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dimanche 9 mars 2025

Les Maîtresses de Dracula - The Brides of Dracula, Terence Fisher (1960)

Marianne a accepté un poste d'institutrice dans un pensionnat pour jeune fille. Alors qu'elle traverse la Transylvanie, son cocher l'abandonne dans un village, où elle trouve refuge dans une auberge. Malgré les mises en garde du propriétaire des lieux, elle accepte l'invitation de la baronne Meinster à passer la nuit dans son château. Heureusement pour elle, le docteur Van Helsing poursuit dans la région sa chasse aux vampires.

Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher (1958) avait été un immense succès commercial et critique, entérinant le virage vers l’épouvante gothique de la Hammer après Frankenstein s’est échappé du même Terence Fisher (1957). Une suite est donc envisagée avec un premier script de Jimmy Sangster qui curieusement choisit de s’éloigner de certains préceptes du film initial. Le méchant est supposé être un disciple de Dracula (qui disparu dans le premier film n’est supposé faire qu’une apparition sous forme de spectre) tandis que sa traque se fera par un nouveau protagoniste, et plus le professeur Van Helsing. Au fil des réécritures certains éléments se remettent en place comme la présence de Van Helsing de nouveau interprété par Peter Cushing, mais Christopher Lee, par réticence de ce dernier ou par choix de la production, ne rempile pas – il fera son retour dans le rôle et dirigé par Fisher dans Dracula, Prince des ténèbres (1966). Plusieurs idées, trop complexes techniquement ou inappropriées dans le ton voulu sur cette suite, seront recyclées pour Le Baiser du vampire de Don Sharp (1963) – notamment l’attaque finale par une horde de chauve-souris.

Le Cauchemar de Dracula avait marqué une rupture avec l’imagerie des films Universal dont le Dracula de Tod Browning (1931). La théâtralité de l’incarnation du vampire par Bela Lugosi en faisait une figure spectrale et aristocratique dans une imagerie expressionniste noir et blanc. Christopher Lee amenait quant à lui une dualité en le port séduisant de la facette lumineuse de Dracula, s’opposant à une animalité plus glaçante renforcé par l’usage de la couleur renforçant la dimension baroque et sanglante du vampire et du gothique Hammer. 

Cette dualité se poursuit dans Les Maîtresses de Dracula mais contamine des aspects plus vastes de la personnalité du vampire. L’ombre de l’inceste plane sur la relation torturée entre le Baron Meinstein (David Peel) et sa mère (Martita Hunt). Cette dernière nourrit les pulsions de son fils en lui fournissant des jeunes filles innocentes dont il se repait, tout en étant séquestré dans la demeure familiale. Son évasion le conduira à « consommer » sa propre mère, ultime sacrilège, avant de prendre sa liberté. 

Les traits carnassiers de Christopher Lee laissent place à ceux plus poupins et juvéniles d’un David Peel certes moins charismatique, mais dont les revirements de personnalités s’avèrent saisissant. Jeune homme fragile et torturé, amoureux transi, châtelain charismatique, le Baron Meinstein semble se plaire à endosser plusieurs masques avant de laisser éclater son visage véritable, celui du vampire particulièrement bestial et sadique. Terence Fisher se plaît à capturer ces bascules dans la caractérisation du personnage, et semble avoir joué du vrai « masque » de David Peel qui à la ville était homosexuel. Le décorum gothique est une nouvelle fois superbe, notamment lorsque Fisher en parallèle des figures imposées orchestre des séquences tout simplement glaçantes. La sortie de terre d’une jeune femme vampirisée est filmée comme un accouchement dans un lent crescendo macabre se concluant par la sortie de terre d’une main avec une puissance macabre rare.

La sensualité brûlante des assauts de Meinstein sur les jeunes femmes se dispute à une sorte de candeur ramenant davantage au gothique littéraire avec le personnage de Marianne (Yvonne Monlaur), archétype de la jeune fille naïve et en détresse. Comme le souligne le spécialiste Nicolas Stanzick dans les suppléments du dvd, elle semble jouer dans un conte de fée (la demande en mariage si vite acceptée de ce prince charmant douteux) sans savoir qu’elle se trouve en fait dans un conte macabre. Le socle et l’unité de cet ensemble repose sur Van Helsing une nouvelle fois brillamment interprété par Peter Cushing. 

Il possède à la fois ce côté froid, croyant et rationnel face au surnaturel auxquels s’ajoutent une humanité profonde. Son empathie envers Marianne n’a d’égal que sa détermination face aux vampires, qui culmine lorsqu’il doit lui-même se purger d’un possible risque de vampirisme. Fisher sait composer quelques images iconiques en diable pour conférer toute la grandiloquence attendue de l’affrontement, notamment cette ombre de moulin formant la croix chrétienne qui achèvera le Mal. Un opus réussi qui fait (presque) oublier l’absence de Christopher Lee.

Sorti en bluray français chez Elephant Film

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