme dans des situations similaires par la seule grâce de la sincérité des protagonistes. Les nantis se reconnaissent explicitement dans leur séduction codifiée, les domestiques ne peuvent s’empêcher de se rapprocher malgré le subterfuge du statut social. C’est une forme d’opposition en cynisme blasé et émotion sincère, sans que Whale pose un jugement sur les deux modes de vie. C’est ainsi très plaisant même s’il manque au film le lâcher-prise dans le romantisme (tout est convenu en définitive sans grande climax sentimental) à la Lubitsch ou le grain de folie des screwball comedy d’Howard Hawks.

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films

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