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jeudi 24 octobre 2024

Alfredo, Alfredo - Pietro Germi (1972)

À Ascoli Piceno, un jeune homme réservé nommé Alfredo fait la cour à la jolie Maria Rosa. Son rêve s'accomplit lorsqu'elle accepte de l'épouser, mais la situation n'est pas celle qu'Alfredo avait imaginé…

 Alfredo, Alfredo est l’ultime film réalisé par Pietro Germi qui mourra prématurément en 1974, même si son œuvre connaîtra un prolongement posthume avec le génial Mes chers amis (1975) dont il confiera la réalisation à son ami Mario Monicelli après en avoir écrit le scénario. Dans ses comédies les plus brillantes, la critique d’un contexte social découlait d’un environnement géographique, reflétant ainsi l’importance des codes et de la culture régionale au sein de la société italienne. Ainsi des mœurs archaïques du sud pauvre de l’Italie découlaient les situations absurdes et tragiques de Divorce à l’italienne (1961) et Séduite et abandonnée (1964), alors que l’hypocrisie et la façade bourgeoise du nord riche dissimulaient les scandales et attitudes les plus révoltants - le Trévise de Ces messieurs dames (1966).

L’intrigue d’Alfredo, Alfredo se situe dans la ville d’Ascoli Piceno, dans la région centrale des Marches. Cette aspect topographique central offre donc au réalisateur une forme de synthèse thématique où les personnages véhiculeront les particularismes régionaux observés dans les précédents films, mais dans une sorte de variation évitant la redite complète. C’est notamment le cas du héros, Alfredo (Dustin Hoffman), jeune homme rêveur et romantique aux antipodes du Marcello Mastroianni de Divorce à l’italienne mais dont il va pourtant partager certains déboires. Fou amoureux de la belle Maria Rosa (Stefania Sandrelli), il va lui faire une cour maladroite qui à sa grande surprise va susciter un intérêt réciproque chez la jeune femme. 

Réciproque est d’ailleurs un terme faible tant la passion et la soif d’amour de Maria Rosa va rapidement dépasser Alfredo. Appels intempestifs à toute heure et réclamation éplorée de gages d’amour, manifestations de désir sauvages en tout lieu, soudain réprimé par une pudeur imprévisible, Maria Rosa est un ouragan dont les sentiments ardents réclament l’exclusivité. Dans un premier temps cette fougue a son charme tel le jeu de piste que va créer Mario Rosa pour être rejointe par Alfredo durant un week-end où elle est absente. Mais même cette intention romantique relève de l’emprise qu’elle désire avoir sur son amoureux qui même loin d’elle, n’aura pas d’autres préoccupations. Notre héros va rapidement se trouver pris au piège du mariage.

La situation rappelle une nouvelle fois le Mastroianni de Divorce à l’italienne, mais de nouveau le cadre géographique change tout. Alfredo, Alfredo est un film moderne et urbain où le piège n’est plus obligatoirement pour les femmes contraintes à un rôle domestique symbolisé par le mariage, mais plutôt pour l’homme devenant une proie apte à sécuriser socialement et matériellement une épouse potentielle. Les gags reposent ainsi sur « l’hyper » épouse qu’incarne Stefania Sandrelli, excessive au lit, tyrannique en maîtresse de maison, et pressante dans la conception de l’ultime maillon du piège, un enfant. 

La famille de Mario Rosa déploie aussi dans un cadre plus moderne tous les particularismes envahissants « à l’italienne » et associés à des mœurs et environnement plus arriérés. Pietro Germi effectue là une rupture passionnante en associant à la vie urbaine, professionnelle comme domestique, les maux les plus aliénant du quotidien tandis que les respirations viendront des week-ends à la campagne que s’accorde (de moins en moins) Alfredo. La femme est un être qui vous aliène de vous-même, de vos aspirations et de votre entourage.

L’idée de génie est le casting de la belle Stefania Sandrelli, n’ayant pas exactement les traits de l’affreuse mégère castratrice. L’amour toxique prend des atours sensuels, innocents et angélique qui ramènent toujours malgré lui Alfredo au bercail. Pietro Germi ne fustige pas les femmes ou l’institution du mariage en particulier, mais semble observer et accepter une Italie où la relation amoureuse peut exister dans la durée sans être « institutionnalisée ». Le propos n’est pas si éloigné en définitive de Divorce à l’italienne (ou de pur mélodrame de Germi comme L'Homme de paille (1958)), le vrai bonheur d’Alfredo se manifestant le temps d’une romance libre de toute contrainte avec Carolina (Carla Gravina) jeune femme moderne dont Germi s’amuse à faire l’inverse de Maria Rosa jusqu’à l’absurde – cette fois la famille craint plutôt que force la perspective du mariage. La dernière partie est ainsi une fausse redite des œuvres précédentes de Germi, avec son héros devenu soudainement un militant de la légifération du divorce (effectif en Italie à partir de 1970 et renforcé par un référendum en 1974) mais qui paradoxalement retourne dans le rang par son action. La voix-off à la fois candide et ironique valide cela et le « happy-end » est d’un réjouissant décalage. Pietro Germi avait encore beaucoup à dire, comme le prouve ce dernier film entre réinvention et variation.

Inédit en dvd français vu dans le cadre de la rétro consacré à Pietro Germi à la Cinémathèque française

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