Voilà plusieurs jours que Roberto Tobias, batteur d'un groupe de rock, est suivi par un homme dans la rue. Lorsqu'il finit par intercepter l'inconnu, la situation dérape et un meurtre s'ensuit. Pris en photo l'arme à la main lors du crime, Roberto reçoit bientôt des menaces d'une mystérieuse personne ayant assisté à toute la scène. Il devient alors victime d'un odieux harcèlement tandis que d'autres assassinats sont commis autour de lui...
4 mouches de velours gris est le dernier volet de la trilogie animalière de Dario Argento, à travers laquelle il aura posé les bases du giallo. L’Oiseau au plumage de cristal (1970) et Le Chat à neuf queues (1971) installent ainsi un format bien rôdé fait de suspense hitchcockien, de récit à mystère sous forme d’enquête dont la résolution reposera sur une révélation rattachée par un motif scénaristique et/ou formel à son titre animalier. Au premier abord, 4 mouches de velours gris obéit à ce schéma, mais en définitive s’n éloigne grandement pour préparer les mues à venir d’Argento sur Profondo Rosso (1975), mais surtout Suspiria (1977) et Inferno (1980).
L’Oiseau au plumage de cristal et Le Chat à neuf queues fonctionnaient encore en partie sur la structure policière littéraire du giallo, avec comme point de départ un crime dont le mystère et la résolution avaient pour fil rouge une enquête. Profondo Rosso se détachera en partie de cela en faisant de son mystère une « image manquante » prolongeant la démarche d’Antonioni sur Blow up (1966), tandis que Suspiria et Inferno se délestent de toute la logique inhérente au schéma policier par leur quasi-absence de scénario structuré et la bascule explicite dans le fantastique.
4 mouches de velours gris amorce cette démarche puisque, si crime il y a, le coupable accidentel n’est autre que le héros Roberto (Michael Brandon). Le mystère repose sur l’identité du témoin du drame, une étrange silhouette masquée. L’aspect tangible se dérobe au niveau de l’intrigue avec ce témoin ne réclamant rien pour son possible silence, et se délectant des abîmes d’anxiété dans lesquels il plonge Roberto par jeu de piste sadique. La mise en scène d’Argento et la narration du film prolongent ce sentiment d’incertitude. La caméra flottante progresse comme dans un rêve, ou plutôt un cauchemar, par ses transitions étranges, sa temporalité incertaine et sa gestion de l’espace absurde. Nous sommes tour à tour dans la psyché du tourmenté et du tourmenteur, l’angoisse de l’un se substituant au voyeurisme de l’autre à différent niveaux de perceptions - la photo désaturée des cauchemars de Roberto étant un miroir de l'imagerie infra-rouge des clichés pris par le méchant. Ces partis-pris brillent particulièrement lors de la scène du parc où les figurants s’estompent du décor dans une pure bascule onirique, qui se prolonge par l’altération de l’espace prenant au piège sa malheureuse victime. Pas toujours réussies, les ruptures de ton humoristiques participe néanmoins à cela, par l’apparition de protagonistes farfelus comme le facteur, le détective privé gay incarné par un surprenant Jean-Pierre Marielle, ou encore Bud Spencer. La résolution abrupte, alambiquée et brutale n’atteint pas encore l’inquiétante étrangeté implacable des films suivants mais s’avère suffisamment surprenante dans son entre-deux (tout fait sens mais semble encore plus "autre") pour marquer les esprits. La fin d’une ère et le début d’une autre pour Argento.
Sorti en bluray français chez Carlotta







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