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mardi 28 septembre 2010
Loin du Paradis - Far From Heaven, Todd Haynes (2003)
Dans l'Amérique provinciale des années cinquante, Cathy Whitaker est une femme au foyer exemplaire, une mère attentive, une épouse dévouée. Son sourire éclatant figure souvent dans les colonnes du journal local. Cathy sourit toujours. Même quand son mariage s'effondre, même quand ses amies l'abandonnent. Quand l'amitié qui la lie à son jardinier provoquera un scandale, elle sera forcée, derrière son sourire, d'affronter la réalité.
Loin du Paradis s'impose définitivement à la revoyure comme un des plus beaux films des années 2000. Pour le jeune cinéphile ayant été bouleversé à l'époque par le film de Todd Haynes en salle, le revoir aujourd'hui aurait pu être problématique voire même décevant. Un nom revenait constamment dans les critiques de l'époque sur l'influence majeure de Haynes pour son film à savoir Douglas Sirk. Ce dernier aligna en effet une série de mélodrame flamboyant au milieu des années 50 auquel Haynes rend hommage à travers son film. A l'époque les films de Sirk étaient introuvables en France et seuls les cinéphiles aguerris et plus âgés pouvaient analyser la mécanique de Todd Haynes. Entre temps Carlotta a édité presque tout les films majeurs de Sirk et il est temps pour Loin du Paradis d'être soumis à un oeil désormais plus connaisseur, avec l'énorme crainte de se retrouver devant un remake/pastiche à la manière du Psycho de Gus Van Sant sorti en 98 et reprenant plan par plan le classique de Hitchcock.
La démarche de Todd Haynes s'avère beaucoup plus complexe. Le scénario reprend la trame et les thématiques de deux chef d'oeuvres de Douglas Sirk à savoir Tout ce que le ciel permet (pour les amours contrariées d'une bourgeoise WASP provinciale et de son jardinier d'origine plus modeste) et Mirage de la vie (pour tout le contexte racial). De plus Haynes copie l'esthétique flamboyante des mélodrames de Sirk à travers la photo de Edward Lachman qui reproduit les atmosphères automnales au technicolor outrancier de Russel Metty (directeur photo de Sirk). Ajoutons certaines séquences et mouvements de caméra repris à l'identique, tel l'ouverture et la fermeture du film avec ce mouvement de grue aérien suivant l'arrivée et le départ de Julianne Moore. Certaines reprises sont même extérieures à Sirk comme ce plan vers la fin du film où Julianne Moore fond en larmes sur son lit issu de Les Désemparés de Max Ophüls (autre grand mélodrame au féminin.
Alors Haynes aurait il créé un objet destiné à titiller l'érudition du cinéphile et à voir au premier degré uniquement pour les plus ignorants ? Pas du tout. C'est là le grand exploit du réalisateur, quelque soit le degré de connaissance cette histoire frappe droit au coeur. Haynes pervertit les thématiques de Sirk en exprimant ouvertement (ce qui ne pouvait être fait à l'époque) une dimension sexuelle trouble sans perdre de cette tonalité feutrée. L'homosexualité du mari (joué par le très viril Dennis Quaid) se devine donc progressivement, par ses absences répétées, sa raideur devant les tentatives d'approches de sa femme avant d'être démasqué lors d'une scène terrible.
Julianne Moore quant à elle sous ses allures de femme d'intérieur modèle a bien du mal à cacher sa frustration, tel ce moment rieur et pathétique où ses amies se plaignent de l'appétit sexuel de leurs époux tandis qu'elle affiche un sourire compatissant et surtout envieux. Todd Haynes lui même homosexuel (aspect traversant nombre de ses film comme Velvet Goldmine) ayant probablement dû apprendre à s'affirmer dépeint ainsi le drame commun d'un Dennis Quaid égaré (terrible entrevue avec un médecin censé le "guérir) et de sa femme impuissante.
C'est là que peut intervenir la question raciale lorsque Julianne Moore délaissée ne semble pouvoir trouver le réconfort qu'auprès de son jardinier noir séduisant et prévenant. Il y a malgré tout une certaine facilité dans le choix de Dennis Haysbert (plus connu en tant que Président palmer dans la série 24) campant un noir un noir raffiné et amateur de peinture forcément attirant, il aurait peut être été plus risqué et intéressant d'en faire quelqu'un de plus ordinaire.
Du coup il est peu être un peu lisse car en face la prestation de Julianne Moore emporte totalement. Bouleversante dans son bonheur de façade, compréhensive à l'excès envers un mari égoïste et torturé elle offre un des plus beaux personnage féminin des années 2000. Julianne Moore retrouvait pour la seconde fois Todd Haynes après Safe et ce dernier lui offre son plus beaux rôle (avec La Fin d'une Liaison).
Il faut la voir l'oeil pétillant s'éveiller à la vie lors de la somptueuse scène où elle part en ballade avec Haysbert dans les bois où lorsqu'elle lui lance un You're so beautiful avant de s'arracher à lui à contrecoeur face aux regards des passant racistes. Enceinte au moment du tournage, sa prestation se teinte de toute la fragilité de sa condition (bien que habilement masquée par les ample robe mode 50's) la rendant d'autant plus émouvante. Haynes alterne les atmosphères bleutées et sombres lors des passages mélancoliques (ou évoquant les penchants du mari) tandis que celles avec Dugan sont constamment plus colorées, symbolique de son état d'esprit et de sa passion naissante le tout porté par une mise en scène ample et fluide. La musique "à l'ancienne" de Elmer bernstein (pour un de ses tout dernier score) porte haut l'émotion par son piano entêtant et lancinant, une merveille.
Todd Haynes en plus du racisme et de l'homosexualité propose un constat moral assez déprimant. Certes sa "déviance" est encore perçue comme une tare mais en tant qu'homme Dennis Quaid peut la dissimuler et tout quitter pour l'assumer, alors que Julianne Moore en tant que femme doit rester enfermée dans sa prison dorée quand la violence et l'intolérance empêche le rapprochement et l'amour interracial. Le tout est résumé lors de la séquence en fin de film où elle se confie à sa meilleure amie, compréhensive quant au penchants de son mari mais outrée lorsque l'amour de Cathy pour "le nègre" se dévoile.
La conclusion est poignante de résignation douloureuse et on se fiche alors bien des références, influences et clins d'oeils (encore nombreux tout au long du film) pour seulement partager la tristesse de Cathy après son dernier adieu et l'existence morne qui l'attend.
Sorti en dvd zone 2 français dans un édition assez pauvre malheureusement mais à l'image somptueuse voyez les captures !
Hier, Aujourd'hui et Demain - Ieri, Oggi E Domani, Vittorio De Sica (1964)
Parmi les sommets de la collaboration De Sica/ Mastroianni/ Sophia Loren (avec Mariage à l'italienne dont on reparle bientôt), Hier, Aujourd'hui et Demain est un film à sketches tournant autour de la sexualité et de l'évolution des rapports hommes/femmes dans l'Italie des 60's, à travers son titre (chacune des histoires se déroulant à une période clé : l’hier pour le premier sketch, en 1954, avec son ambiance encore teintée de néo-réalisme, l'aujourd'hui pour le deuxième, avec le boom économique et le personnage de bourgeoise incarné par Sophia Loren et le demain pour le dernier et sa sexualité débridée signe de l'évolution des moeurs) et aussi l'antagonisme régional et social régnant en Italie entre le sud pauvre et le nord prospère, la localisation de chacun des sketches étant bien marquée (chaque transition s'attarde longuement sur respectivement Naples, Milan et Rome) et ayant une vraie importance dans le récit, souvent illustré par l'interprétation outrée (pour le sud dans les premier et troisième sketches) ou plus froide et mesurée pour le deuxième sketch.
Un peu à la manière d'un Boccace 70 (autre film à sketch légendaire de l'époque), seulement 3 longs sketches ici, donc assez développé et ne donnant pas dans la courte vignette méchante, tous interprété avec brio par le mythique couple Marcello Mastroiani/Sophia Loren.
L'ouverture se fait avec le plus mémorable des trois Adelina (chaque sketch portant le nom de l'héroïne jouée par Sophia Loren)où on voit la mère de famille Sophia Loren menacée de prison car ne pouvant payer une amende pour contrebande de cigarettes. Seule source de revenu du foyer, elle trouve cependant une faille : étant enceinte, elle ne peut ni être saisie, ni emprisonnée. Scénario génial qui, d'un pitch qui pourrait tirer vers le drame, déroule un grand numéro comique quand Sophia Loren s'empresse d'être mise enceinte à intervalle régulier (la période d'allaitement allonge aussi le délai) par Mastroianni pour éviter sa peine et qui nargue régulièrement les policiers qui reviennent à la charge par un nouveau certificat de grossesse. Très drôle surtout quand Mastroianni finit par être éreinté par ce rythme, régulièrement sollicité par Sophia Loren et entouré d'une marmaille de plus en plus nombreuse.
De Sica, avec intelligence, ne pousse pas plus loin le concept (alors que dans le fait divers dont s'inspire le sketch la femme aurait pondu quatorze enfants !) passé sept enfants pour jouer sur la solidarité et l'esprit d'entraide du quartier afin de sortir les héros de ce mauvais pas en réglant l'amende. Là où un Risi aurait amené l'histoire dans un terrain plus sordide, De Sica y coupe court également lors d'une scène où Loren ne peut se résoudre à coucher avec un autre lorsque son mari ne peut plus la mettre enceinte et elle préfère aller en prison plutôt que de le tromper. Cette tendresse et absence de cynisme fait du bien, typique de De Sica qui ne s'inscrit pas dans la veine méchante de la comédie italienne.
Anna le second montre la femme blasée d'un riche industriel s'offrir une balade en voiture avec son amant campé par Mastroianni. Récit assez cinglant sur cette bourgeoise milanaise qui semble aspirer à une existence plus authentique avec son amant mais dont le petit périple en voiture va révéler le fossé qui les sépare.
Aux antipodes de la "mama" du premier sketch, Sophia Loren dégage une allure froide et sophistiquée, tout en Dior où ses actes contredise totalement ses paroles, entre la voix off d'ouverture, sa conduite kamikaze et surtout la conclusion où elle traite Mastroianni en domestique lorsqu'ils ont un accident de voiture. De Sica n'a clairement pas la même tendresse pour les bourgeois du nord que pour les prolétaires du sud à travers ce portrait et une nouvelle fois se sort astucieusement de son concept de départ comme dans le premier sketch. Ici on s'attendait à ce que tout se déroule entièrement en voiture et on en échappe de manière surprenante.
Quant au dernier Mara, il nous montre une prostituée tenter de remettre dans le droit chemin son jeune voisin aspirant prêtre prêt à tout lâché car tombé amoureux d'elle. Le plus léger des trois mais très amusant tout de même. Un côté vaudeville et théâtre filmé très appuyé avec son cadre unique de l'appartement de Sophia Loren mais que De Sica sait rendre mouvementé, notamment par le personnage du client joué par Mastroianni frustré durant toute l'histoire de sa coucherie et entretenant d'étrange rapport mari/femme avec Loren.
L'aspect dramatique n'est pas très prononcé mais c'est enlevé, drôle et bien joué et ça donne l'occasion de revoir Tina Pica qui jouais la gouvernante de De Sica dans les "Pain, amour...". Cerise sur le gâteau, en conclusion un strip tease affolant de Sophia Loren resté mémorable et auquel Robert Altman rendra hommage bien plus tard dans Prêt à porter en reprenant la séquence avec Loren et Mastroianni plus âgé, le second degré succédant à l'érotisme. Un réussite couronnée par l'Oscar du meilleur film étranger et qui aura une suite avec le seul Mastroianni un peu plus tard, Aujourd'hui, demain et après demain (1965).
Et je ne résiste pas à la tentation de vous délivrer quelques captures du strip tease de Sophia Loren !
Pour certains ce sera plus motivant à voir le film que mon très long texte sans doute...
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta dans un coffret comprenant l'excellente suite.
Extrait du premier sketch
lundi 27 septembre 2010
Pour qui sonne le glas - For Whom the Bell Tolls, Sam Wood (1943)
Venu combattre aux côtés des républicains lors de la Guerre d'Espagne, l'américain Robert Jordan est chargé de faire sauter en Castille un pont défendu par les fascistes afin de couper la route à l'armée franquiste. Il tombe amoureux de Maria, une des résistantes du groupe dirigé par Pablo et sa femme Pilar.
Parmi les plus grands romans de Heminghway, Pour qui sonne le glas inspiré de son expérience de journaliste lors de la Guerre Civile espagnole se voyait donc adapté en 1943 dans cette superproduction hollywoodienne. Sans tomber aussi bas que la pénible transposition de L'Adieu aux armes de Charles Vidor en 1957, ce n'est pas une franche réussite. Heminghway mêlait dans son livre grande romance, réflexion sur la foi en une cause, esprit de camaraderie le tout surplombé par l'ombre de la mort, du destin inéluctable et de l'esprit de sacrifice. Tout ça se retrouve dans le film mais dans une tonalité tellement simplifiée et niaise que l'ennui et l'agacement se font rapidement sentir.
Les protagonistes sont tous réunis dans le but de la destruction d'un pont permettant une offensive décisive des républicains. Tout le récit est donc un lent préambule à ce final spectaculaire annoncé, le crescendo dramatique devant montrer l'attachement et la passion qui anime les différents personnages. Gary Cooper (familier de Heminghway car dans la mythique adaptation de L'Adieu aux armes de Borzage en 1932) est impeccable comme souvent en américain aventurier (et pendant de Heminghway forcément) venu défendre la cause républicaine. Malheureusement le scénario de Dudley Nichols en voulant dépeindre le caractère pittoresque des acolytes espagnols frisent le racisme involontaire surtout en début de film en accentuant ton jovial, ignorance crasse (par rapport à l'américain) et candeur confinant à l'idiotie avec en fond une réelle condescendance.
Cela va en s'atténuant mais empêche un réel attachement au personnages ce qui est dommageable vu la nature de l'histoire. Katina Paxinou s'en sort néanmoins mieux dans le rôle de Pilar, parvenant finalement à exprimer une belle sensibilité sous les grimaces. Ingrid Bergman est quant à elle assez transparente et forcée en amoureuse éperdue, et les quelques moments devant lui donner plus de profondeur (la révélation des maltraitances infligées pa les fascistes) tombent constamment à plat.
Les choix de Sam Wood sont fort discutables tel le tournage quasi intégral en studio tuant tout enracinement et authenticité à coup de transparence criante voir d'esthétisation ridicule lors de la scène d'amour entre Bergman et Cooper avant la bataille sous une lumière bleutée. Un instant voulue d'une grande intensité dramatique et passionnée se voit annihilée par des ornements criards. Heureusement quelques moments de noirceur parviennent à distiler quelques réflexions passionnantes du livre tel ce flashback montrant la barbarie des républicain et rendant le récit plus universelle en montrant la guerre comme nid des bas instincts de l'homme quelque soit son camp.
Le personnage de Pablo passionnant mais grotesque à l'écran y gagne un peu en intérêt. Reste de donc la conclusion impressionnante qui tient ses promesse et parvient à être palpitant avec la longue bataille entourant la destruction du pont. Malheureusement Sam Wood rate totalement sa fin en assénant les sentiments d'un Cooper d'une lourde voix off littéraire (précédé d'une séparation qui laisse froid un comble à ce stade du film) qui force le trait. Très moyen donc et autant dire que l'on sent les presque 3h douloureusement passer.
Pour ceux qui veulent malgré tout tenter l'expérience, sorti en dvd zone 2 français.
Parmi les plus grands romans de Heminghway, Pour qui sonne le glas inspiré de son expérience de journaliste lors de la Guerre Civile espagnole se voyait donc adapté en 1943 dans cette superproduction hollywoodienne. Sans tomber aussi bas que la pénible transposition de L'Adieu aux armes de Charles Vidor en 1957, ce n'est pas une franche réussite. Heminghway mêlait dans son livre grande romance, réflexion sur la foi en une cause, esprit de camaraderie le tout surplombé par l'ombre de la mort, du destin inéluctable et de l'esprit de sacrifice. Tout ça se retrouve dans le film mais dans une tonalité tellement simplifiée et niaise que l'ennui et l'agacement se font rapidement sentir.
Les protagonistes sont tous réunis dans le but de la destruction d'un pont permettant une offensive décisive des républicains. Tout le récit est donc un lent préambule à ce final spectaculaire annoncé, le crescendo dramatique devant montrer l'attachement et la passion qui anime les différents personnages. Gary Cooper (familier de Heminghway car dans la mythique adaptation de L'Adieu aux armes de Borzage en 1932) est impeccable comme souvent en américain aventurier (et pendant de Heminghway forcément) venu défendre la cause républicaine. Malheureusement le scénario de Dudley Nichols en voulant dépeindre le caractère pittoresque des acolytes espagnols frisent le racisme involontaire surtout en début de film en accentuant ton jovial, ignorance crasse (par rapport à l'américain) et candeur confinant à l'idiotie avec en fond une réelle condescendance.
Cela va en s'atténuant mais empêche un réel attachement au personnages ce qui est dommageable vu la nature de l'histoire. Katina Paxinou s'en sort néanmoins mieux dans le rôle de Pilar, parvenant finalement à exprimer une belle sensibilité sous les grimaces. Ingrid Bergman est quant à elle assez transparente et forcée en amoureuse éperdue, et les quelques moments devant lui donner plus de profondeur (la révélation des maltraitances infligées pa les fascistes) tombent constamment à plat.
Les choix de Sam Wood sont fort discutables tel le tournage quasi intégral en studio tuant tout enracinement et authenticité à coup de transparence criante voir d'esthétisation ridicule lors de la scène d'amour entre Bergman et Cooper avant la bataille sous une lumière bleutée. Un instant voulue d'une grande intensité dramatique et passionnée se voit annihilée par des ornements criards. Heureusement quelques moments de noirceur parviennent à distiler quelques réflexions passionnantes du livre tel ce flashback montrant la barbarie des républicain et rendant le récit plus universelle en montrant la guerre comme nid des bas instincts de l'homme quelque soit son camp.
Le personnage de Pablo passionnant mais grotesque à l'écran y gagne un peu en intérêt. Reste de donc la conclusion impressionnante qui tient ses promesse et parvient à être palpitant avec la longue bataille entourant la destruction du pont. Malheureusement Sam Wood rate totalement sa fin en assénant les sentiments d'un Cooper d'une lourde voix off littéraire (précédé d'une séparation qui laisse froid un comble à ce stade du film) qui force le trait. Très moyen donc et autant dire que l'on sent les presque 3h douloureusement passer.
Pour ceux qui veulent malgré tout tenter l'expérience, sorti en dvd zone 2 français.
samedi 25 septembre 2010
Jack le Tueur de Géant - Jack The Giant Killer, Nathan Juran (1961)
L'ignoble sorcier Pendragon, banni d'Angleterre, veut s'emparer du trône de Cornouailles en faisant abdiquer le roi et en épousant sa ravissante fille, la princesse Elaine. Il la fait enlever par un de ses serviteur, un immense géant, mais Jack, un modeste fermier, parvient à le tuer et sauve ainsi la belle captive. Mais Pendragon n'a pas renoncé à ses sombres desseins.
Trois ans après le succès du Septième Voyage de Sinbad, le producteur Edward Small (qui rata le coche en refusant de produire ce dernier) tente de reproduire la formule à succès avec ce film et engage pour cela le même réalisateur, le même héros (Kerwin Mathews) et le même méchant avec Torin Thatcher de nouveau dans un rôle de sorcier. Ne manque que le grand Ray Harryhausen aux effets spéciaux, ce qui se ressent au niveau des créatures dont le visuel est plus grossier et la stop motion moins parfaite que le bestiaire du maître mais le film s'en sort néanmoins de manière tout à fait honorable et recèle d'autres qualités.
Très librement inspiré du conte Jack et le haricot magique, le film emprunte également certains élément de sa trame à Sinbad avec son option aventure moins appuyée dans le conte et un personnage de lutin magique enfermé dans une bouteille variante à peine masquée du génie de la lampe.
Malgré tout le film parvient à trouver son identité grâce à son atmosphère de conte très marquée visuellement. Le début où on découvre la cour du roi Marc avec un aspect médiéval très colorée et kitsch ou encore l'antre sombre et menaçante de Pendragon sont très réussis et les sortilèges de ce dernier issus de la magie noire offre les moments les plus réjouissants du film.
Les créatures que doivent affronter nos héros sont donc systématiquement un soupçon plus horrible que dans les Sinbad, ce qui compense le manque d'originalité ou la raideur de certaines (le Cormoran en ouverture qui rappelle le Cyclope Sinbad, le serpent de mer géant assez loupé) et rend les autres assez effrayantes tels ces sorcières d'outre tombe dont l'attaque en pleine mer fait presque basculer le film dans l'épouvante le temps d'une scène. L'allure extravagante et bariolée du méchant Pendragon, le cour monstrueuse qui l'accompagne ainsi que certain tournant de l'histoire (comme la princesse ensorcelée devenue une affreuse créature démoniaque) contribue au ton conte horrifique adopté.
Le récit est assez classique avec son couple amoureux immédiatement mais incarné avec conviction et les morceaux de bravoures impressionnants ne manque pas. Le Cormoran qui décime les troupes du roi puis le long face à face avec Jack, l'assaut des sorcières et surtout le final sur la plage qui multiplie les créatures et les affrontements dantesque avec en conclusion un prodigieux combat entre Jack et Pendragon transformé en hideuse bête volante. Donc malgré les emprunts évident, c'est réellement dépaysant et féérique et devrait faire plaisir à tout ceux qui ont gardé leur âme d'enfant.
Sorti en dvd zone 2 français mais l'édition est désormais assez difficile à trouver donc privilégier le zone 1 trouvable pour pas trop cher.
Trois ans après le succès du Septième Voyage de Sinbad, le producteur Edward Small (qui rata le coche en refusant de produire ce dernier) tente de reproduire la formule à succès avec ce film et engage pour cela le même réalisateur, le même héros (Kerwin Mathews) et le même méchant avec Torin Thatcher de nouveau dans un rôle de sorcier. Ne manque que le grand Ray Harryhausen aux effets spéciaux, ce qui se ressent au niveau des créatures dont le visuel est plus grossier et la stop motion moins parfaite que le bestiaire du maître mais le film s'en sort néanmoins de manière tout à fait honorable et recèle d'autres qualités.
Très librement inspiré du conte Jack et le haricot magique, le film emprunte également certains élément de sa trame à Sinbad avec son option aventure moins appuyée dans le conte et un personnage de lutin magique enfermé dans une bouteille variante à peine masquée du génie de la lampe.
Malgré tout le film parvient à trouver son identité grâce à son atmosphère de conte très marquée visuellement. Le début où on découvre la cour du roi Marc avec un aspect médiéval très colorée et kitsch ou encore l'antre sombre et menaçante de Pendragon sont très réussis et les sortilèges de ce dernier issus de la magie noire offre les moments les plus réjouissants du film.
Les créatures que doivent affronter nos héros sont donc systématiquement un soupçon plus horrible que dans les Sinbad, ce qui compense le manque d'originalité ou la raideur de certaines (le Cormoran en ouverture qui rappelle le Cyclope Sinbad, le serpent de mer géant assez loupé) et rend les autres assez effrayantes tels ces sorcières d'outre tombe dont l'attaque en pleine mer fait presque basculer le film dans l'épouvante le temps d'une scène. L'allure extravagante et bariolée du méchant Pendragon, le cour monstrueuse qui l'accompagne ainsi que certain tournant de l'histoire (comme la princesse ensorcelée devenue une affreuse créature démoniaque) contribue au ton conte horrifique adopté.
Le récit est assez classique avec son couple amoureux immédiatement mais incarné avec conviction et les morceaux de bravoures impressionnants ne manque pas. Le Cormoran qui décime les troupes du roi puis le long face à face avec Jack, l'assaut des sorcières et surtout le final sur la plage qui multiplie les créatures et les affrontements dantesque avec en conclusion un prodigieux combat entre Jack et Pendragon transformé en hideuse bête volante. Donc malgré les emprunts évident, c'est réellement dépaysant et féérique et devrait faire plaisir à tout ceux qui ont gardé leur âme d'enfant.
Sorti en dvd zone 2 français mais l'édition est désormais assez difficile à trouver donc privilégier le zone 1 trouvable pour pas trop cher.
vendredi 24 septembre 2010
L'Odyssée du sous-marin Nerka - Run Silent, Run Deep, Robert Wise (1958)
1942. Détroit de Bungo. Le sous-marin du commandant Richardson est détruit par un akikaze, un destroyer japonais. Seul, Richardson et quelques membres de son équipage survivent.
L'année suivante, à Pearl Harbor, le commandant reçoit la charge d'un autre submersible baptisé le Nerka. Mais il se heurte à l'hostilité du lieutenant Jim Bledsoe, le second, qui espérait obtenir le poste de commandant du navire. Richardson veut affronter l'Akikaze et entraîne ses hommes dans sa vengeance.
Après l'échec du grinçant et brillant Le Grand Chantage de Alexander McKendrick, Burt Lancaster orientait le grand projet suivant de sa société de production vers ce récit plus spectaculaire et grand public. Tout les atouts sont mis de côté avec pour le seconder au casting Clark Gable (derrière lequel se met en retrait avec déférence et admiration), un remarquable scénario de John Gay adapté du roman d'un vétérans des tactiques militaires sous marine conférant toute son réalisme au récit notamment la vie d'équipage. ce réalisme est renforcé par l'étroite collaboration de l'armée obtenue par Lancaster, les vues en extérieur du Nerka étant celle du sous-marin USS Redfish, souvent réutilisé par la suite dans ce type de film le plus fameux étant le 20 000 lieues sous les mers de Richard Fleischer.
Le récit dépeint la confrontation entre deux officiers à la croisée des chemins de leur carrière militaire. Clarke Gable est un commandant condamné au travail de bureau après la destruction de son dernier appareil, et qui par de subtile manoeuvre va prendre le commandement du Nerka destiné au second incarné par Burt Lancaster. Entre rancoeur tenace et équipage hostile hostile la traversée ne sera pas de tout repos d'autant que nos héros doivent s'aventurer dans une zone où nombre de navires américain ont été détruite par un Akikaze japonais. C'est précisément le but de gable que de provoquer cette affrontement direct pour sa vengeance personnelle ce qui provoque de remarquables instants de tension psychologique lorsque Lancaster puis le reste de l'équipage se rebelle contre cette mission suicide non désirée.
Robert Wise en technicien virtuose et narrateur brillant orchestre le tout dans un suspense à couper le souffle, visitant les intérieurs de son sous-marin de la cale à la moindre écoutille et surtout en conférant une tension au cordeau lors des manoeuvres et batailles sous marine, remarquablement filmée et au effets spéciaux brillants. Le premier face à face avec l'Akikaze avec en parallèle le pilonnage de l'aviation japonaise est un grand moment, tout comme le cache cache final avec un autre sous marin jouant sur la capacité à se camoufler de l'autre (et justifiant le titre original) pour mieux riposter.
La tournure finale du rapport des deux héros est également bien amené, plutôt que d'invoquer le patriotisme c'est plutôt une transmission de la foi et de la prise de risque qui se fait entre Gable affaibli et un Lancaster finalement rallié à sa cause. L'ultime scène solonnelle et poignante n'en fonctionne que d'autant mieux pour cet remarquable ode aux "soldats du silence".
Sorti en dvd zone 2 français chez Mgm
jeudi 23 septembre 2010
Nos Années Sauvages - A Fei zheng chuan, Wong Kar Wai (1990)
Dans les années 1960 à Hong Kong, Yuddy (Leslie Cheung), élevé à la diable par sa mère adoptive, indolent et charmeur, se laisse bercer par la vie, passant de bras en bras, seulement alarmé quand on lui propose le mariage. Narcissique, obsédé par le besoin qu'il éprouve de découvrir ses origines, Yuddy quitte amis, maîtresses et mère pour partir aux Philippines, à la recherche de son passé.
Avec son premier film As Tear Go By le talent de Wong Kar Wai s'était révélé à l'état brut mais ne prenait pas totalement son envol, coincé par le genre très codifié dans lequel s'inscrivait ce galop d'essai, le polar hongkongais. Nos Années Sauvages est donc le film de l'affirmation, où le réalisateur pose tout les codes narratifs, esthétiques et thématique constituant l'essence de son cinéma.
Sans réelle intrigue conductrice le récit (en partie inspiré de souvenirs, rencontre de jeunesse du réalisateur) est prétexte à naviguer entre différents jeunes gens dans le Hong Kong des 60's dont les tourments et interrogations amoureux et/ou existentiels se suivent dans une atmosphère de spleen et de mélancolie envoûtante. En tête on trouve Leslie Cheung, séducteur froid et blasé dont la rudesse avec les femmes dissimule la fêlure d'une identité floue du fait de ses origines inconnues. Il est le pilier du récit et autour de lui s'agitent les autres personnages que se soit ses amis (Jacky Cheung) conquêtes (Maggie Cheung et Carina Lau) où leurs rencontres (Andy Lau). Tous sont dans le doute, incertains et torturés quant à leur avenirs, professionnels comme sentimental.
Wong Kar Wai déploie son art unique pour le moment suspendu détaché du temps avec maestria. La magnifique séquence d'ouverture où Leslie Cheung séduit Maggie Cheung, la ballade nocturne de celle ci avec le policier Andy Lau, le final au Philippines, le réalisateurs distilles les scènes magiques où le tourbillon de sentiments qui agitent les héros font le lien d'une trame libre et détachée des contraintes de la narration classique. Les voix off multipliées entre questionnements existentiels et banalités, la bande son indolente bercées d'Amérique du Sud ou encore la gestuelle poseuses et très étudiée de chacun, tout concours à une tonalité désenchantée et nostalgique.
Le film révèle ou montre des acteurs sous un jours qu'on ne leur connaissait pas. Jusqu'ici réduite au rôle de faire valoir féminin dans les films de Jackie Chan, Maggie Cheung (déjà dans As Tear Go By) déploie une grâce, une présence et une beauté qui va l'élever au sommet du cinéma de Hong Kong les années suivantes. Le passage où elle erre sous la pluie morte de chagrin après le comportement odieux de Yuddy est une de ses plus belle prestation. Jacky Cheung plus connu pour ses performance comiques (même si Un balle dans la tête de John Woo a révélé son potentiel dans un registre dramatique) est splendide dans le rôle discret d'amoureux transi et Leslie Cheung confirme son statut dans ce rôle tout en intériorité et froideur. D'un personnage potentiellement antipathique, il parvient à faire ressentir bouillonnement et le questionnement intérieur.
Un des plus beaux films de son auteur qui remaniera ses atouts dans une veine plus galvanisante dans le magique Chungking Express à venir, même si l'échec commercial du film (sauvé parla reconnaissance critique locale puis internationale) signera le glas de la suite prévue et dont on retrouve des traces semble t il dans In The Mood For Love et 2046 (seul Wong Kar wai que je n'ai toujours pas vu).
Sorti en dvd zone 2 français
mardi 21 septembre 2010
Peter Ibbetson - Henry Hathaway (1935)
Au XIXe siècle, aux environs de Paris, Mme Pasquier, une veuve d'origine anglaise, vit avec son jeune fils Peter. Leurs voisins sont Mimsey, une petite anglaise, et ses parents. Une passion durable ne tarde pas à naître entre les deux enfants. Mais un jour, la mère de Peter meurt, et ce dernier est recueilli par son oncle en Angleterre. Vingt ans plus tard, Peter, devenu architecte, n'a pas oublié Mimsey, qu’il va retrouver mariée à un Duc dont il doit rebâtir les écuries…
Peter Ibbetson, adaptation du roman éponyme de George Du Maurier (père de Daphné Du Maurier, auteur du livre ayant inspiré Vertigo), a dû représenter à l’époque de sa sortie (et encore aujourd’hui pour le cinéphile peu attentif) tous les syndromes du « mistcast », explication sans doute de son échec. Pensez donc, Henry Hathaway, solide réalisateur de films de genres – que ce soit le film noir (Le Carrefour de mort, Appelez le nord 777), l’aventure (Les Trois Lanciers du Bengale, déjà avec Gary Cooper) ou le western (La conquête de l’Ouest, Nevada Smith) – qui s’attaque à un drame romantique et fantastique ! Gary Cooper, archétype du héros américain viril, dans un rôle sentimental aux côtés d’une Ann Harding au physique terre à terre aux antipodes d’une Gene Tierney ! La réussite de Peter Ibbetson et la suite de la carrière de chacun relativise pourtant les à priori de départ.
Henry Hathaway fait partie de cette race de réalisateurs disparue aujourd’hui, véritables couteaux suisse de la mise en scène capable de prendre à bras le corps n’importe quel sujet avec efficacité et, pour les plus brillants d’entre eux, y apposer régulièrement leur patte (Richard Fleischer est sans doute l’incarnation ultime de ce type de réalisateur). Quant à Gary Cooper, il montrera par la suite toute l’étendue de son registre en abordant la comédie chez Wilder et Lubitsch, et son rôle d’architecte dans Le Rebelle, chef d’œuvre de King Vidor, le consacrera dans le registre dramatique.
Si le talent des tenants du projet n’est donc pas à remettre en cause, leur présence incongrue dans ce style de film n’en demeure pas moins réelle. Hathaway balaie d’emblée les derniers doutes au terme du très grand moment de cinéma que constitue la séquence d’ouverture, avec les deux héros enfants. Dans un cadre de campagne majestueux, deux imposantes maisons de campagne séparées par une grille où se trouvent des enfants se disputant la propriété de planche de bois. La discussion est interrompue lorsque le garçon, Gogo, doit laisser sa camarade pour voir sa mère malade au moment où elle rend son dernier souffle.
Il fond en larmes sous le regard ému de Mimsey, la petite fille qui l’observe de l’extérieur à travers la fenêtre de sa maison. Hathaway cède pour le coup à toute l’imagerie élégiaque et envoûtante du film gothique et onirique. La photo voilée donnant une aura irréelle au jardin, les cadrages et compositions de plan très élaborés dans la maison, la magnificence des forêts, tout est là pour produire l’image la plus flamboyante possible.
De plus, les deux jeunes acteurs sont absolument parfaits, des bouilles charmantes et associées à l’ambiance de la scène, leur jeu direct et sincère donne une tonalité absolument bouleversante à cet instant du film. La séparation finale des deux enfants est tout aussi déchirante et scelle le lien qui les unit, donnant toute sa force au renversement final. Un vrai instant de grâce que tout ce passage, qui vaudra au film les railleries des critiques de l’époque pour sa naïveté, mais qui demeure pour beaucoup de spectateurs le meilleur moment du film.
Après cette introduction magistrale, Hathaway prend le spectateur à rebrousse poil. La magie ne réapparaîtra (sans jamais retrouver la ferveur de l’ouverture) que lorsque les deux amants se seront retrouvés et reconnus adultes. Le choix d’acteurs plus « terriens » se justifie amplement alors, car le but du réalisateur est justement de montrer l’ennui et l’oppression du monde réel rendant impossible l’union de Peter et Mimsey. C’est tout d’abord avec le sentiment de vide puis l’errance de Peter à Paris, à la recherche du passé, que se manifeste la vacuité du monde réel (avec en prime une des premières apparitions de Ida Lupino à l’écran).
L’imagerie fantastique de la première partie ne peut s’exprimer que par intermittence, la réalité étant un obstacle à l’amour des amants encore marqués de l’innocence de l’enfance. Hathaway se caractérise par la simplicité de son approche ; à l’imagerie impressionniste avec laquelle il dépeint les intérieurs fastueux du château du Duc répond une incursion onirique par le seul dialogue, lorsque Gary Cooper et Ann Harding découvriront qu’ils ont fait le même rêve, et par la même se reconnaîtront. Un traitement très surprenant et sans doute un peu frustrant, mais finalement approprié.
Il faut attendre la dernière partie, lorsque le couple est à nouveau séparé après l’emprisonnement de Cooper pour le meurtre du Duc, pour basculer dans le monde des rêves. Le monde réel devient définitivement un cauchemar dont il faut s’échapper, avec cette prison cauchemardesque dont les ombres sont particulièrement appuyées.
C’est sans doute cet entre deux qui séduisit les impressionnistes qui firent un triomphe au film et maintinrent sa réputation à travers les décennies, et ce malgré son insuccès, jusqu’à sa reconnaissance tardive. L’émotion n’en fonctionne pas moins et s’exprime dans toute sa pureté, et c’est le cœur serré que l’on assiste enfin aux ultimes retrouvailles. Après une vie de douleur, l’éternité appartient enfin à Gogo et Mimsey.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side dans une belle édition, voyez les captures le genre de film dont on a envie de mettre toute les images pour accompagner le texte.
Extrait
lundi 20 septembre 2010
Le Fantôme de l'Opéra - Phantom of the Opera, Arthur Lubin (1943)
La prometteuse soprano Christine Dubois est une jeune femme très courtisée, à la fois par le chanteur lyrique Anatole Garron et l'inspecteur Raoul D'Aubert. Mais elle a également un prétendant secret, ancien violoniste de l'Opéra de Paris défiguré par une projection d'acide, qui hante les catacombes de l'édifice...
Seconde adaptation hollywoodienne du roman de Gaston Leroux, après celle de 1925 avec Lon Chaney. Produite à nouveau par Universal, elle s'inscrit dans la veine de toute les adaptations fantastique qui firent la gloire du studio dans les années 30 avec les Frankenstein de James Whale, le Dracula de Tod Browning ou encore L'Homme Invisible. Sur le papier du moins et dans l'intention sans doute mais les différents choix de Arthur Lubin donne une toute autre tonalité au film. Là où on attendait un noir et blanc tout en jeu d'ombres où on imaginerait le fantôme tapi dans les alcôves de l'opéra, Lubin use d'un technicolor éclatant. De même, il faut toute la conviction de Claude Rains en musicien poussé aux dernières extrémités par le dépit amoureux et les humiliations pour croire à l'aspect torturé du fantôme, le scénario expédiant son drame dans une brève première partie. Il ne réapparaît ensuite que par intermittence pour rappeller qu'il y a tout de même une menace qui pèse sur les personnages.
Le vrai film de Lubin est donc moins une adaptation de Gaston Leroux qu'une comédie fantastique mâtiné de film d'époque. Les décors sont imposants et soignés que ce soit l'opéra visités de fond en comble où de superbes maquette et matte painting du Paris de la Belle Epoque. Les séquences d'opéra sont d'ailleurs forts réussies, notamment celle qui ouvre le film où Lubin met autant en valeur ce qui se déroule sur scène que les futurs rapports entre les personnages exprimés par la seule image : le triangle amoureux entre Christine Dubois (charmante Susanna Foster), Raoul et Anatole, l'amour secret et maladif du violon Claudin ou encore la jalousie de la soprano Biancarelli. Lubin passe de l'un à l'autre avec maîtrise à travers d'ample mouvement de cama sillonnant l'opéra.
Bien que déjà rompu au fantastique avec Fantôme en vadrouille tout comme dans ce dernier le genre semble plus se prêter à la comédie qu'au pur film d'épouvante mystérieux, la preuve avec l'intrigue amoureuse légère qui prend une place insensée au détriment de la vengeance et passion tragique du fantôme menaçant trop brièvement. Il faut tout de même admettre que le suivre se suit agréablement grâce aux qualités plastiques évoquées et à l'allant des acteurs mais vu les moyens déployés c'est tout de même frustrant.
La conclusion laissant découvrir le superbe et imposant décor des catacombes fait clairement regretté à ce que le film aurait pu être en d'autres mains, tant tout ce qui manquait précédemment s'amorce là pour un court instant. Claudin jouant pour son aimée tenue en otage avec ferveur, un bref instant de magie trop vite interrompu le film se concluant même sur une ultime note farceuse.
Sorti en dvd zone 2 français dans la collection Universal Monsters
La superbe séquence d'ouverture