Trois lycéens, Steve Smith, Gus Ruffo et Billy Anderson se lient d'amitié avec un tailleur juif du nom de Herman. Celui-ci est aux prises avec Louis Garrett, le mafieux local qui tente de lui extorquer de l'argent en échange d'une protection. Quand Herman est assassiné par Garrett et que le malfrat s'en sort au procès, les trois jeunes décident d'enquêter et de rendre justice...
Le penchant pour les fresques à grand spectacle dominant la partie parlante de sa filmographie a parfois donné une image biaisée de Cecil B. DeMille. Déjà rien que sur ce corpus le degré d’outrance et de provocation pourrait surprendre ceux ayant une image empesée de ses récits bibliques, dans des œuvres aussi folles que Le Signe de la croix (1932), Cléopâtre (1934), Samson et Dalila (1949) ou certaines séquences de la deuxième version de Les Dix commandements (1955). La Loi de Lynch peut donc surprendre au premier abord par son cadre urbain et contemporain, son immersion au sein d’une jeunesse révoltée, mais c’est finalement dans une vraie continuité des œuvres muettes du réalisateur où l’on trouvait notamment des comédies de mœurs très osées et caustiques.
L’histoire confronte des jeunes gens idéalistes et droits à l’hypocrisie du monde des adultes. En surface, il y a l’image d’un système bienveillant cherchant à façonner des citoyens exemplaires, lorsque nos trois héros lycéens sont assignés pour une semaine à des postes clés de la ville (justice, police) dans le cadre d’un programme. Lorsqu’ils voudront user de cette position pour rendre justice à un ami tailleur racketté puis tué par la pègre locale, les mécanismes cyniques de la corruption et de l’administration s’imposent à eux. Dès lors, leur rébellion se mettra en travers d’un contexte intolérable pour eux. Cecil B. DeMille prend son temps pour caractériser ses personnages ne devant pas représenter un idéalisme peu crédible.Les interactions potaches, les flirts et autres futilités installent les héros comme des jeunes insouciants de leur âge, d’ailleurs réfractaires quand la mission du programme citoyen leur sera proposée. Ce n’est que lorsque la violence hors-la-loi (la bombe dans la boutique, l’assassinat du tailleur) et la justice sclérosée par la paperasserie s’imposent à eux et les rends témoin impuissant de l’infamie, que nos adolescents décident de s’impliquer à leur manière.La Loi de Lynch est une œuvre prenante mais sur la corde raide idéologique. Les failles du système sont réelles mais simplifiées volontairement, afin d’adopter le point de vue naïf de personnages juvéniles et fougueux. Il pose d’ailleurs habilement un dilemme moral houleux quand, ayant capturé le coupable impuni (Charles Bickford), nos jeunes installent un procès arbitraire lorgnant sur la torture et l’exécution. Cecil B. DeMille semble ainsi comprendre la démarche des adolescents, mais aussi en scruter les limites. C’est du moins ce que l’on pense avant une conclusion jubilatoire à l’image, mais discutable sur le fond où les autorités valident la démarche d’auto-justice qui aura contribué à nettoyer la ville de ses rebus. Comme souvent avec Cecil B. DeMille, l’ambiguïté idéologique est de sortie.Si l’on fait abstraction de cet aspect, c’est une œuvre trépidante où DeMille montre une aptitude peu exploitée par la suite pour capturer la menace urbaine (le guet-apens de Charles Bickford) ou instaurer une tension sexuelle trouble qu’on retrouve dans son œuvre (la jeune Gay seule face un à gangster libidineux dans une chambre). On se surprend même à retrouver l’ampleur de certaines fresques historiques du réalisateur lors de la séquence du procès avec son parterre d’étudiants hystériques dans une superbe composition de plan – et un parallèle amusant à faire entre le supplice de Bickford et celui des chrétiens de Le Signe de la croix, avec la même délectation suspecte que l’on devine chez DeMille. Une œuvre atypique et intéressante donc, si l’on a une connaissance ou opinion trop arrêtée sur son célèbre réalisateur.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
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